Photo : Gabriel Rivett-Carnac (Black Fly Trail Race)
Vendredi 20 h 30. Je me prépare à partir vers le départ de la Midnight Moose Ultra 100. C’est quand même super plaisant d’être proche de chez moi, même si mon lit m’appelle puisque habituellement, je suis proche de me coucher à cette heure. C’est à ce moment là que je me demande qu’est-ce que je fais à me préparer pour une nuit blanche plutôt que de mettre mon confortable pyjama? Bon, je me suis inscrite, j’ai plus vraiment le choix d’y aller, en plus mon chum va faire ma crew au 50e kilomètre et plein de mes amis vont penser à moi.
Prête pas prête, j’y vais!
22 h, le départ est donné. Quelle belle nuit! Aucun nuage à l’horizon, un ciel d’étoiles et une lune énorme et orange, c’est féérique! Ce sera mon premier départ à une heure si tardive, la première fois que je vais courir une nuit complète. (J’aurais peut-être dû m’entraîner un peu plus à la noirceur?) Tout va bien, ça avance bien, je connais les sentiers. Le parc de la Gatineau est mon terrain de jeu. Et puis boom, quelqu’un manque un fameux flag, et on doit être une centaine au camp fortune à chercher notre chemin. Les joies de la trail de nuit. Mais ça fait partie de la game. Loin d’être découragée (je suis encore là pour une couple d’heures anyway..), on essaie de retrouver notre chemin en gang. Enfin revenu au bon endroit, on repart.
On avance, on avance, on ne recule pas.
Loin de savoir ce qu’une nuit blanche allait me faire physiquement et mentalement, je me rends vite compte que c’est dur. Je suis fatiguée. Aucune idée de l’heure qu’il est; ceux qui me connaissent savent que je cours sans montre. Je suis tannée. Je peux tu juste me coucher là jusqu’à demain matin? J’arrive à une portion que je sais que je dois courir pour garder le pace que je voulais avoir. Aller hop on court!! J’arrive à un ravito, bon ok je texte mon chum (QUI DORT) pour qu’il vienne me chercher au prochain, je veux juste dormir.
Après cela je fais la rencontre de Jonathan, qui trouve que 160 kilomètres c’est long… J’essaie de lui dire de diviser sa course plutôt que de la voir en entier. Wait, je lui donne des conseils quand moi-même je suis en train de traverser un trou noir? Ces conseils s’appliquent aussi à moi là, come on Andrée-Ann you got this. On continue de jaser et d’avancer ensemble, et on arrive ainsi au prochain ravito.
Je n’ai plus envie d’arrêter. Évidemment l’énergie est revenue. Évidemment parce que c’est toujours le cas. On est écoeuré, pu capable, mais non, 30 minutes plus tard l’énergie revient (était où???) et comme si de rien était, on est reparti comme neuf. Bon. Mon chum est pas là… Tant mieux je lui dis que je repars vers le 50e kilomètre. Maintenant, l’envie d’arrêter n’est plus dans ma tête du tout. Je me sens bien, je suis toujours avec Jo et on rigole bien. On a hâte au jour.
Moitié de fait.
5 h 45. 50e kilomètre, je suis à l’heure comme un métronome. Je mange comme s’il n’y avait pas de lendemain (LAIT AU CHOCOLAT) Je profite de l’amabilité de mon chum qui change mes bas et mes souliers (THIS IS LOVE!) et je lui dis qu’il n’est plus question d’arrêter, on repart pour finir.
Jonathan et moi repartons, en quête du lever du soleil, qui, ma foi, ne nous a pas du tout désappointés. Les feuilles commencent à changer de couleur, le « golden hour » du lever du soleil dans le visage.. (J’ai dû dire au moins 50 fois à quel point on était chanceux, merci de m’avoir endurée toutes ces heures Jo..) Wow! Ça fait du bien. On continue d’avancer.
70e kilomètre.
Je me sens toujours bien. Je décide de regarder sur la feuille des temps pour voir à quelle position je suis chez les femmes. Je ne vois que deux crochets devant moi… Impossible? Je suis troisième, overall? Impossible. Je suis pas vite là… Bon, malgré tout, pas de presse, mon objectif de course ne change pas : finir mon 100K. Et pour cela, il faut quand même que je mange avant de repartir. (Lire ici : Timbits, timbits, timbits, chips molles, chips molles, chips molles)
Par contre, cela me donne une énergie nouvelle. Je me sens toujours bien, mes jambes sont présentes, et mon mental est maintenant gonflé à bloc. On repart donc encore une fois vers le prochain ravito. On sait que cette partie est plus roulante. Jonathan commence à trouver cela difficile, donc au prochain ravito (80 kilomètres), il me dira de repartir puisque je me sens toujours bien. Je repars en donnant tout ce que j’ai, en ayant une attitude que je n’ai jamais eu en course, celle de vouloir rattraper ceux devant moi, puisque je me sens encore d’attaque. Je cours encore à une vitesse relativement bonne.. Wow! Cela ne m’est jamais arrivé de me sentir si bien après tous ces kilomètres.
Je cours et je commence déjà à pleurer de joie de me sentir si bien. Je suis tellement reconnaissante. Il fait beau, la nourriture est encore bonne et ma tête se sent si bien. Je sais que la partie technique s’en vient, ce que je préfère. Je monte, je continue d’avancer. Wow! Je vais y arriver.
Pouf. Une petite branche. La coquine. Ma petite cheville un peu fatiguée décide de tourner, mais mon genou fait tout ce qu’il peut pour la reprendre. Et voilà. Je viens de me pêter le genou. Bravo. À 90 km. Pu capable d’avancer. Drôle comment ça peut changer vite. But, you know what? I DON’T CARE. Cette branche ne me définit pas en tant que personne et n’est pas du tout représentative de toutes ces heures qui viennent de passer.
J’ai déjà pleuré de joie, je vais pas pleurer de peine là. Non. C’est ma meilleure course à vie. J’ai vraiment le sentiment que j’ai tout donné. Je suis tellement fière. Ça me ramène aux bases : peu importe la distance, peu importe si on finit ou pas, le plus important c’est d’avoir le sentiment d’avoir tout donné et il faut TOUJOURS être fier de ce qu’on accomplit : que ce soit 1 kilomètre, ou 90.
A.