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Lettre à Maxime Leboeuf, ma saison, et la vie

Dans la vie, habituellement, je n’ai pas tendance à être facilement impressionné par les gens, mais je suis bien intimidé par les bons coureurs de trail. Pour moi, le coureur (ou la coureuse) de trail, c’est quelqu’un qui saute d’une roche à l’autre dans un équilibre parfait. Ce coureur représente pour moi, l’image de la liberté. Dans mon imaginaire, le grand coureur, c’est celui qui après avoir fait un petit 100 km dans le bois, peut par la suite vaquer à ses occupations quotidiennes avec le sourire. En fait, c’est celui pour qui la vie est un immense terrain de jeu.

Maxime Leboeuf

Avec cette vision un peu idyllique, j’ai parfois l’air un peu bizarre dans la communauté de trail, car je suis intimidé par plusieurs grands coureurs. Ainsi, le hasard a fait en sorte que je croise au moins trois fois cette semaine celui que je considère comme le meilleur coureur de trail en ce moment au pays, Maxime Leboeuf et, à chaque fois, j’ai l’air un peu fou.

Je le vois au loin qui s’en vient et je me dis, cette fois, je le fais, je vais lui dire bonjour d’un ton franc, la tête haute, mais finalement, je passe à côté de lui sans rien lui dire.

Parfois, je réussis à baragouiner un petit bonjour inaudible, mais jamais plus. Il n’y a qu’un coureur de trail qui peut m’impressionner comme cela. Je pourrais rencontrer un joueur du Canadien ou Céline Dion, il n’y aurait rien là, je ne serais pas impressionné pour une cenne. Mais Maxime Leboeuf, c’est une autre affaire.

Ma saison 2019

C’est donc avec cette image sans nuance des coureurs que j’ai entrepris la saison 2019. L’objectif de cette année, devenir moi aussi un vrai coureur de trail pouvant survoler les obstacles. Le plan de match pour y arriver : quelques courses sur route au début, puis un 50 km au Massachusetts avant d’enfiler le 80 km du Québec Méga Trail et finalement concrétiser le tout avec le 125 km d’Harricana.

La saison a assez bien débuté, je me suis sorti d’affaire au Massachusetts. Lors du Québec Méga Trail, cela s’est corsé un peu. Il faut dire que quand le sentier présente des difficultés techniques, je deviens vite dépassé, en fait, j’ai autant de coordination dans la vie qu’un pachyderme dyspraxique.

Mais j’ai survécu à ce 80 km et j’ai été grandement impressionné par : la beauté du paysage, la qualité de l’organisation et ma capacité de me retrouver les quatre fers en l’air à une aussi grande fréquence.

Pourtant, il me semble que je m’étais bien préparé, je m’étais équipé de bâtons et tout et tout, mais, malgré cela, je ne me souviens plus du nombre exact de fois que ma face a goûté à la terre glaise du sentier.

Finalement, je l’ai terminée la course, pas vite vite, mais je l’ai terminée. C’est sûr que quand je suis arrivé de mon 80 km, le gagnant du 110 km (Maxime Leboeuf, bien sûr) avait eu le temps de faire sa tournée des médias, une petite sieste et manger quelques fois, mais bon.

L’Ultra-Trail Harricana

Le grand objectif de la saison, c’était le 125 km de l’Ultra-Trail Harricana; c’était cette course qui allait me permettre de faire partie de la vraie communauté des coureurs de trail et de cesser d’être intimidé.

Bien que je n’eusse pas fermé l’œil de la nuit, le départ était magique : observer des centaines de coureurs gravissant la montagne à la lumière frontale, c’était vraiment impressionnant et rassurant. Il faut dire que je suis un peu peureux, quand je suis seul dans le bois la nuit. Pour moi, qui viens du centre-ville de Montréal, c’est un grand dépaysement la forêt et cela me rend parfois un peu « chicken ».

Après quelques kilomètres, naturellement, j’ai commencé à enfiler les chutes et à manquer un peu de motivation. Autour de moi, il y avait des amis coureurs que je trouvais admirables dans leur persévérance. Ils s’accrochaient et continuaient la course malgré des blessures bien plus graves que mes quelques bleus, mais bon, moi, je n’étais pas tout à fait là.

Quand le parcours devenait, moins technique, le positivisme revenait et je fonçais; mais devant les difficultés, oublie ça, le moral redescendait aussi vite que la marée dans la baie de Fundy. Le dernier bout a été pénible, j’ai franchi mes 13 derniers kilomètres en temps record de lenteur, plus de quatre heures. Il faut dire que j’ai pris le temps de manger beaucoup de bleuets sauvages le long du parcours (ils étaient vraiment bons) mais, quand même! C’est donc après 82 km que j’ai arrêté le tout, un peu déçu de moi, mais même pas tant que cela sur le coup. Après, c’est une autre affaire, la déception s’est bien incrustée.

Les leçons

En conclusion, l’année 2019 n’a pas été celle où je suis devenu le coureur de trail que j’espérais. Pour 2020, je change de projet, je vais faire des courses moins techniques, un peu plus pépères; je travaille fort à accepter mes limites. J’ai bien l’impression que je vais être encore un petit bout de temps sans oser dire bonjour à Maxime Leboeuf, désolé Max.