Nous sommes tout près de 200 à assister à cette messe du vendredi soir, à l’église de Percé, la veille de l’Ultra Trail Gaspesia. Après son homélie, le directeur de course, Jean-François Tapp, donne sa bénédiction. C’est avec fébrilité que nous partons dormir les quelques heures nous séparant du départ. Cette course s’annonce bien : parcours relativement roulant, ravitos rapprochés, température parfaite et paysages grandioses à découvrir. Mais cette course me donnera des leçons que je n’oublierai pas…
Sur la plage de Cannes-de-Roches, nos foulées se font entendre dès 5 h. Elles sont vite submergées par le son des vagues frappant la falaise que nous longeons.
« Vous aurez les pieds ben mouillés après les 15 premiers mètres. »
– JF Tapp
Première leçon : Les ultras existent pour nous sortir de notre zone de confort.
Mais ce n’est pas un secret, la plupart des coureurs sont là pour ça, surmonter des difficultés imprévues. Un début de course avec de l’eau parfois jusqu’à la taille, c’est une expérience purement gaspésienne!
Je participe au 54 km qui consiste en un parcours linéaire jusqu’au quai de Percé en passant par le Géoparc, l’Anse-à-Beaufils et le Mont-Ste-Anne. Une vingtaine de participants au 160 km prennent le départ avec nous. Ils doivent compléter trois fois le même parcours linéaire. Aller-retour-aller.
Mon plan initial était de changer de bas en sortant de la plage pour ne pas avoir d’ampoules. Mais j’en décide autrement en voyant que je suis en 3e ou 4e place. Je vais garder les mêmes bas pour les 30 prochains kilomètres. Finalement, mes craintes s’estompent, pas d’ampoule ni de frottement dérangeants.
Deuxième leçon : Les entraînements de longue durée, exécutés volontairement les pieds mouillés, sont payants!
Ma conjointe m’attend à l’Anse-à-Beaufils. Ça fait tellement du bien pour le moral de se savoir soutenu, ça donne de l’énergie! Elle m’apporte mon drop-bag et change mon eau. J’en profite pour croquer quelques bouchées de mon wrap à l’humus préparé la veille, changer mes bas et prendre mes bâtons pour la seconde partie. Je constate que je n’ai pratiquement rien mangé depuis les 3 dernières heures, j’espère tenir le coup. Je suis présentement en 4e position. Thomas Duhamel arrive au ravito, prends 3 minutes à l’intérieur, se fait une tartine et me propose de repartir ensemble vers Percé. Il me reste 25 km à faire, lui 120.
Thomas prend les devants avec une bonne cadence, soutenue, même dans les montées. « Si je maintiens ce rythme jusqu’au bout, il y a de bonnes chances que je conserve ma position», me dis-je. Après 5 km, je laisse aller le chevreuil, incapable de tenir le pace.
Troisième leçon : Ce n’est pas parce qu’un coureur est sur le 100 miles qu’il va nécessairement se la jouer molo – en particulier Thomas Duhamel. Garde ta propre cadence, conserve ton énergie.
Ça monte, et ça monte. Je me fais rattraper par Vincent à un ravito. On décide de faire un bout ensemble et on jase sur l’utilisation de bâtons en course sur sentier. J’ai l’habitude des bâtons : ils m’aident à la poussée en montée et au contrôle en descente. Je le constate en prenant une avance considérable sur lui dans les côtes.
C’est le premier ultra où je prends un minimum de temps aux ravitos. Je suis décidemment en mode compétition. Ça va bien, mais l’énergie commence à manquer. Je continue en marchant les montées mais en donnant tout ce que je peux en descente. Il reste une dizaine de kilomètres.
Je descends une route à une bonne vitesse quand je passe tout droit à un embranchement. Je m’arrête plus bas, en me questionnant si je suis sur le bon chemin, si je devais remonter et prendre à droite. Mais je vois des drapeaux plus bas qui me donnent l’impression d’être sur la bonne voie. Ma montre indique 49 km. Pas de « X » qui indique une impasse, alors je décide de poursuivre la descente jusqu’à la destination finale.
Passé l’arche d’arrivée, j’ai le droit à un accueil triomphal : « Tu es second !! ». Rémi, vainqueur de la course, vient me féliciter. Mon souffle retrouvé, je me mets à réfléchir et c’est impossible que je sois second. Je réalise alors que j’ai manqué la montée du Mont Sainte-Anne où se trouvait le dernier checkpoint! Avant cette erreur de parcours, j’étais en 5e position. Damn!
Quatrième leçon : Dans le doute, rebrousses chemin pour t’assurer d’être sur le bon parcours. C’est du temps bien investi. Ah oui! étudie bien le tracé avant de prendre le départ.
Déçu d’être disqualifié, mon objectif de finir top 5 tombe à l’eau. J’avise le directeur de course de mon erreur. En apprenant que je ne suis pas allé jusqu’en haut du Mont Sainte-Anne, il m’invite, à la blague, à y aller en pick-up pour la vue! Vraiment accueillants ces Gaspésiens!
Mais cette déception n’est rien à côté des nouvelles rencontres, des discussions, du partage, des encouragements et du dépassement de soi que cette expérience m’ont fait vivre.
Cinquième leçon : Quand le travail n’est pas bien fait, recommence.
Gaspesia 100, on se revoit l’an prochain!
Photo entête crédit Julie Michaud.