Je viens de vivre une expérience plutôt inusitée au 160 km Gaspésia qui avait lieu du 15 au 16 juin 2019. J’ai dû abandonner une course parce que je suis tombé évanoui, face dans la boue.
S’inscrire à une course de 160 km dans les montagnes, c’est rechercher l’aventure et le dépassement de soi. Je croyais avoir tout prévu… Je me préparais à une course comme celle-là depuis des années. Des milliers d’heures d’entraînements et de compétitions, des dizaines de livres pour étudier ce sport, des semaines à préparer la nourriture et l’équipement, des heures à étudier le parcours et la météo. Tout ce travail a quand-même porter ses fruits. Dans les sentiers tortueux qui s’étiraient creux dans la forêt, au sommet de plusieurs montagnes, sur la plage, j’ai couru comme une machine. J’avais de l’endurance, une bonne attitude, et une solution pour tous les problèmes qui survenaient.
Vers 3-4 heures du matin, après 22-23 heures de course, il s’est mis à pleuvoir un peu. J’ai donc arrêté de courir quelques instants pour mettre un imperméable. Je me souviens de m’être arrêté, mais je ne me souviens pas de ce qui s’est passé après. Je me suis réveillé dans la boue en me demandant ce que je faisais couché là. Je ne sais pas combien de temps s’est écoulé entre mon évanouissement et mon réveil; ce pourrait être 30 secondes comme 30 minutes.
Je venais de parcourir 120 km et il me fallait décider si je voulais prendre le risque de courir encore pendant plusieurs heures afin de franchir les 40 km manquants. Je n’ai pas eu beaucoup de temps pour y réfléchir. J’étais tout près d’un chemin de terre et j’ai vu passer un camion de pompiers. Ils agissaient comme secouristes pour la course, et ils se sont dirigés vers moi pour me demander si ça allait bien. Je leur ai dit que je venais de m’évanouir et qu’il serait mieux que je termine ici. Je suis embarqué dans le camion, et ils m’ont conduit jusqu’à une ambulance stationnée en ville pour traiter les coureurs. J’y suis resté jusqu’à ce que ma famille vienne me chercher.
En discutant avec les pompiers et les ambulanciers, j’ai conclu que j’avais pris la bonne décision en mettant fin à ma course, et que j’avais été très chanceux de m’être évanoui tout près d’une route. Lorsqu’ils m’ont croisé, les pompiers cherchaient un coureur et une secouriste qui s’étaient égarés dans la forêt au milieu de la nuit, depuis plusieurs heures. J’aurais pu m’évanouir loin dans la forêt ou tomber en bas d’une montagne. J’ai pensé à ma femme, à mes enfants, à mes parents… Je me suis dit que je suis plus qu’un coureur; je suis aussi un fils, un mari, un père, et bien d’autres choses. Le coureur a échoué, mais en cette journée de la fête des pères, le papa a fait la bonne chose : il est revenu sain et sauf et pourra continuer d’inspirer ses fils dans ses prochaines aventures.
Merci aux organisateurs et bénévoles d’avoir donné si généreusement de votre temps pour nous permettre de vivre des expériences hors du commun. Je vais sûrement prendre rendez-vous avec les sentiers de Gaspésia en 2020, car je n’ai pas dit mon dernier mot.