La Gaspésie a encore été très généreuse avec moi…
Comme je le dis souvent, j’associe la course en sentiers à une aventure. Découvrir, partager et vivre des expériences qui nous sortent du quotidien.
Cette année encore, la Gaspesia 100 a été l’occasion de parcourir et de profiter des belles routes et des beaux paysages du Bas Saint Laurent et de la côte gaspésienne. En guise de petits cadeaux d’avant-course, nous avons eu le droit de voir une baleine s’amuser sur la côte et 2 jeunes orignaux nous passer juste devant, peu avant notre arrivée.
Rendus à Percé, l’atmosphère est vraiment différente de l’année dernière. Lever du vendredi matin plein face à l’océan, le Roché percé et l’île Bonaventure en spectacle.
Jean François Tapp, l’homme à la salopette de pêcheur et à la bonne humeur maladive, nous a prévu un menu en plusieurs services pour cette fin de semaine.
Pour se mettre en bouche, notre grand chef gaspésien nous emmène sur l’île Bonaventure déguster 12 km de sentiers d’une beauté rare.
Comme autour d’un bon souper, tous nos sens sont en alerte. La vue est tout simplement incroyable, à en oublier de regarder ses souliers pour avancer. Le bruit et l’odeur des fous de bassans nous envahissent jusqu’à presque en avoir le goût dans la bouche.
A peine passée la ligne d’arrivée qu’on me rappelle qu’il m’en reste 160 à courir, et que la suite du repas arrive rapidement : départ sur la plage demain – 5 h am.
Il est temps de prendre les bonnes infos du chef et de ses commis au briefing de course dans l’église de Percé, et d’aller faire un petit dodo pour installer le corps et l’esprit dans une ambiance d’ultra.
Les conditions météo et les éléments naturels sont à la base de notre pratique sportive. Bonnes ou mauvaises, il faut y trouver du plaisir. Tous les coureurs d’ultras ont des anecdotes sur un plaisir intense ressenti pendant des conditions terribles de course ou d’entraînement. Un petit conseil : ne jamais lancer ce sujet à un coureur sous peine d’histoires à n’en plus finir…
L’année dernière, c’était la météo digne de l’arche de Noé qui nous avait ballottés toute la fin de semaine. Cette année, la marée (très) haute a décidé de s’inviter au souper pour nous faire passer le 1er kilomètre à barboter les pieds dans l’eau fraîche. Certains vous parleront de sécurité, pieds trempés, etc. Un grand merci J-F d’avoir maintenu ce 1er km tel quel : ça contribue à la beauté de la course, ce départ sur le bord (ou totalement ) dans l’eau.
Devant nous un parcours de 160 km, divisé en 3 segments égaux. En forme de demie assiette, nous devons courir sur son bord, un aller/retour, et refaire un aller pour passer sous l’arche d’arrivée dans le village de Percé et mériter une bonne bouteille de Pit Caribou !
Je connais bien les difficultés du parcours et je sais que les 30 premiers kilomètres sont roulants. Je décide donc de prendre la tête de course du 100 miles accompagné d’Alex Genois. La force des réseaux sociaux fait que nous ne sommes pas étrangers et ces premiers kilomètres me font découvrir un nouvel ami très sympathique et aux valeurs proches de celles qui me sont chères dans notre sport.
Une belle camaraderie s’installe, mais à l’apparition des premières difficultés, je décide de prendre de l’avance pour garder un bon rythme tout au long du premier 53 km.
En arrivant dans la 2ème section de la course entre la vieille usine de l’Anse à Beaufils et le village de Percé, je prends une série de claques par la beauté des points de vue. Je n’imaginais pas une seule seconde l’année dernière que derrière le brouillard et la pluie intenses, des paysages aussi beaux se cachaient.
Après un peu plus de 6 h de course, je termine le 1er des 3 segments. Je retrouve des amis dont le gagnant du 53 km, Rémi Poitras. Une vraie fusée!
Mon équipe qui va me suivre sur tout le reste de la course m’attend. Je vais être bichonné par Maryse & Misa. La première prenant soin de moi avec ses 2 mains et l’autre, me regardant et voulant jouer avec moi sur ces 4 pattes.
De retour sur les sentiers, à contre courant des coureurs s’en allaient à leur tour vers Percé. Je peux prendre la mesure de l’avance que j’ai. Je croise Alex après quelques kilomètres dans la montée du Mont Saint-Anne, un high five et 3 mots d’encouragement, avant de croiser la première femme et très solide coureuse, Anne Bouchard.
J’ai déjà une avance confortable, et j’ai en tête d’essayer de l’accroître pour mettre du temps de repos en banque rendu à l’auberge coin du banc, symbole de la fin du 2ème segment au kilomètre 106.
Y a pas à dire, la qualité du parcours de la Gaspésia 100 est incroyable. Et l’avantage de le faire en aller/retour, c’est qu’on profite de tous les paysages sans avoir besoin de se retourner. Juste un peu de patience avant de découvrir tout ce qu’on avait dans le dos depuis le départ. On traverse des sentiers roulants où dans lesquels on prend plaisir à faire tourner les jambes. La forêt est tellement dense qu’elle s’apparente à une jungle où il est presque impossible de poser le pied sur autre chose qu’une racine. On court le long de rivières, de cascades, de champs. Avec des paysages maritimes, forestiers, urbains…un vrai bonheur !
A la sortie de la dernière section de forêt, je me retrouve sur la plage en direction de l’auberge du Coin du banc. La nuit ne va pas tarder, mais je sais que mon avance me permet de prendre un peu de repos qui, à ce stade de la course, fait toute la différence. Peu importe l’avance ou le retard que l’on a. Le dernier tiers d’un 100 miles a ce pouvoir magique de pouvoir rebrasser toutes les cartes.
Ma super équipe s’est agrandie de plusieurs amis et tout le monde s’occupe de moi comme d’un nouveau né. On me fait manger, on me réchauffe, on prend soin que je sois bien allongé pour me reposer un maximum. Et tout ça, sans presque dire un mot. Que c’est bon de retourner en enfance de temps en temps !
Après 40 min, je dois revenir à la réalité et reprendre ma vie d’adulte pour repartir terminer le 3ème et dernier segment de la course.
Ensemble, avec Maryse et Misa, comme une petite famille un dimanche après midi, on décide de marcher le long de la plage pour reprendre le rythme et profiter du début du coucher de soleil.
La nuit commence à tomber. Comme après le 1er segment, je croise les autres coureurs et je me rends compte qu’Alex et Anne ont dû abandonner. Mon nouveau poursuivant se nomme Jodi. Je vais avoir ce nom en tête pendant les 9 h du retour vers Percé, en faisant tout pour rester devant et pouvoir le recroiser qu’après la ligne d’arrivée.
À chaque ravitaillement du dernier segment, c’est un vrai bonheur de voir mes proches et tout un rituel s’installe.
Je mets mon sleeping sur mes épaules tel la cape de Batman. On enlève les chaussures. Nettoyage des pieds. Changement de bas. Remplissage des bouteilles de potion magique. Gobage de quelques boules de riz préparées la veille de la course. Massage des jambes. Remerciement de l’équipe de choc. Et ça repart…
Une légère paranoïa s’installe au fur et à mesure : j’ai tout le temps l’impression que je dois accélérer pour maintenir Jodi à distance. Je sais qu’il est à plus d’une heure de moi mais je me retourne souvent pour voir s’il n’arrive pas. S’il me pique ma cape de Batman, il serait bien capable de débarquer devant moi derrière n’importe quel arbre.
Tout ceci me garde extrêmement concentré sur la course et la nuit courte, à ce moment de l’année, est bientôt finie.
Je suis vraiment surpris quand, vers 3 h 30, les premières lueurs apparaissent. Je suis rendu dans la dernière section de la course, et chaque point de vue se transforme en moment magique. Je sais qu’il y a maintenant peu de chance pour que Jodi me rattrape. Je relache un peu la pression et ma tête prend un grand coup de fatigue.
C’est dans un état second que je profite des nombreux panoramas et que je descends calmement vers Percé.
Il est maintenant temps de retrouver mes proches, peu avant l’arrivée, les remercier du fond du cœur et d’aller passer l’arche pour célébrer tout ça.
Un immense merci à toi J F et à toute ton équipe pour nous faire venir en Gaspésie et de nous dérouler le tapis rouge. Vous êtes des chefs 5 étoiles et des ambassadeurs formidables d’un petit coin de paradis!
Un gros merci et un grand bravo à tous mes proches qui ont aussi couru, pris soin des coureurs ou participé d’une manière ou d’une autre à cette aventure.
Samuel, Rémi, Roxanne, Jasmin, Barth, Guy, Pierre, Cédrik, Christophe, René, Daphnée, Matthieu (3ème sur le 100 miles !! ) & Maryse.
Je vous laisse, j’ai rdv avec Rémi et Roxanne à la microbrasserie Auval avant de repartir vers la Baie des Chaleurs…
Le 8 octobre prochain, venez avec moi à Québec pour soutenir les familles dont les petits sont touchés par une maladie cardiaque. L’association En Coeur organise un bel évènement (http://courirencoeur.ca/).
Si vous ne pouvez pas être là, voici un lien vers la levée de fond que j’organise :
http://www.courirencoeur.ca/profil/239/thomas-duhamel
Merci d’avance 🙂