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UTHC65 – mon premier ultra

10 septembre 2022

C’est mon premier ultra-marathon! Je suis fébrile! Sur la route menant au point de départ, je revérifie mon matériel pour la 800e fois. Tout est là et chaque item est à sa place. J’ai apposé sur mon sac une image de Dory du film Finding Nemo avec la citation Just keep swimming RUNNING. L’émotion monte soudainement… Et si je n’y arrivais pas? Ouf! C’est fou à quel point nos pensées engendrent nos émotions. Je suis contente que les enfants aient choisi de rester au chalet pour faire la grasse matinée… Je suis seule avec mon amoureux qui m’enveloppe de ses paroles encourageantes et son regard tendre.

0-7 km : Ravito Geai bleu

Le point de départ a lieu au parc national des Hautes-Gorges-de-la-Rivière-Malbaie, c’est magnifique! Je tente de repérer mon camarade Alain qui fait partie du même groupe d’entraînement fonctionnel que moi. Je ne le vois pas. C’est vrai que je suis plutôt courte sur pattes (1,47m), c’est donc difficile de trouver quelqu’un dans une foule! Je me positionne vers la droite, de façon à avoir de l’espace libre au moins d’un côté de ma petite personne. Les participants s’échauffent doucement et s’observent. On s’analyse pour évaluer si notre choix d’habillement concorde avec la majorité. Je suis satisfaite d’avoir choisi un cuissard et un t-shirt dry fit (clin d’œil à mon amie Audrey qui me l’a donné). J’ai un petit bandeau avec ma casquette et je pars avec mes manchons, que je retirerai assez rapidement en début de parcours.

Le paysage est tout simplement superbe! On débute dans un joli sentier sinueux. On entre ensuite dans une portion « single track » où il est difficile de dépasser. Je choisis d’accueillir positivement cette marche imposée.

À l’approche du ravito Geai bleu, j’aperçois une personne que je connais parmi les bénévoles! Il s’agit de Janelle, qui exerce la même profession que moi. Elle me tend un verre d’électrolytes avec un grand sourire! C’est réconfortant de croiser un visage familier d’une personne si chaleureuse et bienveillante. Janelle me met en garde contre la prochaine section de la course. Elle a déjà complété ce parcours 2 fois. Il s’agit du plus long segment et ça se joue dans le mental! Ok, pas de problème, je suis prête! Mais ce sera juste après un petit arrêt à la « toilette de Shrek » pour vider la vessie avant de reprendre.

7-22 km : Ravito Coyote

Je cours la plupart du temps et si je marche, je compte habituellement 20 pas avant de reprendre la course. Caroline, une amie de l’école secondaire, me croise! On court ensemble sur environ 3 km. On jase principalement de sport et de vie de famille. Déjà plus de 20 ans se sont écoulés depuis que nous nous sommes vues !! Pour l’événement, elle est dans un chalet avec son groupe de course dont Joan Roch, auteur du livre « Ultra-ordinaire » (que j’ai lu avidement il y quelques mois) ainsi que nul autre que Bruno Blanchet! Wow ça m’impressionne vraiment! Elle me raconte quelques anecdotes qui me font bien rigoler. On croise la pancarte du km 42, il ne nous reste qu’un marathon à courir! Nous avons toutes les 2 déjà couru un marathon et nous savons pertinemment que c’est loin d’être facile! Haha!

À l’approche du prochain ravito, je choisis de marcher davantage dans le but de traverser le ravito sans trop m’arrêter. Caroline doit trouver que je marche beaucoup!

On arrive au ravito Coyote. Beaucoup de coureurs se reposent, assis dans l’herbe ou sur une chaise près de l’équipe de soins médicaux. Je bois un verre de Coca-Cola en pensant à mon amie Mélanie qui m’avait dit à quel point c’est bon et que ça redonne un petit boost. Je ne suis pas une buveuse de liqueur normalement, mais là, c’est différent et c’est donc bien bon! Hahaha! Je vérifie ma quantité d’eau et je m’offre un verre d’électrolytes en quittant le ravito en marchant avec une petite poignée de bretzel. Une femme quitte le ravito en même temps que moi. Elle s’appelle Anne et elle a une super belle énergie positive. C’est très agréable de jaser tranquillement. Je comprends qu’il s’agit d’Anne Genest, la femme de Joan Roch, et qu’elle est effectivement dans le même chalet que Caroline et Bruno Blanchet! Coudonc, comme on dit, le monde est petit! D’ailleurs, je ne recroiserai pas Caroline durant la course. J’étais certaine qu’elle me rattraperait rapidement. J’ai su plus tard qu’elle a eu un problème de genou, ce qui l’a grandement ralenti mais ne l’a pas empêché de compléter son épreuve! Bravo à toi Caroline pour ta détermination!

22-41 km : Ravito Épervier

Depuis le début de l’épreuve, je bois 2-3 gorgées d’eau aux 15 minutes et je mange un petit quelque chose (mangues séchées, jujubes ou noix à l’érable) chaque 40-45 minutes. Tout va bien de ce côté, mon corps prend bien ça. Vers le milieu de la distance de course, soit autour du 32e km, ma montre s’éteint complètement. Plus de batterie. Ma cadence de course m’importe peu, ce qui me dérange davantage est que je dois maintenant trouver un plan B pour ma stratégie d’hydratation et de nutrition. Je choisis de boire à chaque km pair (34, 36, etc.) et je mange à chaque bond de 5 km (35, 40, etc.). Ça fonctionne assez bien et ça garde mon cerveau en alerte. Je dois porter attention à chaque pancarte de km.

Ce segment de la course est assez facile mais il s’agit du plus long. J’ai donc le temps de laisser aller mes pensées, tout en restant focus sur les branches, racines et roches qui jonchent le parcours. Je repense plusieurs fois à mon cousin Jonathan, atteint de la sclérose en plaques. Nous avons d’ailleurs fait une superbe levée de fonds ensembles dans le cadre de cet événement, afin de soutenir la recherche et l’aide aux personnes atteintes de la sclérose en plaques (vous pouvez lire l’histoire de Jonathan sur la page de notre levée de fonds ici : https://mssp.donordrive.com/participant/AIMEE-LAUZON/). Je pense aussi aux membres de ma famille qui m’attendent au chalet : mon amoureux, mes enfants, mes parents, ma tante Carmen et mon oncle Roger, ma tante Marlene et mon oncle Robert, ainsi que Lise (la mère de mon cousin Jonathan) accompagnée de son ami Michel. Il y a aussi de la parenté de la belle région de Charlevoix qui est passée. L’émotion m’envahit doucement, je suis tellement reconnaissante d’être si bien entourée. Je me répète que je dois à tout prix réussir à compléter mon épreuve de 65 km pour partager ce moment avec tous mes proches qui se sont déplacés pour m’encourager. Je calcule rapidement en fonction de ma cadence moyenne, aux nombres de kilomètres qu’il me reste et mon niveau d’énergie résiduel. Pourquoi suis-je émue? J’ai tout ce qu’il faut pour réussir et rien ne pourra m’en empêcher! Le regard de feu, la détermination à fond, je suis à l’écoute de mon corps, et go! On continue comme ça!

J’arrive à l’Épervier, je profite de nouveau de la toilette de Shrek pour éliminer le surplus de liquide dans la vessie. Étonnamment, il y a peu de liquide. J’espère que je n’aurai pas une infection urinaire… je vais tenter de boire davantage car je crois que je suis un peu déshydratée. C’est vraiment chaud aujourd’hui pour cette période de l’année. La normale de saison se situe entre 3 et 15 degrés. Il faisait autour de 12 degrés au départ et ça montera dans la journée jusqu’à plus de 24.

Le ravito de l’Épervier est en pente et ça étourdit un peu lorsqu’on se déplace. Ça m’en prend peu pour être déstabilisée! De toute évidence, la fatigue commence à se faire sentir. Je bois encore un verre de Coca-cola et je mange une demi-banane avec quelques quartiers d’orange. Miam, c’est tellement délicieux! Je remplis mon sac d’hydratation avec de l’eau et repars avec une moitié de grilled-cheese en marchant. Mon système digestif prend très bien tous ces succulents aliments et j’en suis ravie! C’était l’une de mes principales angoisses, à savoir si mon système allait bien garder la nourriture. Heureusement, lors de mon programme d’entraînement, j’avais pris soin de me pratiquer à manger juste avant mes courses. Mais sait-on jamais ce qui peut survenir avec la chaleur, l’effort, la fatigue et la longue distance de l’événement.

41-48 km : Ravito Split

C’est un petit segment rapide entre l’Épervier et le Split. Je prends un bouillon de soupe et c’est la première fois que je m’assois un peu, mais pas trop longtemps! Juste le temps de déguster mon bouillon !! Les oranges sont tellement, mais tellement incroyablement délicieuses !!! Je n’en ai jamais mangé d’aussi bonnes! Hahaha!

Cette fois, la toilette est à 200m… skip! Je peux me retenir sans problème car j’ai peu de liquide dans la vessie. Ça me rappelle que je dois m’hydrater un peu plus.

48-55 km : Ravito Montagne noire

C’est la dernière montée! Wow! C’est vraiment encourageant! Cette portion se fait très bien. Toutefois, je commence à sentir un petit inconfort à mon genou droit. J’avais déjà ressenti ça en entraînement. J’ajuste un peu ma foulée et ça finit par passer.  J’arrive au ravito Montagne noire en plein soleil. Il n’y a pas de toilette ici, mais je ne ressens pas l’envie non plus. Plusieurs personnes sont assises, je m’assois un peu moi aussi, à côté de 2 personnes. L’un d’eux dit : heille pouvez-vous croire que ça fait 10 heures qu’on coure! Effectivement, wow déjà! Je dois me relever immédiatement sinon je vais rester coincée avec mes jambes qui commencent à saisir dans l’acide lactique! Haha!

Je fais un petit calcul rapide : je crois que nous aurons besoin de notre lampe frontale pour notre grande finale… Au moment de repartir, je marche/jog relaxe à côté d’un gars qui s’arrête, tousse et crachote. Quelqu’un lui demande si tout va bien… Oui oui, qu’il répond, c’est juste un petit haut-le-cœur… tout-à-coup, il se met à vomir en jets en émettant des sons gutturaux. Oh non! Vraiment désolée, je ne peux rien pour toi et je ne veux surtout pas que ça me donne mal au cœur! Je repars vite à jogger afin de m’éloigner. Pauvre lui! J’espère qu’il s’en est remis!

55km à l’arrivée

C’est le dernier segment de la course! J’ai maintenant la certitude que je vais réussir. Je suis bien loin du cut-off, il n’y a plus de doute là-dessus. J’arrive toutefois à l’une des parties que je redoute : la route carrossable ; c’est-à-dire 2 km de grosses pierres de rivière en pente descendante. Ça a l’air de rien dit comme ça, mais c’est vraiment pénible pour les genoux !!! Je prends mon temps. Le soleil baisse tranquillement… Je fouille dans mon sac pour en retirer ma frontale, c’est certain qu’elle sera utile. Je retourne ma casquette à l’envers et j’enfile ma lampe frontale. Je l’avais elle-aussi testée en entraînement, alors je sais que je suis confortable pendant au moins 1h et qu’elle éclaire bien mon chemin. Je cours donc les derniers kilomètres dans le noir, à la lueur de ma lampe. C’est particulier comme expérience!

Je croise la pancarte du 2km. Seulement 2 km à faire !!! Un peu plus loin, je commence à entendre la musique et à percevoir de la lumière. C’est incroyable, je suis tout près de l’arrivée. J’ai une mini côte à remonter et j’aperçois mon amoureux qui tente de prendre des photos de moi à la noirceur! Je suis tellement heureuse de le voir, j’en ai des papillons dans le ventre! Je continue encore sur quelques mètres pour redescendre et enfin traverser le fil d’arrivée. Quel puissant sentiment d’accomplissement! Je pleure et je ris!

Je marche doucement, péniblement. Je croise mon ami Alain! Je le serre dans mes bras et je constate qu’il boite en marchant. Il m’explique qu’il était déjà blessé avant de commencer, il n’a donc pas complété l’épreuve. Quel fléau toutes ces blessures que les coureurs subissent! Je me sens privilégiée de terminer mon épreuve en beauté, sans blessure. Mon amoureux nous rejoint, je suis trop contente de le voir et de m’appuyer sur son bras pour continuer d’avancer! Hahaha! Mon corps exige un répit! Nous croisons Phil, un autre camarade d’entraînement. Il lève sa main haut dans les airs (à noter que Phil mesure plus de 1,80m!) et je saute avec le peu d’énergie qu’il me reste pour faire notre traditionnel high-five! Haha! Il a complété le 80 km ce soir! Wow!! Bravo! Et nous avons presque fait le même temps, mais j’ai fait 15 km de moins! Quel bonheur de partager ce moment!

Nous passons chercher mon repas gratuit mais je n’ai pas faim. Nous retournons vers notre véhicule. Je me change de vêtements, de peine et de misère. Les muscles de mes jambes et de mon dos sont raides. Mon corps est épuisé. Nous prenons la route vers le chalet. Aucune position n’est confortable dans ce mince intervalle de 15 minutes. Nous arrivons et je suis accueillie en championne par mes proches! Même mon chien Newton est fou de joie! Je prends ma maman dans mes bras et je pleure. Je pleure de soulagement et de reconnaissance. Je fais une accolade à mon père, mes garçons, mes tantes et mes oncles. Finalement, je me tourne vers Lise (la mère de mon cousin Jonathan) et je la serre dans mes bras en sanglotant. Je l’ai fait Lise! J’ai réussi! J’ai couru 65 km pour Jonathan!

Quelques minutes plus tard, je texte mon cousin Jonathan pour lui annoncer que j’ai réussi mon épreuve. Il me félicite et me dit qu’il le savait déjà puisqu’il a suivi ma course en virtuel toute la journée. Je suis tellement heureuse! Quel accomplissement, mais oh combien éprouvant! Je me promets que je ne referai plus jamais subir une chose pareille à mon corps… promesse d’ivrogne! Haha! Il y a de bonnes chances que je récidive.