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La journée des apprentissages : Harricana 80

karine laberge

L’année 2021 aura été une année particulière à tous les niveaux. Côté entraînement, je me suis lancé le défi de m’entrainer pour faire le 125 Harricana. J’ai finalement pris la décision de faire le 80 pour une deuxième fois. Mais avec un objectif différent cette fois. Voici le récit de ma journée d’apprentissage en vue de l’inscription officielle pour le 125 l’an prochain.

Normalement, lorsque je me lance dans une course Trail, je le fais pour éprouver du plaisir (comme pour la majorité des coureurs) et avec comme seul objectif de finir. Je pars comme pour une longue sortie, en me poussant, mais pas trop; il faut finir. Mais pas là…. Mon objectif était d’aller voir comment le mental allait réagir dans l’effort, face à la douleur et au manque de confort. J’ai été servi!

Crédit Photo: Richard McDonald

Pour débuter cette quête du « mur », j’ai pris le départ dans la première vague. Pas trop loin derrière les premiers. J’ai donc débuté ma journée avec quelques kilomètres en dehors de ma vitesse de croisière. Malgré tout, je suis passablement bien, mais j’ai décroché et poursuivi ma route seule. Un peu déçue de ne pas avoir fait plus longtemps, mais je me reprendrai!

Crédit Photo: Téo Sénécat

Jusqu’au premier point de ravitaillement, j’ai opté pour une autre sortie de zone de confort. LE pont suspendu qui oscille sous les pas. LE pont pour lequel j’avais attendu l’an dernier pour passer seule. J’ai laissé passer un groupe de quatre, mais je n’ai pas attendu que les coureurs en sortent; je passe malgré ma crainte du vide et je sens le pont bouger sous les pas des autres. Une de mes nombreuses victoires de la journée!

 J’ai ensuite pris un autre groupe en chasse. Ils sont plus rapides que moi, mais si je veux voir ce que je peux réussir, je dois m’accrocher un peu. Je chasse pendant quelques kilomètres, en les gardant toujours dans ma mire. Mais encore une fois, je dois décrocher; je ne tiendrai pas à cette vitesse très longtemps. 

 Crédit Photo :Richard McDonald 

Et là! VLAN! La section que je m’attendais de faire n’est pas la même. Pas de sentier de gravier vers le ravito du Geai Bleu, mais un détour par des sentiers de roches et de racines. Voilà mon premier défi. J’ai froid, j’ai des frissons, j’ai mal au cœur, le mental dérape! Je n’aurais pas dû prendre le départ, mon mental était fatigué avant même de commencer. La décision est prise avant même de devoir affronter un autre pont (qui n’aurait pas été là si le parcours n’avait pas changé); j’abandonne au Geai Bleu. C’est clair…. C’est décidé… c’est assez…. C’est évident que je ne suis pas rapide…Je ne le serai jamais, malgré tous les intervalles réalisés dans les derniers mois. J’arrive au ravito; ce n’est pas vrai que j’ai pris le départ pour un abandon à 22 km sans blessure. Tu voulais voir ce que le mental pouvait faire… remplis tes gourdes, mange un peu prend un coke à 10h30 ce matin et vas-y. Sans réfléchir, me voilà reparti. 1-2-3-4, 1-2-3-4, 1-2-3-4. À l’infini! Pendant ce faux plat très long, je revis. C’est beau ici! Tiens, je ne me souvenais pas avoir vu ce petit lac. Un peu de course, un peu de marche. C’est reparti pour une magnifique journée. Enfin pour là.

Crédit Photo : Denis Rouleau 

Le ravito suivant est loin. Il faut gérer la quantité d’eau pour ne pas en manquer. Je mange quand j’ai faim, en tentant de me fier sur le plan initial d’alimentation (aux 45 minutes). Le Coyote arrive enfin! Un arrêt rapide. Tout se passe bien. J’ai des douleurs sporadiques, qui passent en pensant à autre chose; en me mettant pas l’énergie sur elles. Je poursuis pour une autre longue section avant le prochain point d’aide.

 Bien voyons, qu’est-ce qui se passe? Je n’avance pas. J’ai mal au cœur. Je n’ai pas envie d’être là. Pourquoi je m’inflige tout ça. Bon… le mental décide encore de déraper. Flûte! Je ne pensais pas avoir à vivre un autre défi mental. Bon, jouons-le alors! Tu es là pour ça non? Bien, si je prenais un Brix? Ou si je mangeais un œuf avec du bacon? Oh oui! Bonne idée; au km 35, je mange mon œuf avec du bacon et à 32, ce sera le dessert. Ça doit être une belle heure pour dîner. J’oublie les douleurs, j’oublie mon mental. Je regarde autour, je pense à autre chose. Et tranquillement j’avance. J’ai remonté ce défi et c’est moi qui ai dompté le mental! Dans l’euphorie, j’oublie de balayer le sol et une racine me ramène à l’ordre. De tout mon long. J’ai mal au ventre. Le coup a été fort. Respire, respire. Avance, avance. Cours un peu. Bien oui! Tout fini par s’oublier.

Crédit Photo: Richard McDonald 

J’ai croisé un duo de coureurs un peu avant le ravitaillement de l’Épervier. J’ai parlé un peu avec eux. Cela change le rythme d’être à plusieurs. Mais parler ne m’aide pas beaucoup. Je ferai une partie de la descente sur chemin de gravier avec eux, et je les laisserais filer. J’en profite, pendant que ce n’est pas trop technique pour envoyer un message à mon conjoint. Parfois, un peu d’encouragement est gagnant. Je vais prendre plus de temps que je pensais; « Pas grave. Je vais être là à l’arrivée ». Juste ça, j’avais les yeux pleins d’eau. Un peu sensible pour le moment.

 Le ravitaillement suivant se passe en vitesse. Je sais que ma coach, Renée Hamel, sera sur le prochain. Elle me motivera si cela ne va pas. C’est une belle section de sentier. Un peu technique mais réalisable à la course. Pourtant, je marche trop. Est-ce dû à mon « hors zone de confort » du début? Cela serait à voir, car je pense qu’à cet endroit, j’aurais pu me donner un peu plus.

 Enfin, le Split BMR avec ma coach. Un ravitaillement un peu plus long. C’est le moment de sortir la tuque, la lampe frontale, ranger les lunettes. Bref, la préparation pour la noirceur. Je l’ai tellement craint l’an passé, mais cela s’est révélé être un de mes moments préférés. Je voulais le revivre.  Sur ses conseils, je pars en marchant plus vite que mon confort dans les montées et en ralentissant si je vois que c’est un peu trop. La montagne Noire est passée en un clin d’œil! La lampe frontale est sortie un peu avant le sommet et s’annonce ensuite une belle descente dans les sentiers, chemins, et vallons de boue du centre de ski.

Crédit Photo: Sébastien Harbec

Je retiens de cette deuxième expérience sur le 80 que mon mental est plus fort que je le pensais et qu’il peut venir à bout des moments difficiles. En ne mettant pas l’accent sur ce qui ne va pas, tout s’oublie. Penser à autre chose. Compter dans mon cas! Je n’ai pas fait le temps que j’espérais, mais je suis allée apprendre ce que c’était que de sortir de sa zone afin de ne pas avoir à vivre ça pour la première fois l’an prochain. Suis-je prête pour cette distance? Je ne sais pas si on peut l’être, mais je sais que ma tête à vraiment envie d’aller voir ce que c’est. Et mon mental lui semble prêt à affronter. En tout cas, il a su gérer!