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UTHC 125 : une pièce de théâtre en 5 actes monologués

Prélude

Envoûtée par mes succès de 2018 (mon premier 50 km à Gatineau et mon premier 80 km à UTHC), j’avais vu grand pour 2019. Hors l’année a mal commencé avec deux DNF de suite en juin à Orford 5 Peaks 50 km et Québec Méga Trail 110km. Bien que les raisons de ces DNF étaient absolument respectables, je m’étais promis de me reprendre à UTHC 125.

Acte 1 – Préparatifs

Je me prépare dans la chambre d’hôtel avec mon complice de course Max. Nous avons tous les deux dormi une minable petite heure. L’équipement déborde de partout sur les lits, comptoirs, planchers. On s’organise et on tente de ne rien oublier. C’est l’heure de partir, nous filons vers la voiture pour se rendre au Mont Grand-Fonds. Tombée du rideau…

Acte 2 – La navette

Il est minuit moins quart. Nous sautons dans l’autobus Max et moi. Jasette avec ceux qui nous entourent. L’autobus part à minuit pile et puis pouf! Bris mécanique de l’autobus et on nous fait débarquer pour prendre le bus du Camping Fraser. Chanceux dans notre malchance, nous retrouvons quelques-uns de nos amis de Gatineau pour le reste du trajet jusqu’à la ligne de départ. Tombée du rideau…

Acte 3 – Le fil du départ

Débarquement de l’autobus. Nous laissons nos drop bags dans le camion et nous attendons les dernières minutes avant le départ. Nous sommes tous joyeux, fébriles, excités et probablement trop confiants. Bang! Le départ est lancé à 2 h. L’aventure commence. Je me lance. Je sais que c’est un parcours difficile et que le taux d’abandon de l’an passé laisse présager beaucoup de souffrances mais je suis confiante. Tombée du rideau…

Acte 4 – La course

Tout va bien au début sur la route forestière des premiers 4km puis ça commence la gros technique, les racines glissantes, les montées, et les sentiers si minces qu’on y voit pas où mettre les pieds. Ce type de terrain n’est pas ma force, alors je reste zen et je laisse passer les plus rapides pour prendre mon temps et m’éviter une blessure. Je sais que ça va me coûter du précieux temps mais je me rattraperai aussitôt que le terrain sera plus courable pour mes habiletés afin d’économiser mes jambes. Je me retrouve vite seule dans la noirceur de la nuit. Tout est silencieux. Sur la première montagne, un léger vent se lève qui me fait sentir comme si je suis entourée de magie. C’est la joie dans sa forme la plus pure. Je passe le premier ravito mais je n’y reste pas longtemps.

Tranquillement le jour se lève. Le sentier devient plus courable et je me lance. J’ai parcouru environ 25 km sans avoir beaucoup couru. C’est le temps de foncer. Puis, horreur! Mes deux cuisses crampent tellement fort que je paralyse sur place et je crie de douleur. Je ne peux presque pas bouger et je suis seule. Ok, Sylvie, on reste calme! Tu gères la douleur à tous les jours avec ta fibromyalgie donc pas de panique. Faut recommencer à bouger. Je prends quelques comprimés pour calmer un peu la douleur et je repars en marche lente en espérant que ça se calme. Ça se calme juste un peu et je recommence à courir lentement.

Je vois le temps passer et je commence à penser que je vais peut-être manquer le cut off du ravito de la Marmotte car je me déplace trop lentement à cause de mes crampes. Je passe le ravito du Mont Morios, et je décide de faire cette boucle en montées très difficiles, malgré mes jambes que je contrôle difficilement depuis quelques heures. Je sais que c’est un peu fou de tenter ça dans ma condition, mais si ma course est finie, j’aurai au moins vu ce fameux mont où il faut se tirer par des cordes tellement c’est vertical par endroits. J’aurais pu passer tout droit et me rendre directement à la Marmotte, mais j’ai encore de l’énergie malgré mes jambes pis je suis juste un petit peu folle.

J’avais raison! C’est fou! Je passe proche de tomber à plusieurs reprises en montant le Mont Morios. Je suis même bousculée par un coureur qui descend dans le sens opposé. Je me questionne si je ne devrais pas retourner en bas pour ma sécurité, mais à ce moment, je croise Max et plusieurs autres amis. Ça m’encourage. Je décide de persévérer. C’est la bonne décision, la vue du haut en haut est la plus belle de ma journée et valait le risque et l’effort de la montée.

Hors, je sais maintenant que je ne ferai pas le cut off de la Marmotte car ça m’a pris beaucoup trop de temps à monter avec mes petites pattes crampées. Je prends mon temps dans la descente. Je souhaite fort, fort que mon amie Isabelle soit toujours au ravito à m’attendre, même si j’ai beaucoup tardé et que le reste de notre gang est passée à la Marmotte depuis longtemps. Elle est venue à UTHC pour supporter son chum René, pas moi, et je lui avais dit de ne pas m’attendre si cela pouvait lui faire manquer René au ravito de Hautes-Gorges.

Je sors de la forêt et je m’approche de la Marmotte. Puis j’entends « Sylvie »! Isabelle est là! Dieu merci! Elle ne le réalise pas encore mais je suis en pitoyeux état émotionnel. Ça fait environ 45 minutes que je questionne tout dans ma vie et que je pleure dans la forêt. Une première pour moi qui vit habituellement toujours de la joie en forêt et en course. Ma course est effectivement terminée à  35 km au ravito de la Marmotte. La bénévole m’informe de tout ça et prend mes informations. Tombée du rideau…

Acte 5 – L’après course

Isabelle m’amène au ravito de Hautes-Gorges et nous attendons nos amis qui sont toujours sur le parcours. Au fil des minutes et heures qui passent, cette magnifique femme applique un baume sur mes émotions de tristesse inexplicables et je retrouve ma joie de vivre naturelle. Nous voyons tranquillement nos amis défiler un à un. Tournure positive, ma journée de DNF se transforme. Je joue au support crew. Voilà mon cher Max! Je cours sur mes bécanes raides jusqu’à la tente et je l’aide à s’organiser pour repartir. Il va bien et repart très vite en me donnant un petit baiser. Je suis fière de lui.

Les autres passent les uns après les autres. Certains abandonnent à Hautes-Gorges. D’autres le feront plus tard. Très peu termineront. Mais Max que j’attendrai jusqu’à la fin, tard en soirée sous la pluie et malgré ma propre fatigue et mes jambes raides, lui, il va réussir. Bravo mon cher complice Tu m’embarques dans toutes ces aventures folles et quels que soient les résultats, je me considère privilégiée de pouvoir partager ces moments avec toi.

Malgré mon DNF à UTHC 125, cette course a été pleine de leçons et de magnifiques moments. Je suis, bien sûr, déçue de ne pas avoir accompli le défi mais je suis fière d’avoir osé prendre le départ et je célèbre la beauté des amitiés et de la complicité de notre belle gang de course de Gatineau. Un jour en 2017, j’ai rencontré un ours dans le Parc de la Gatineau et j’ai rejoint la gang de Mon groupe de course. Ces amis coureurs ont transformé ma vie et m’ont amené à oser l’UTHC 125. Je leur en serai toujours reconnaissante.

Les années passent et ne se ressemblent pas. L’année 2019 ne s’est pas déroulée comme je l’aurais souhaité. On verra bien ce que 2020 m’apportera. D’ici là, merci UTHC pour le beau bagage de souvenirs! Tombée du rideau…