Il aura suffit d’un pas sur 180 000 (je calcule à la grosse…),
Abandon ! Voilà comment se termine mon aventure de l’Ultra Trail Harricana du Canada (UTHC pour les intimes) : 123km pour 4220d+, je visais de le terminer en 20h.
Départ de nuit, 2am. Après peut-être 1h20 de course, un pied qui glisse et une jambe droite qui frappe violemment un rocher, une très grosse douleur dans le mollet, mais la cheville et le genou semblent intacts. Donc, je continue… la douleur dans le mollet met environ 1h à disparaître, ne m’empêchant pas de courir, mais pour laisser place à une petite douleur dans le genou. Et la douleur grandie, au 20ème kilo je me pose déjà la question « mon genoux va-t-il tenir ? »
Je connais cette douleur, une vieille amie que je n’avais pas revue depuis plus d’un an, réveillée par le choc. Au 35ème, Linda et les boys m’attendent au ravito de la Marmotte. Du support et des encouragements bienvenus ! On discute, la douleur, je doute, je veux continuer… mais à ce moment-là je n’ai pas fait le lien entre ma chute et la douleur au genou. C’est une douleur que je connais, je sais la gérer et elle va disparaître… je ne ferai le vrai lien qu’en regardant les vidéos de la course, quelques heures après.
Au 43ème kilo, après 2100d+ faits, 8h30 de course, et la montée/descente des fameux Morios avec en cadeau une vue panoramique à 360 en haut peu après le lever du soleil, impossible de gérer les descentes. Les montées, même en courant, ça passe encore… mais impossible de gérer de la descente… je n’avance plus depuis environ 2h, et je pense que j’avais encore 2500d- à faire avant l’arrivée… et 80km… chaud ! (Au global, l’UTHC a 4500d-, ça descend donc plus que ça monte).
Je m’assois, je réfléchis quelques secondes, et je pleure… je parle à ma caméra pour faciliter ma prise de décision (et pour faire une super scène mélodramatique)… j’essaye de boire mais mon CamelBak semble bouché (le destin, sûrement)… quelques minutes de réflexion pour faire une croix sur une année de préparation, des centaines d’heures d’entraînement, un effort sur la bouffe et le sommeil (je ne bois plus d’alcool, je me couche à 21h30 max et je mange des haricots verts !!!)… mais impossible de choisir autre chose que d’abandonner. Je suis de toute façon incapable de finir et je risque d’aggraver la blessure.
Je regarde mon dossard, je regarde ma caméra, je pleure, un « putain » sincère et naturel sort de ma bouche… et je fais demi-tour, direction le précédent ravito, où Linda et les boys étaient présents (le ravito suivant était plus proche, au 50ème kilo, mais il est déconseillé d’y abandonner car loin de tout, le prochain rapatriement facile était donc au 60ème kilo… trop loin…).
J’appelle Linda (heureux hasard il y avait du réseau), elle s’organise pour venir me récupérer au ravito avec les boys.
Tous les coureurs que je croise me donnent des signes d’affection, se propose de m’aider, compatissants… je les remercie et leur réponds que je suis capable de rejoindre. Un superbe esprit sportif !
Puis je croise les deux fermeurs de parcours, super sympas, ils comprennent ma décision de rebrousser chemin mais ne veulent pas que je rejoigne le prochain ravito à pieds. Ils appellent un quatre roues, on est sur une piste. Retour rapide au ravito, Linda et les boys sont là !
Un grand merci à toutes l’organisation de l’UTHC, parfait ! As usual ! C’était ma 2ème participation, j’avais terminé le 65km l’année dernière, je reviendrai…
J’avais fait accepter à ma moitiée de me faire tatouer si je terminais la course (je suis encore en crise de quarantaine !)… j’y réfléchis, mais je pense que je vais quand même me faire tatouer. Les échecs apprennent plus que les victoires, pourquoi pas garder cet échec… à vie ? Et ses enseignements.
J’ai abandonné il y a quelques heures mais le cerveau tourne, tourne, tourne… je ne laisse pas tomber ! Je veux me remettre, reprendre, continuer, et tenter de nouveaux défis ! Cet échec m’a déjà beaucoup appris, et je vais le cultiver pour en tirer tous les enseignements. Ce n’est pas qu’un pied qui glisse sur une pierre… la gestion de la suite, de la douleur, de mes capacités, pendant plusieurs heures, la prise de décision d’abandonner…
La vie, c’est comme le vélo, si on n’avance pas, on tombe !
Merci encore à la superbe organisation de l’UTHC, parfait de bout en bout avec le sourire malgré les contraintes Covid.
Et merci à Linda et aux boys, sans qui je ne serais pas grand-chose.
Il aura suffit, d’un pas…
PS : deux jours après, je marche normalement, je peux même sautiller. Encore des douleurs dans la jambe mais ça va beaucoup, beaucoup mieux.