Dring dring, mon cerveau me réveille à 4 h 36 le matin de la course. dix minutes avant le cadran. Toute ma famille dort dans la chambre d’hôtel de La Malbaie. Hop, je m’habille, soutien-gorge de sport, t-shirt, cuissards, imperméable, gants, souliers, guêtres, sac d’hydratation.
J’apporte mon déjeuner vers la navette. (Photo à l’appuie). J’arrive à la navette 30 minutes d’avance. Oui, c’est moi ça. Toujours mille ans en avance. Entre dans la navette, on est déjà dix dedans. Je souris, en me disant que je ne suis pas la seule à être en avance. Je m’assois. Je relaxe. Quand tout à coup, à 5 h 15, je me rends compte que j’ai oublié mon dossard dans la chambre. Je sors et je cours vers la chambre. Une chance que ce n’était pas loin. J’ai le temps de faire l’aller-retour en courant et d’arriver à temps. OUF! J’ai eu chaud, même s’il faisait cinq degrés. L’autobus part et heureusement, je suis dedans.
On arrive au parc des Hautes Gorges de la rivière Malbaie environ 45 minutes plus tard. La vue est grandiose. On descend de la navette et je vais faire la file pour les toilettes et je ris. La file des hommes est trois fois plus longue que celle des femmes. Et oui, c’est bien le seul endroit où j’ai vu une file pour les femmes moins longue que celle pour les hommes. La raison est simple, statistiquement, seulement le quart des participantes était des femmes. En général, plus les distances sont longues, moins il y a de femmes qui participent.
Arrivée à la ligne de départ, je croise des amis, je suis frigorifiée, je mets des gants et je saute sur place. J’attends impatiemment le départ. Je jase pour passer le temps. Les cinq minutes avant le départ deviennent silencieuses et on écoute les instructions. Le départ est lancé à 7 h pile. C’est parti!
Les premiers huit kilomètres, tous les coureurs sont excités. Ça va vite, on est sur la route, tout le monde se parle, on regarde le paysage, les photographes sont partout. Ensuite, on arrive au premier ravitaillement après une petite montée. Je prends de l’eau, et une barre tendre.
Je quitte la première personne avec qui j’ai discuté sur les huit premiers kilomètres pour avancer seule dans un sentier technique « single track » (sentier étroit et escarpé). Ça monte, on s’en va au sommet. Le prochain ravitaillement est au km 21. Déjà, j’entends les gens souffler et plusieurs personnes marchent autour de moi. Cette portion sera la plus difficile pour moi. Il y a un panneau à chaque kilomètre en ordre décroissant et ça me décourage. Tu avances et il te reste 52 km-51 km-50 km…
Arrivée au km 21, deuxième ravito il est presque 11 h. Déjà j’entends dire que certaines personnes ont abandonné, mais je regarde la bouffe et je pense vite à autre chose. Miam, du fromage, de la soupe, ça me remonte le moral. Je sais que la prochaine section sera longue, 18km sans ravitaillement, mais un peu moins de dénivelés alors je mets 2 litres d’eau et d’électrolytes sur moi au cas où ça me prenne beaucoup de temps et je repars. Je croise une dame très intéressante. Elle dit que c’est la 4e fois qu’elle fait ce parcours. Elle est très gentille et me laisse passer après quelques minutes de discussion en disant qu’elle prend son temps dans cette section. Je continue de courir. Je croise une autre personne plus loin avec qui je vais faire beaucoup de kilomètres. On se parle de tout et de rien. Le temps passe vite.
Arrivée au ravito du km 42, je regarde mes notes. Oui, les notes que j’avais inscrites sur ma coupe topographique indiquaient qu’il y avait des brownies ici. J’arrive en riant vers une bénévole et demande si bel et bien il y a des brownies. Elle rit et me pointe un plateau plus loin. Je lui ai dit que pour me motiver j’avais inscrit mes préférences dans les ravitos. Je regarde l’heure, j’avais aussi noté les temps de passages obligatoires ou « cut-offs » sur ma coupe topo et il me reste 2h pour arriver au prochain ravito qui est à 7km de là. Ok, je peux faire ça. Je ne m’éternise pas, je mets des brownies dans ma veste et repars. Je suis seule, mais je recroiserai à plusieurs reprises la même personne avec qui j’ai fait la dernière portion.
L’arrivée au ravito du km 47 a été plus longue que prévu, j’ai croisé des gens blessés, des gens découragés, des personnes au bord de l’abandon. Pour moi, tout allait comme sur des roulettes. Aucun pépin, aucune douleur, aucune fatigue, juste l’envie d’avaler davantage de kilomètres. J’arrive 45 minutes avant la barrière horaire. Hourra! Maintenant, miam! « Du Pepsi dans ma gourde s’il vous plaît, j’avais besoin d’un peu de caféine ». Après plus de 8h de course, ça fait du bien. Je ne m’éternise pas non plus ici, il y a d’autres barrières horaires à respecter : 1h45 pour faire 7 km avec une grosse montée.
Bon, finalement, ce n’était pas la montée du siècle pour moi. J’arrive facilement au km 55 et je suis accueilli chaleureusement par les bénévoles. Je mange de la soupe, des chips quelques pâtes de fruits, des bananes et des oranges. Je remercie les merveilleux bénévoles et repars très heureuse. Il me reste 8 km avant l’arrivée. Vite, je veux arriver avant la noirceur. J’ai encore le temps. Ici, ça descend. C’est facile vous allez me dire, mais quand tu descends sur 8 km avec 55 km dans les jambes, c’est un peu plus difficile que ça en a l’air. Mais, je suis chanceuse, aucune douleur et presque pas de fatigue.
Ça avance rondement et puis boum. D’ÉNORMES TROUS DE BOUETTE à 4 km de l’arrivée. Il faut les contourner sinon, on cale jusqu’aux hanches. Je vais vous avouer qu’avec le début de la noirceur, la fatigue mentale et physique, ça m’a pris plus de temps que si j’avais été fraîche et dispo. Somme toute, je réussis à passer tous les trous de bouette sur 2 km et continuai mon chemin.
À 500 mètres de l’arrivée, je vois mon conjoint qui m’accompagne sur quelques mètres et me félicite. J’arrive à la ligne d’arrivée après 11 h 43. Je suis surprise de connaître la personne qui me donne ma médaille et j’ai droit à un gros câlin de sa part. À l’arrivée, mon conjoint, mon fils, ma belle-fille et un ami, qui a fait le 42 km, m’accueillent et me félicitent.
Mon expérience à Harricana était exactement ce que je voulais que ce soit. S’émerveiller de ses capacités physiques, faire de belles rencontres, être en pleine nature et ne penser à rien d’autre que de mettre un pied devant l’autre, et manger d’extraordinaires brownies au ravito du km 42 avec des bénévoles incroyables. On se revoit sûrement l’année prochaine, mais sur le 80 km cette fois-ci!