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Mon premier marathon, malgré la spondylarthrite ankylosante

Diagnostiquée de la spondylarthrite ankylosante en 2013, époque ou prendre une simple marche m’était douloureux, la simple idée de courir longtemps ou même envisager un marathon n’avait jamais traversé mon esprit. Beaucoup de chemin fait sur route, dans ma tête et en sentier depuis.

2019. La fin de l’été approche, Harricana aussi. J’ai suivi mon plan, mais je commence à douter. Est-ce que je pourrai vraiment courir toutes ces heures? Tous ces km. Est-ce que j’en ai assez fait? Assez long, assez loin, assez fort? Pleins de coureurs talentueux m’entourent et ils sont si bons. Je me sens un peu imposteur à travers eux, malgré leur gentillesse, leurs bons mots pour moi. Moi je suis pas sportive dans ma tête, moi tsé…

Je parle de plus en plus de mon défi au bureau, aux amis. Et si je n’y arrivais pas. Je devrai le dire à tous ces gens qui me demanderont, «pis, comment ça a été ta course»? Ça serait ben poche. Et toutes les personnes qui ont participé à ma campagne de financement pour la SP pour m’encourager… Je me sentais powerful après mon dernier gros weekend d’entraînement, mais là, ces jours de taper me font douter. Pourtant, je sais que le repos c’est super important.

Après être passée par toute une gamme d’émotions au courant de la dernière semaine, dont le combat d’un petit virus (ou n’était-ce que le stresse?), on y est enfin (déjà!)

Je prends le départ pour la Malbaie vendredi après midi. Je suis remplie d’émotions mélangées mais contente d’y arriver enfin. Ça fait si longtemps que cet événement est dans ma mire. J’arrive à l’église de La Malbaie pour récupérer mon dossard. Tout est super bien organisé. Je suis dans les longues distances cette année. Ouf ! Ça parle plusieurs langues dans la foule. Les gens sont vraiment gentils. Je ne reste pas pour la réunion d’avant course, j’ai tout lu sur leur site. Je préfère aller à mon hôtel pour me préparer et essayer de me coucher de bonne heure. Mon hôtel est le même que l’an dernier. La familiarité avec les lieux est rassurante à travers mes émotions de doute. Je m’installe un peu. Je mange. La marque de mon petit frigo dans ma chambre est «Marathon». Wow! Pas croyable! Y’a pas de hasard comme ils disent.

Puis, j’ai le goût de sortir explorer un peu, avec les derniers rayons de soleil. Je m’en vais au bord du fleuve. L’ambiance est super calme et apaisante. C’est superbe. Je prends des photos. Ça me met dans un bon état d’esprit. Photographier de belles affaires, ça me fait tellement sentir bien. Je reviens à ma chambre, je prépare toutes mes choses pour le lendemain. Je révise la liste de matériel obligatoire en faisant mon sac de course. Il sera plus chargé que d’habitude. Mais je l’ai testé en entraînement, ça ira. Je prends ma douche et me mets au lit. Je lis tous les beaux messages d’encouragement que j’ai reçus aujourd’hui et cette semaine. Je relis la description de mon parcours du lendemain. Voilà, mes devoirs sont finis. L’examen est demain matin, j’ai tout fait de mon mieux, ça devrait aller. J’ai hâte en quelque sorte. J’essaie de m’endormir pas trop tard… J’y arrive plutôt bien considérant les circonstances (10 h 30).

J’ai mis mon cadra à 5 h 30. Je dois faire 20 minutes de route pour me rendre au départ de ma navette et celle-ci est à 7 h 30. Alors j’aurai le temps d’être pas trop pressée pour me préparer.
À 4 h 30, je me lève pour aller aux toilettes (je me suis bien hydratée dans la dernière semaine, surtout les derniers jours). Et je ne me rendormirai pas. Je reste quand même allongée dans mon lit. Mais à 5 h, j’ai trop faim. Je me lève, je déjeune. Je me prépare. Ça sera pas chaud finalement. 10 degrés sans soleil sont prévus. Ça sera une température «pas d’heure» comme j’appelle. Couvert nuageux gris uni toute la journée, luminosité identique de 9 h à 15 h…

6 h 15 je remange un peu. Je termine de me préparer et je pars. Je rejoins le site à l’heure prévue, pas trop tôt, pas trop juste. C’est rassurant de revenir à un évènement que je connais et sur lequel j’ai eu une belle expérience l’an passé. Je prends une petite vidéo du site d’arrivée (je sortirai ma GoPro souvent toute la journée, tout en courant, pour me garder des souvenirs) et je prends place dans une navette. Un bel autobus jaune. Il reste un siège libre à l’arrière, c’est pour moi. Mes voisins de siège sont un couple de frère et sœur sympathiques. Chacun vit une émotion différente. La sœur était sur le 65 l’an passé, le frère fera sont premier marathon aujourd’hui. Elle me dit que le parcours du 42 est très agréable. Qu’il ne faut pas m’en faire si je frappe le fameux mur du 30 km. Qu’il faut juste continuer d’avancer et que ça va se passer. Elle est super calme et sûre d’elle, alors je la crois sur parole.

Ça brasse pas mal dans l’autobus dans les chemins de bois de la Zec des sables. On s’entend à peine parler. Le reste de mon trajet sera dans le silence, à observer les gens autour de moi. Plusieurs langues, accents, âges. C’est beau à voir. Après 45 minutes de bus, on nous débarque enfin! Brr! Pas chaud! On nous encourage à vite aller aux toilettes (4 toilettes chimiques pour 300 coureurs #festivaldesgarsquipissentsurleborddubois) et laisser notre drop bag (et donc nos vêtements chauds pour l’attente) dans le camion cube. On doit nous enregistrer un à un, à mesure qu’on entre dans la zone de départ. Une fois entré, on en ressort pas. Tout ça se déroule plutôt rondement. Je retrouve mon ami Francky de 321 Bouge. Il fera lui aussi son premier marathon aujourd’hui. Je croise également mes amis Coureurs de bois de Duchesnay Alain, France et Denis. La fébrilité est à son comble. C’est chouette de partager ça ensemble et rigoler un peu. Je bois mon sirop d’érable, mmm! Et là, ça y est, le décompte commence : 3 2 1 C’est parti!!!

C’est si envoûtant un départ. Je cours à ma vitesse, je me suis placée dans le dernier tiers. Le parcours est plat et facile. Ça nous permet de nous réchauffer, c’est parfait. J’ai perdu Francky en avant, je ne pense pas que le reverrai avant la fin. Les coureurs des bois non plus. Ils sont plus rapides que moi. Les coureurs se distancent peu à peu, chacun prend sa vitesse, sa place. Je laisse passer les plus rapides. Je n’aime pas me sentir poussée. On laisse le sentier large pour monter un peu ce sentier technique, puis on roule sur du plutôt plat dans une belle forêt. Les sentiers plus beaux que je m’y attendais. Single track pas trop technique comme j’aime (parce que je suis pas bonne dans le très technique encore, je manque d’assurance).

Une fille me laisse passer, elle me demande mon nom, on est deux  Isabelle.Elle s’exclame tout haut de la beauté des paysages. Je fais la même chose dans ma tête. On discute un peu tout en courant. Elle me dit «tu as le même métronome que moi, je vais te suivre». Elle dit être fatiguée, manquer de sommeil. C’est son premier marathon de trail elle aussi. Elle est peu expérimentée en trail mais a déjà fait un marathon sur route. Elle aura besoin de s’arrêter à un moment pour « arranger » ses pieds avec l’aide de son ami.

Je poursuis ma route à ma vitesse et malgré que j’aime bien ces petites conversations avec des étrangers, je préfère quand même être un peu dans ma tête et faire les choses à ma façon. La course se passe bien, on lâche un peu les sentiers romantiques pour de la descente en sentiers forestiers. Et mes fameuses crampes de pieds arrivent en descente comme d’habitude. Que le pied gauche au moins. L’orteil du «mariage». Il ne veut pas reprendre sa place alors le dessus du pied au complet crampe. Ouch ! Je l’ai déjà vécu, je sais que ça passera mais ça me semble long. Ça ne m’empêche pas de courir, mais j’ai pas tant de fun. Puis, je rattrape Francky, à ma grande surprise. Chouette! On cours ensemble jusqu’au premier ravito à 21 km. C’est l’fun d’échanger avec un connu. On a tous les deux un bon début de course, le moral est super bon. Yé!

Arrivés au ravito, je bouffe tout ce qui me fait envie et j’en stock aussi pour plus tard. C’est l’heure du dîner après tout! Orange, banane, patate (trop) salée, je remplie mon eau et mes électrolite. J’ai trainé une troisième gourde de 500 ml pour rien. Il fait pas mal moins chaud que lors de mes longs entraînements de cet été, je bois donc moins. J’ai carburé jusque là aux jujubes avec caféine et aux bretzels. Mais là, ça fait du bien de manger un peu plus. Je redoute les points de côté alors j’essaie de pas trop manger non plus. Je mets les barres clifs et le chocolat dans ma poche pour tantôt mais je finis avec un brownie aux noix. Mmm ! Ensuite je m’assois pour changer mes chaussettes. On a dû se mouiller les pieds à cinq km du début.

Le reste du parcours semble plutôt sec, je trouve que ça vaut la peine que je prenne le temps de changer mes bas. Quelle bonne décision! Je me sens comme neuve. On est reparti. Un petit pont et hop, ça monte. Francky est derrière moi. On se distancera peu à peu, sans trop s’en rendre compte. On ne s’était pas dit qu’on allait s’attendre ni rien, alors je fais ma course. Cette section était notée la plus difficile dans la description du parcours.

Ça monte oui mais j’ai du gaz. Ensuite on redescend. Je suis des filles bien sympathiques dont une maman avec sa fille. Je les ai les écouter papoter. Elles sont belles à voir. On rigole un peu quand l’une glisse et tombe comme au ralenti (sans conséquence). La fille derrière moi rigole aussi. On échangera quelques mots elle et moi sur les prochains km. Elle est également à son premier marathon. Elle était sur le TransVallée y’a quelques semaines pour son weekend choc, mon hood. On traverse du beau signle track et j’ai le temps de me dire, wow, comme c’est l’fun courir ici, j’ai de l’énergie, le sentier est beau. La forêt commence déjà à se parer de pointes de couleurs d’automne. Je me sens en contrôle et powerful. Quelle chance j’ai!

Arrivée au ravito du 28 km, quel bonheur de tomber dans le fromage en grains, mmmm! J’y perds ma copine d’en arrière. Pas de trace de Francky, je remplis mes gourdes et je repars. Je taperai dans la main de toutes les pancartes de kilométrage dorénavant parce qu’à partir de maintenant, j’arrive dans mes km d’extra, c’est à dire plus de 28 km, ma plus longue distance à vie réalisée ici même à Harricana l’an passé. (Y’a que la pancarte du 8 km restant qui ne m’était pas accessible). Les gens qui m’ont vue faire m’ont trouvée drôle. Je m’en fou!

Et là, c’est la montage noire qu’il faut monter. Je l’ai montée l’an passé. Ça n’était pas si mal dans mon souvenir. Mais là, avec près de 30 km dans les jambes, la montée me semble très longue… mais j’avance, je sais que je devrai la descendre tantôt… Je n’ai pas mal nul part, ça c’est trop parfait. Je n’ai pas de break down non plus, du genre qu’est-ce que je fais ici, je veux arrêter, quelle mauvaise idée de m’être embarquée là-dedans. Non, rien de ça. C’est juste que j’ai hâte que ça arrête de monter un peu, et ça avance moins vite que tantôt.

Mais hey, je suis en train de faire ma plus longue distance à vie. Je vois les beaux chiffres sur ma montre, 29 km, 30 km, etc. J’en reviens pas que je puisse faire ça! C’est pas croyable! Arrivée en haut des cette fameuse montagne noire, ça commence à descendre un peu. Brr, j’ai froid. Je mets mon coupe-vent. Puis arrive le ravito du 35 km et ses petits cornets au beurre d’érable qui sont DIVINS. En plus des sympathiques bénévoles, encore une fois. J’ai un regain pour le bout qui reste. Je sais que ce sera de la grosse descente sur route forestière maintenant. La descente est moins rapide que je pensais. Je me souviens l’an passé m’être lâchée dans cette descente, profitant de «l’énergie gratuite». J’y dépassais plein de monde. Mais là, mes jambes sont fatiguées, surtout mes genoux. Alors j’y vais comme ça vient et le décompte final est commencé.

Je sais que les interminables vallons de la fin s’en viennent vers les 3-4 derniers km. Je sais aussi qu’il y aura pas mal de bouette rendue là. Un fille au t-shirt bleu et leggings noirs me suit/dépasse toute la dernière heure. Je ne lui ai pas demandé son nom, je le regrette. J’avais moins de jasette rendue là. On aperçoit le Mont Grand-Fond de face entre les branches. «C’est là qu’on s’en va» que je lui dis. «Là?» «Oui!» «Ça a l’air encore loin» qu’elle me dit… «Ouais ben 6 km environ… on lâche pas»! Et ça descend toujours… Puis je vois le chiffre 40 sur ma montre. Wow, pas croyable.

Je prends l’embranchement et commence les fameux vallons. Je garde mon petit trot le plus possible mais je marche quelques pas quand ça monte trop. Mes genoux commencent à être fatigués pas mal. Je marche les inévitables marres de boue aussi. Je suis fatiguée, alors pas question que je glisse et me blesse si près de la fin. Puis, on commence à entendre le bouhaha du site d’arrivée, 42,2 km sur ma montre, je suis marathonienne! Wow! Pas croyable! On arrive, on arrive! La pancarte du 1 km, le petit pont. Je vois Vincent au loin qui attend Marjorie. Une tape dans la main bien sentie et go, c’est la fin.

Oh! La fin n’est pas comme l’an passé, on nous fait remonter un peu la pente de ski, quoi, monter? Non monter c’était fini non? Je marche quelques bonnes enjambées de cette montée surprise et j’entends mon amie en t-shirt bleu derrière qui me dit «aller t’es capable». Et les spectateurs qui nous encouragent. Je me remets à courir et là, enfin, ça descend. Des enfants nous félicitent, trop cute. Je donne tout ce qui me reste et je traverse l’arche sous les cris de mon amie Judith qui a fait le voyage juste pour m’encourager. Elle me serre fort dans ses bras, je pleure. Que d’émotions!

J’ai réussi! On me remet ma médaille. Je vais à la table de victuailles et je mords dans un quartier d’orange, mmm! Je remplis mes électrolites. J’ai appris que je dois continuer à boire après, sinon j’ai des maux de tête. Et là, j’aperçois mes parents de l’autre côté de la clôture. Eux aussi on fait le voyage juste pour moi. Je tombe dans les bras de ma maman, on pleure de joie. Je ne me souviens pas la dernière fois où elle m’a serrée aussi fort. De même pour papa. Les gros becs et les yeux pleins d’eau, wow, quelle aventure! Ils sont si fiers de moi! Et moi aussi! Les émotions sur une ligne d’arrivée sont incommensurables. Elles font voler notre coeur et ouvrent plein de portes dans notre tête.