in

Le doute persistera jusqu’au bout

Photo : Carl Vignola

Mardi matin. L’Ultra-Trail Harricana s’est terminé il y a deux jours. Nous avons passé une fin de semaine magnifique, on va se le dire encore une fois. La belle température était au rendez-vous, il y avait quelque chose de magique dans l’air. On voyait les sourires derrière les masques et on sentait que ce semblant de retour temporaire à la réalité faisait un bien terrible à tout le monde, coureurs comme bénévoles. 

Après des mois d’entraînement qui les avaient gardés motivés et actifs, les athlètes pouvaient enfin réaliser leur défi.

Deux jours après la compétition, les commentaires positifs affluent, les magnifiques photos de coureurs en action circulent. Nous devrions être sur un nuage et s’applaudir… Nous devrions profiter pleinement de cette vague d’amour et se détendre enfin… 

Mais non. 

Les symptômes de la COVID se développent entre 5 à 7 jours après la contamination. J’aimerais avancer le temps pour ne pas attendre si longtemps et avoir la certitude que tout va vraiment bien, qu’il n’y a pas une menace latente qui se prépare à nous sauter dessus au détour du chemin. Nous avons voulu faire le bien, créer du bonheur et du positif. Car la tenue d’un ultramarathon n’est pas qu’une course de quelques heures, c’est une cheminement de plusieurs mois. Nous savons que de nombreuses personnes se sont accrochés à cet objectif comme on perçoit une lumière au bout d’un tunnel, restant motivés, en forme, actifs et en santé, mentalement et physiquement. 

Mais si, malgré nous, nous avions fait le contraire? Et si nous allions contribuer à propager le virus et porter atteinte à la santé des gens… 

Le doute persistera jusqu’au bout.

Organiser cette course aura été la chose la plus stressante que j’aurai vécu à ce jour. Avec du recul, j’aurais sans doute préféré prendre des vacances avec ma famille cet été, comme la grande majorité des gens. Lâcher prise et libérer cette boule au ventre.

Nous sommes tombés dans la “craque” des possibles, parmi ceux qui avaient l’opportunité de choisir d’exister en contexte de pandémie. C’est peut-être notre tempérament résilient, optimiste, persévérant, mais les ultramarathoniens ont cette volonté de continuer d’avancer malgré les grandes difficultés et de se rendre jusqu’à l’ultime limite avant d’abandonner. Et nous n’avons jamais rencontré ce mur au cours des derniers mois. Nous avons continué d’avancer, tranquillement mais sûrement, jusqu’à franchir la ligne d’arrivée… ou presque, puisque la vraie ligne d’arrivée, pour nous, est encore dans quelques jours. 

Or, cette marche vers l’avant s’est faite naturellement, sans acharnement. À notre grande surprise, aucun obstacle ne s’est mis au travers de notre chemin. Nous avions le soutien de nos partenaires, de notre communauté, et même des autorités sanitaires et publiques, et ce jusqu’à la dernière minute. Il était important pour nous que la tenue de l’Ultra-Trail Harricana du Canada soit une décision collective et assumée par toutes les parties prenantes. 

C’est pourquoi, quand nous avons appris, jeudi dernier, l’annulation d’une course et d’un triathlon devant se tenir la même fin de semaine que nous, alors que nous étions à finaliser le montage et que les gens avaient déjà commencé à venir récupérer leurs dossards, nous nous préparions au pire. 

Nous étions prêts à annuler s’il le fallait. Ne prenant pas de chance, nous avons contacté la Santé publique afin d’avoir leur avis. Le feu vert était toujours allumé. On pouvait traverser le pont et rejoindre la ligne de départ. Nous avons pris une grande respiration et avons posé un prochain pas vers l’avant….

Dans toute cette aventure, nous avons eu la chance, contrairement à de nombreuses organisations prises de court, de pouvoir réfléchir, analyser et préparer. Tout a pu être planifié le mieux possible et nous sommes satisfaits du déroulement de cette fin de semaine. Peu de choses ont été laissées au hasard.

Mais personne n’est à l’abri des erreurs, des oublis, des imperfections… et on continue de se croiser les doigts pour que tout aille pour le mieux, pour nous et pour les autres.

J’ai presqu’envie de le dire, moi qui ne suis en rien croyante… AMEN.