Je déteste le terme « machine ».
Je déteste quand on réfère à un être humain en disant une « machine ».
Je déteste que le compliment ultime pour un accomplissement sportif soit d’être une « machine ».
Je déteste qu’on me dise après une course que je suis une « machine ».
Attention! Je sais que c’est positif. Je sais que les intentions de la personne qui le dit sont bonnes. Je l’ai probablement dit, moi aussi, par le passé. Avant d’en analyser le sens.
Mais aujourd’hui, après l’avoir entendu à maintes reprises. Après avoir analysé ce que ça veut réellement dire. Ça m’agace. Ça me dérange.
C’est comme quand on parle de « chance » pour référer à une situation où la chance n’a rien à voir. « Oh wow tu pars en voyage, chanceux! » Non, il n’y a pas de chance là-dedans! J’ai ramassé mes sous, j’ai planifié mon voyage et je me le suis payé. Point final. Pas de chance là-dedans. Mais ça, c’est un autre débat.
Avant de m’emporter, j’ai validé avec mon ami Robert. Le Petit Robert. Vous connaissez? Voilà ce qu’il en pense :
MACHINE, nom féminin : Appareil, instrument permettant de réaliser de manière mécanique, automatique ou simplifiée les tâches et travaux de la vie courante
Je ne sais pas pour vous, mais il n’y a rien là-dedans qui me fasse penser à Florent Bouguin. Ou Hélène Dumais. Ou n’importe quel individu, peu importe le niveau, qui est assez fou pour se lancer dans un ultra. Parce qu’on va se le dire, courir un ultra n’a rien à voir à une tâche « de la vie courante ».
Ça me confirme ce que je pensais déjà.
Je déteste le terme « machine ».
Ça fait raidir les cheveux que je n’ai pas sur la tête.
Une machine ne souffre pas.
Une machine ne se parle pas.
Une machine ne goûte pas le sang quand l’effort est trop intense.
Une machine n’a pas de haut.
Une machine n’a pas de bas.
Une machine ne continue pas d’avancer quand elle est brisée.
Une machine ne se répare pas d’elle-même.
Je m’entraîne tous les jours. Je cours plus de 100 kilomètres par semaine. Beau temps, mauvais temps. Je cours à -30, je cours à +30. Je cours dans la pluie. Je cours dans les tempêtes. Je cours dans les canicules. Je brise. Je souffre. Je me parle.
Quand je traverse une ligne d’arrivée, je suis ému. Je suis fier. Je suis exténué. Je me questionne souvent sur ce qui amène cette vulnérabilité à la traversée d’une ligne d’arrivée. Et pour moi, c’est le sentiment d’accomplissement. Parce que je connais tous les efforts, tous les sacrifices et toute la souffrance qui m’a amené à traverser cette arche.
Quand j’ai complété les 125 kilomètres de l’Ultra-trail Harricana, ce n’est pas l’accomplissement des 21 dernières heures qui m’a ému. C’est le chemin qui m’a mené vers cette course. Ce sont les entraînements, les week-ends chocs et les préparatifs. Ce sont ces matins de novembre à courir dans la pluie face à un vent qui me glace les os. Ce sont ces midis d’été à souffrir de maux de cœur tellement le soleil tapait fort. Ce sont ces soirées de janvier à poursuivre l’entraînement prévu, malgré des doigts et des orteils glacés.
Une machine ne souffre pas.
Une machine ne se parle pas.
Une machine ne continue pas d’avancer quand elle est brisée.
Pour compléter un ultra, on souffre. On se parle. On entretient un dialogue interne pour continuer d’avance. Quand plus rien ne va, on avance quand même.
Je déteste le terme « machine ».
Ça enlève toute l’humanité derrière une performance sportive.
Ça enlève toute l’humanité dans un accomplissement, quel qu’il soit.
Donc on arrête ça. Deal?
Durée | Distance | Dénivelé |
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km | m | |
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