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Harricana 125 km : épreuve physique… mais surtout mentale !

pierre millette

12 septembre 2 heures du matin, je suis sur la ligne de départ de la course Ultra-trail Harricana 125 km (UTHC) avec 165 autres athlètes, qui tout comme moi veulent tenter la course et tester leurs limites, tant physique que mentale !

Le départ est magnifique ! Beaucoup d’énergie et d’adrénaline dans l’air , la température est parfaite (7 degrés), un ciel étoilé et d’une luminosité exceptionnelle au cœur de la forêt de Charlevoix. 3, 2, 1 GO masque au visage pour tous les coureurs pour le départ.

La première section (15k) qui mène au ravito 1 se fait très bien, même un peu rapidement, comme nous sommes tous un derrière l’autre et que le sentier est de type « single track », il y a peu de dépassement et à peu prêt tout le monde suit le tempo (excluant les coureurs élites bien sûr… qui eux viennent d’une autre planète 😉😁).   Arrivé au ravito, je commence à percevoir les premières lueurs du soleil, d’ici quelques kilomètres, nous aurons droit à un superbe levé du soleil, peu importe où l’on sera sur le parcours.  

Après cette étape, je me sens bien et en confiance, le rythme est bon, je pense cependant à ralentir, car toutes mes lectures préparatoires pour ce type de course, disent que l’on débute souvent trop rapidement, je dois donc me garder des cartouches pour la fin 😎

La nuit s’estompe, et j’aperçois le levé du soleil dernière les montagnes👌.  C’est en partie pour cette raison que nous faisons du trail, c’est pour pouvoir bénéficier de ces merveilleux panoramas !

Ma première bête sauvage, je la rencontre au 40è km, alors que je suis 2 autres coureurs, le premier devant se met à parler fort, je vois un animal bouger, je m’informe, est-ce un chien ? 😂 Non, c’est un porc-épic qui semble être là pour nous encourager!  En passant, c’était la première fois que j’en voyais un de cette taille !

Ravito suivant, ainsi pour l’ensemble des ravitos, j’y rencontre des bénévoles extraordinaires, qui nous encouragent et nous offrent du ravitaillement, question de se remettre de la dernière section, et pour faire des réserves jusqu’à la prochaine.  Au total, il y a 9 stations de ravitaillement dispersés sur le parcours.

62è km, j’arrive à la mi-parcours, à ce ravito, les équipes de soutien des coureurs peuvent être présentes pour nous aider à nous préparer adéquatement pour la 2e moitié du parcours.  Mon équipe à moi, c’est la meilleure ! ma belle amour qui est là comme toujours, pour me supporter.  Je m’assois quelques minutes, le temps de profiter de mon kit mi-parcours :  lunch avec de la nourriture avec laquelle je suis familier, changement de bas, chaussures, etc.  Dix minutes plus tard, l’arrêt au puit est terminé, j’entame donc le 2e 63 km !  Encore une fois, les indicateurs sont aux verts, je me sens bien, et revigoré, le rythme est bon et le mental est au beau fixe ! 

Premier petit problème physique, je ressens des points de pression au niveau du pied droit, le changement de chaussure à la mi-parcours ? Ces dernières sont plus rigides…  à retenir, lors d’un changement de chaussure, toujours porter la même marque, afin que mes pieds restent en confiance 😁. Finalement, ça aura pris près de 10 km avant que je me sente à nouveau à l’aise dans mes chaussures.

Mon rythme reste constant, je dépasse quelques coureurs, à chaque fois, je leur demande comment ils vont, la plupart du temps, ils me répondent « exténué », désolé d’entendre ça mais à quelques part, ça m’encourage, car moi je me sens encore bien.

Ravito 7, c’est à ce ravito que beaucoup de coureurs abandonnent, la portion précédente étant  «énergivore ++».  J’arrête à la table des liquides (eau, électrolyte et bouillon de poulet)…C’est nul autre que Joan Roch qui est là pour nous servir ! Joan, est le coureur qui a parcouru 1135 km en 15 jours, entre Percé et Montréal cet été, j’avais suivi son périple avec beaucoup d’intérêts. D’ailleurs, durant ma course, je me disais que s’il pouvait courir 1135 km,  j’étais bien capable d’en faire 125 km ! Go Go Pierre on lâche pas 😅

Je poursuis donc ma course, motivée d’avoir rencontré cet homme sympathique et plus grand que nature !  L’obscurité s’installe à nouveau, il est 18h, je remets ma lampe frontale,  au 85è km, je comprends que la nuit va être longue, il reste encore 45 km a parcourir 🏔.  Sur cette section du parcours, je suis seul dans l’obscurité. Je me sens très bien (c’était une de mes inquiétudes avant l’épreuve). Toutefois, je commence à avoir des hallucinations 😂.  Le mixte « lampe frontale et buissons » me font voir d’étranges personnages… parfois, des animaux qui me fixent🦉🐺🦇, j’ai même eu la visite du Père Noël 🎅, de lutins et autres trucs du genre 🥴… je trouve ça drôle, croyez-le ou non, mais le mental est toujours bon 👻.  Avec ces amis de parcours et le silence total, j’avoue que mon rythme de course était disons, lent et je ne peux plus me mesurer, car ma montre m’a déjà lâcher depuis plusieurs heures… elle s’est dit « si lui il va pas se coucher, moi j’y vais ».  « Note à moi même : voir à m’acheter une montre avec une autonomie supérieure à 24 h. »

Dans la nuit, j’aperçois une lampe frontale qui arrive derrière moi et me dépasse à bonne allure.  Le coureur me dit quelques mots, mais je ne saisis pas 🤷🏻‍♂️.  Je me dis, comment se fait-il qu’avec cette énergie il ne m’a pas doublé avant🤔 ? puis, j’aperçois 2 autres frontales derrière moi.  Je m’écarte du sentier pour laisser passer les coureurs.  Le premier me dit « Allez body, il faut accélérer le rythme ». Je ne comprends pas vraiment pourquoi il me dit ça ? mais je me place derrière le 2e et j’augmente le rythme, question de les suivre.  Ce dernier m’explique que l’on doit accélérer, car il nous reste encore 2 km et 18 minutes avant le cut-off du prochain ravito.  LÀ J’allume !!! Si je ne suis pas arrivé au prochain ravito avant le « cut-off », ma course est terminée !  Comme je devais courir à environ 12min/km, il faut que j’augmente le rythme considérablement… ouf ? capable ? Je sais pas ? tout ça c’est nouveau ! Après plus de 80 km de course dans le corps… il se produit une extraordinaire fusion entre mon esprit et mon physique, ma tête et mon corps se disent qu’il n’est pas question que ça se termine comme ça… Je suis de près le coureur devant moi, il me laisse passer en me disant qu’il va tenter de me suivre, je rejoins le premier, après quelques mètres à le suivre de près, il me laisse passer en me disant « tu sembles être reparti toi là, passe devant et pace moi».  J’en reviens juste pas de l’énergie qui s’est réveillée en moi, je dois courir de 7 à 9 minutes du km, je ne ressens plus ni fatigue, ni douleur, tout ce que je veux, s’est arriver au ravito avant le cut-off 🏃‍♂️ !  Première question en arrivant : combien de temps avant le cut-off, « il reste 10 minutes » me dit la bénévole, j’ai réussis et ça signifie que dans 10 minutes je dois être reparti du ravito, je change la batterie de ma lampe frontale, question de ne pas avoir de panne de lumière dans cette obscurité, je prends un bouillon de poulet, et je repars  pour le prochain ravito/cut-off.  

Ma montre ne fonctionne plus, donc impossible pour moi de savoir le temps qu’il me reste avant l’arrivée du prochain ravito. Je donne donc tout ce qui me reste dans le corps,  encore une fois, ma tête et mon corps travaillent ensembles, mes sens sont éveillés et je cours comme en plein jour, je vois tout, j’évite tous les obstacles.  J’arrive finalement à quelques centaines de mètres du prochain ravito (km 100), je vois des lumières et quelques personnes, je pose la question qui tue (c’est le cas de le dire), combien de temps avant le cut-off ?  Les 2 bénévoles me regardent et disent : « une minute » !  Je suis toujours dans la course, mais pas le temps pour le ravitaillement, je dois repartir immédiatement.  Je pose la question avant de m’élancer pour la prochaine portion, à quoi ressemble le relief de cette section, le bénévole me répond « c’est la Montagne Noire, environ 7 km de montée et 4 km de descente, et vous avez 1h50 pour le faire, ça va être difficile d’atteindre le cut-off du prochain ravito ».

Je repars donc avec cette information en tête.  C’est effectivement tout en montée dans les premiers km, pour la première et la seule fois, j’ai une pensée négative qui me vient en tête « pourquoi tu te donnes autant de mal ? alors que s’est possiblement terminé pour toi ».  Mais aussitôt, le positif revient, je me dit, que ce n’est pas le temps de lever le pied après 100 km de parcourus, t’es venu ici pour faire 125 km ! Botte ton derrière et go, donne tout ce que t’as, et advienne que pourra !! d’autant plus… je pense aussi à mes petits fils Phil et Tim, et je veux plus abandonné… je poursuis donc avec la même allure depuis près de 30 km.  Je vois apparaître les lumières du prochain et dernier ravito, car l’arrêt suivant sera le file d’arrivé, je ne lâche pas, dès que j’arrive, première question : combien de temps avant le cut-off ?  La bénévole : « vous avez encore 15 minutes ».  Wow que je me dit, j’ai rattrapé de précieuses minutes depuis le dernier ravito.  Prochaine  question : a quelle heure le cut-off de l’arrivée ?  La bénévole : « 03h20 ».  Ma dernière question : quelle heure est-il présentement : La bénévole : « 01h50 ».  petite mathématique dans ma tête : 03h20 moins 01h50, il me reste 1h30 pour franchir les 8 derniers kilomètres… je refais le calcul afin d’être certain de ce que je me raconte (dans mon état, je ne me fais plus autant confiance au niveau de mes capacités mathématiques 😁).  Le résultat 90 minutes, au rythme de mes derniers km, c’est réalisable, très réalisable même, je me dis que ça y est, je vais réussir !  Même si en trail il ne faut rien prendre pour acquis, on je sais jamais ce qui peut arriver. Je pose une dernière question à un des encadreurs de la course : à quoi ressemble le relief de cette dernière section ? Avant de me répondre il me demande : « toi, la tête est-ce que ça va ? ». Ehhh oui, mais je me demande tout de même pourquoi il me pose cette question ? j’ai sûrement l’air un peu bizarre 🙃🥴.  il me dit que le relief, est beau, beau, beau, quelques petites montées sans plus…

Je repars donc pour les derniers 8 km de cette avanture avec le « beau, beau beau » en tête… Je crois que l’encadreur voulait m’encourager psychologiquement ou qu’il ne connaissait pas le trajet pantoute 😂 il y a encore de bonne montées, de la boue jusqu’au genoux à certains endroits, mais je ne lâche pas, si prêt du but.  Finalement, la dernière borne kilométrique, le chiffre « 1 » !  Wow Là, c’est dans la poche, je vais réussir 125 km, 😮 je vois les lumières du file d’arrivé et j’entends les applaudissements chaleureux des quelques vingtaines de bénévoles encore sur place à plus de 3h du matin, ils m’encouragent pour ces derniers mètres de la course, j’ai une boule d’émotion qui me monte dans le ventre, je passe la ligne d’arrivée, c’est fait ! 3 h13 minutes du matin, soit 7 minutes avant le cut-off officiel.

C’est donc 25 heures, 13 minutes de courses que j’ai dans le corps, c’est fait, j’ai réussi !  Le dépassement de soit… j’en connais maintenant un peu plus sur qui je suis et a quel point notre corps peut nous surprendre !

Quelle aventure ! Est-ce que je remet ça ? certainement… un peu plus haut, un peu plus loin comme disait Buzz Lightyear 😁.

Merci merveilleuse amour pour ton soutien constant et indéfectible, je t’aime.

Merci pour vos encouragements mes amis et aussi à l’équipe de l’Harricana, pour cette organisation hors pair en tant de pandémie !