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Parlons de décroissance!

Me voilà bien assise à mon bureau. Un café fraîchement coulé répand son envoûtante odeur autour de moi et sa chaleur, douce et suave, m’inonde le palais, tranquillement, au fil des gorgées. Je regarde à l’extérieur par ma fenêtre centenaire.

Le froid s’immisce doucement dans le paysage. Les arbres roussissent, rougissent et finalement, balayés par une mesquine brise hivernale, se dénudent devant mes yeux espiègles. Les coureurs, à l’inverse, délaissent leurs tenues légères et dépoussièrent leurs vieilles laines pour continuer d’avancer malgré le mercure dépérissant.

La saison est donc terminée.

Avec l’arrivée du froid vient également l’introspection. Assise face à mon écran, je me questionne.

Qu’ai-je accompli cette année? 

Qu’aurais-je pu faire de différent, de mieux? 

Quelles sont mes forces? Et mes faiblesses, elles? 

Et surtout, où en suis-je comme coureuse?

Le plus grand objectif de mon année est atteint : réussir le 80 km de la Chute du Diable. C’est coché. Bien contente. Avec une deuxième place chez les femmes en plus, solide bonus.

MAIS, ici commence la réflexion. Personnelle, oui, mais je tiens à ce que l’idée se propage.

Certes, j’ai couru 80 kilomètres. Mais, les quinze derniers furent atrocement longs. J’ose presque dire :  interminables. Ça faisait mal. Je ne courais quasiment plus. Je chialais. Oh là là, pauvre pacer. Je n’avais plus de fun.

Malheureusement, l’espèce d’épiphanie qui touche tous les coureurs de trail après un gigantesque défi ne m’a pas frappée en franchissant la ligne d’arrivée. Non. Les plans de grandeur, de longueur, de distance ne m’attirent tout simplement pas. Du moins, pas maintenant. Me pousser au-delà de 80 km, me mesurer à un 100, un 125 ou même un 160, ça ne fait pas partie de mes plans. Voilà, c’est dit, c’est craché.

J’avoue que je me sens un peu à contre-courant. La norme, c’est souvent d’aller voir plus loin, de découvrir où se cachent nos limites. On se sent presque mal de ne pas courir une distance plus longue que la précédente. Comme si on s’avouait vaincu. Que ce soit sur route ou en sentier, on le fait tous, moi incluse. On veut constamment aller voir plus loin.

J’ai couru 10 km? Go pour 21! Et pourquoi pas 42? Et pis, tant qu’à y être, l’an prochain je commencerai le trail en faisant un 50 en début d’année et un 80 à la fin pour que dans deux ans, je puisse participer à mon premier 160.

Oh!

Il n’y a pas de gêne à mettre les freins. J’ai terminé ma saison avec un 25 km et j’ai solidement trippé. Juste assez long, juste assez intense. C’était simplement parfait. Pourtant, deux mois avant, je courais 80 km. Ça m’a pris quatre fois moins de temps, mais j’ai eu autant – sinon plus – de plaisir.

On néglige souvent les « petites » distances, comme si elles n’étaient que des étapes de base à cocher, un genre de passage obligé sans but intrinsèque, qu’on les balayait rapidement une fois franchies et qu’on ne devait jamais y revenir. Et pourtant. On gagnerait tellement tous à se diversifier et à s’aligner sur des évènements qui ne requièrent pas toujours 24 heures à finir.

C’est comme si, désormais, l’accomplissement ne pouvait s’acquérir que par la longueur de l’évènement. La mode est à l’extrême. On pousse toujours plus haut, toujours plus loin afin de se définir soi-même comme coureur.

Cela dit, on a tous nos préférences. Si c’est ce qui t’allume, vas-y fort! C’est parfait ainsi, on fait ça pour s’amuser après tout. Mais je tiens quand même à te lancer un défi pour 2020 : inscris-toi à une « petite » course. Un 5 km ou un 10 km, n’importe quand dans l’année. Va t’arracher le cœur, t’irriter les bronches et te déchirer les muscles sur un événement ultra bref. Tu vas voir, ça fait changement!

Tu vas quand même avoir une bière et un repas à l’arrivée, et surtout, tu seras en mesure de marcher avec aisance le lendemain, t’sais.

Photo de course: Mireille Roberge au TPNB