Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours rêvé que je courais. Je ne parle pas nécessairement de ces cauchemars où mes jambes sont d’une lenteur abominable, et m’empêche de prendre la fuite d’une quelconque situation dangereuse. Non. Je parle de ces rêves où je me déplace d’un lieu à l’autre par la course au gré de mes envies.
En rêve, à l’adolescence, mes jambes me portaient souvent de mon patelin à une trentaine de kilomètres plus loin, vers Rimouski, avec une facilité déconcertante. Je me souviens ressentir un sentiment de puissance et d’indépendance très fort, alors que mes jambes me laissaient l’impression que je pouvais aller où je voulais, quand je voulais. Bien réveillé, tout cela me paraissait bien utopique à l’époque. À cet âge, je courais à peine, pour le plaisir, souvent sur moins de 2 km, afin de couvrir la distance entre l’école secondaire et la maison familiale.
J’étais très loin de me douter que ce rêve, aussi impossible eu-t-il paru à l’âge de 13 ans, allait se révéler une balade hebdomadaire, tout ce qui a de plus banal aujourd’hui.
Aujourd’hui encore, je rêve que je cours. Cette fois, souvent en sentier, en montagne. Je rêve souvent aussi que j’arrive en retard pour le départ d’une course… Mais si je reviens aux rêves que je faisais plus jeune, je me rends compte que ce sentiment de puissance et d’indépendance est bien réel en course. Je ne vous apprends rien ici très certainement. Par contre, sommes-nous vraiment conscients de cette « chance » que nous possédons? Un ami me le rappelait d’ailleurs, il y a quelques semaines : en tant qu’ultra-marathonien, on peut pratiquement se permettre d’aller où on veut, quand on veut. C’est très primal comme sentiment, pratiquement à la base de la psyché humaine. Et ce ne serait donc pas ça, le vrai rêve du coureur? Et vous, vous rêvez?