Je ne suis pas une buveuse de bière… mais après 10 km, je savais déjà que cette bière serait délicieuse, j’en rêvais déjà!
C’était frais et très brumeux. Nous étions presque rendus au départ de l’autobus lorsque mon ami Yann s’est aperçu qu’il avait oublié sa montre. Comment lui en vouloir, j’avais oublié mes bouteilles d’eau, un mois plus tôt en allant vers le départ de Bear Mountain. On avait en masse de temps devant nous, mais ça rajoutait un petit stress tsé!
Arrivé à la plage des pêcheurs pour le départ, on se serait cru au bout du monde. La brume opaque nous empêchait de voir à plus de 200 m. J’appréhendais ce début de parcours, ce trois km sur la plage. Mon amie Corinne m’avait raconté que l’an dernier, elle avait parcouru ce trois km avec de l’eau glaciale jusqu’à mi-cuisse. Heureusement, cette année, la marée était de notre côté. Le départ fut lancé, mais déjà, après 300 m, j’avais les pieds mouillés. Bah! Pas grave, ça va finir par sécher, au pire, j’ai des bas de rechange, je l’ai changerai un peu plus loin. À ce moment, je ne savais pas du tout ce qui m’attendait…
En sortant de la plage, j’ai fait un bout de chemin avec Yann. J’étais heureuse de ne pas être seule, habituellement je suis toujours seule. Le sentier de la rivière aux Émeraudes était magnifique. Le soleil s’est mis de la partie, c’était chaud; j’avais déjà hâte à la bière, il restait 46 km. Je me suis aventurée sur les ponts/escaliers de bois pourris/mouillés en pensant à cette bière qui serait donc ben bonne, lorsque soudain, les deux pieds sont partis : je me suis retrouvée sur les fesses, le souffle coupé par cette chute brutale. Heureusement, seul mon ego en avait pris un coup.
Un peu plus loin, mes ampoules récoltées un mois plus tôt à Bear Mountain, m’ont signifié clairement qu’elles n’étaient toujours pas guéries. La boue et l’eau depuis le départ n’ont pas aidé ma cause. Petit arrêt rapide au ravito de Val d’Espoir pour emballer mon orteil amoché et changer mes bas. Je me disais qu’après 18 km dans la boue, c’était sûrement fini. Et bien, je me trompais. Ça ne faisait pas 400 m que j’étais repartie, et déjà, mes bas secs étaient choses du passé.
Malgré les conditions difficiles, tout allait très bien, je profitais de chaque bout roulant pour rattraper le temps perdu dans les montées et la boue. Mais J’étais seule, comme dans la majeure partie de mes courses en trail. Je sais pas, je dois avoir un pace bizarre, je suis toujours seule. Mais ça ne me dérange pas tant que ça, c’est bon pour la dureté du mental.
En arrivant au ravito de l’Anse à Beau-fils, j’ai croisé Yann qui repartait déjà. Sa conjointe Marianne était là; elle me donna un coup de main avec mon orteil. Avec toute la boue et les 2 traversées de rivière, mon bandage improvisé n’a pas tenu ben ben longtemps et la douleur ne faisait qu’empirer. C’est avec une belle catin de tape médical que je suis repartie à la poursuite de Yann. Cette fois, le bandage tiendra, Marianne a fait une maudite bonne job!
J’étais heureuse! Malgré que j’étais sale de la tête aux pieds, que mes chevilles commençaient à rechigner, je me trouvais dont chanceuse de pouvoir prendre part à ce genre d’événement. Je rattrapai Yann au ravito de la Commune (je pense qu’il m’attendait). Son genou le faisait souffrir depuis plusieurs kilomètres déjà, sa progression n’était pas à son goût. J’essayais de le motiver un peu mais je voyais bien qu’il était déjà ailleurs.
Tout près du Gargentua, nous croisons ma partenaire d’entraînement Karyne, qui fait le 160 km à relais. Quelle joie de la croiser enfin! Je commençais à m’inquiéter, je croyais qu’on allait se croiser beaucoup plus tôt. Comme toujours, elle est souriante et nous redonne du pep. Après une accolade, nous nous promettons de nous retrouver à la ligne d’arrivée et repartons chacune de notre côté. Le plus difficile reste à faire et Yann me signale qu’il marchera jusqu’à l’arrivée, et de partir avertir sa petite famille qui l’attend là-bas.
La descente du Gargentua fut difficile. Mes quadriceps commençaient à en avoir marre. Je me suis même surprise à avoir hâte de remonter. J’ai bien essayé de pousser un peu dans la descente, mais mes muscles fatigués refusaient d’en prendre plus. La montée du Mont St-Anne fût moins difficile que l’année dernière; est-ce que c’est parce que ce n’était plus une surprise ou parce que l’entraînement en montée a fini par payer? Je sais pas, mais il reste du travail à faire, c’est toujours dans les montées que je me fais rattraper.
Depuis le ravito de Val D’espoir, je joue au chat et à la souris avec Valérie, une fille de la Beauce. Elle me rattrape toujours dans les montées, ses grandes jambes lui permettent d’avancer à un très bon rythme, que je suis totalement incapable de suivre. Par contre, je la rattrape dans les descentes. Elle me rattrape donc encore une fois dans la dernière montée du Mont St-Anne. Je tente encore de m’y accrocher, mais maudit qu’elle grippe! Très vite, je ne la vois plus. La longue descente me permit de la rattraper à nouveau et prendre une confortable avance. Mais ce « petit jeu » avec Valérie m’a confirmé que j’avais encore beaucoup de travail à faire en montée.
J’ai croisé la ligne d’arrivée avec le sourire. Tellement heureuse d’avoir complété mon troisième ultra trail. C’est sans trop tarder que je me suis dirigée vers la bière. Après avoir passé la journée à boire du Gatorade, du sirop d’érable et manger des jujubes, une bonne Blanche Pratto avec un hot dog de course, c’était plus que bienvenue!
À l’an prochain Gaspésia 100.