Retour à janvier 2019 … mes amis traileux et moi même sommes trop excités de nous inscrire à la pige pour le Tor des Géants. Quelle ne fût pas notre surprise d’apprendre que cette année là, pour souligner le 10ième anniversaire du Tor des Géants (330km 25000m de D+) les organisateurs donnent naissance au Tor des Glaciers (450km 36000m de D+). Calcul facile pour nous, pourquoi NE FAIRE QUE le Tor des Géants, quand on pourrait s’inscrire au Tor des Glaciers. Hé Hé Hé … on n’est pas fou. SAUF QUE .. en lisant les règlements un peu plus loin, on apprends que pour s’inscrire au Tor des Glaciers, on doit préalablement avoir déja complété le Tor des Géants en moins de 130hrs .. ok ok … on se ressaisit, donc 2019 objectif Tor des Géants. On est pigé, on se retrouve en Italie en Septembre 2019: résultat: Mission accomplie pour la qualification du Tor des Glaciers !!!
Fast forward … 2022, la pandémie semble être derrière nous, vivement l’inscription pour le Tor des Glaciers 2022 🙂 Sauf que la préparation ne s’est pas tout à fait passée comme prévue. Le classique du physio qui court et qui essaie de se convaincre … ça va passer, ça va passer, ça va passer …. jusqu’à ce que ça ne passe pas. Un plan de mar** de février que mon gros orteil gauche n’a pas bien digéré, me cause encore des soucis. Mais bon, même si le niveau de confiance n’était pas très haut, et que mes bobos n’étaient pas guérit à 100%; une fois sur place, l’air frais des montagnes et l’excitation d’être parmi tous les autres traileux ont pris le dessus. Une superbe aventure d’acclimatation à plus de 4000m en Suisse, et quelques jours au refuge Torino à 3300m font la job de préparer mon hémoglobine et mon attitude. Advienne que pourra, un km à la fois, je plonge !!!
C’est donc un peu dans cet état d’esprit que j’ai pris pris le départ du Tor des Glaciers 2022, 8 pm au centre de Courmayeur avec une joyeuse bande d’environ 150 autres coureurs, dont mes 2 compatriotes Martine Marois et Stéphane Poulin (Stéphane qui récidivait après avoir complété la boucle en 2021 … faut croire qu’il n’en avait pas eu assez). 8 pm pour débuter une course … ça c’est en plein mon style, moi qui n’aime pas me lever tôt. Alors hop, après quelques km de rues, on ne perds pas de temps avant de débuter la grimpe …. et ce ne sera que le début d’une belle longue semaine au paradis. Pour vous faire un petit résumé de l’épreuve ici, le TdGlaciers c’est une boucle de 450km qui fait le tour du Val d’Aoste, province alpine de l’Italie. La boucle est principalement non balisée (à part quelques courtes sections qui sont partagées avec le TdGéants) et emprunte des sentiers moins fréquentés (principalement les Alta Via 3 et 4); on se retrouve alors plus souvent et plus longtemps en milieu alpin, 2500m d’altitude et plus. On longe les glaciers des grands sommets alpins de l’Italie: Gran Paradiso, Monte Rosa, Monte Cervinio etc. Comparativement au TdGéants, c’est significativement plus technique, certains passages sont beaucoup plus exposés: on a clairement intérêt à être éveillé et à 100% de nos capacités pour éviter le pire. La boucle est aussi agrémentée par le passage à travers 4-5 pierriers qui ne sont pas piqués des vers. Autant la navigation peut être difficile dans ces sections, il faut aussi être particulièrement attentif aux endroits ou on pause les pieds parmi les plaques de roches qui glissent les unes sur les autres. Par contre, la beauté de la nature brute, l’air sec et frais des montagnes, le froid et la neige en font un parcours de rêve pour tout amateur de montagnes. On ne peut qu’être en admiration devant un spectacle aussi grandiose. C’est un privilège immense que de pouvoir passer toutes ces heures dans un tel paradis.
Une autre particularité de ce Tor est la présence d’environ 25 ‘rifugios’ (aka cabanes ou refuges) le long du parcours. Et l’entente avec les organisateurs c’est qu’on peut manger et dormir dans tous ces refuges pendant la course. En gros c’est un ‘all you can eat, all you can sleep’ dans des refuges qui sont tous situés dans des racoins de montagnes des plus spectaculaires, très souvent à proximité d’un glacier. Avouez que c’est quand même assez tentant comme offre !! Peu importe l’heure d’arrivée, incluant les petites heures du matin, l’accueil était tout le temps généreux et chaleureux. C’était comme arriver au resto et avoir un menu relevé à chaque fois. On s’est empiffré de lasagnes, fettucinis, pizzas, tartes, polentas etc. A un point tel que je décrirais presque le TdGlaciers comme étant une course à relais d’un restaurant à l’autre. Et malgré les tonnes de calories ingérés pendant toute la semaine, j’ai réussi à perdre environ 15lbs au total. Pour ce qui est de la portion dodo, on a beau dire que le sommeil c’est ‘overrated’, j’ai quand même dû dormir quelque heures pendant la semaine. Tous les refuges ont des dortoirs avec des matelas et couvertures, et sont prêts à nous accueillir lorsque le besoin de roupiller se fait sentir. Au total j’ai dormi en moyenne 2-2:30 hrs par jours, et ce à coup de 1-1:15 hrs la fois, et quelques powernaps de 10min éparpillés ici et là. Même si ça semble peu, surtout pour une personne comme moi qui a un bon besoin de sommeil, le cerveau étant ce qu’il est, ça m’a semblé amplement suffisant pour être efficace et éveillé tout au long du parcours … ou presque. Y’a bien eu quelques moments ou ne n’étais pas tout à fait présent d’esprit, et d’autres ou j’ai tenté de développer une technique pour dormir en courant, mais je me suis aussi assuré de faire mes dodos spécifiquement avant les sections plus techniques pour éviter les chutes, bobos, etc.
Ca pourrait être long et fastidieux de décrire chronologiquement une aventure de 172hrs … il y a tellement de petits détails, de moments d’émerveillement, de creux parfois abyssaux. Et quand je dis ‘aventure’ c’est parce que pour moi, ça tient beaucoup plus de l’aventure que d’une course. Ce qui me fait vibrer dans un tel projet, c’est de pouvoir me donner à 100%, pratiquement sans compromis, à faire ce que j’aime: me balader en montagne sur mes 2 pieds. C’est un rythme hyper simple: courir, manger, courir, manger, courir, manger, dormir un peu, courir, manger … et ainsi de suite. Tout ça pendant une semaine complète. On en revient presqu’à l’étape ou nous étions des primates errant dans la jungle, avec en moins la tâche de chasser nos repas 🙂 Et ça dure suffisamment longtemps pour que lorsqu’on franchit la ligne d’arrivée, ça prends plusieurs jours à revenir sur terre. Le cycle sommeil-éveil, et l’alimentation restent en mode course pour un bon moment, et on se retrouve à vider le frigo à 2am, puis à 5am etc. L’estomac est sans fond. On dort en format pointillé .. jusqu’à ce que la réalité nous rattrape et que la dette de sommeil accumulée doit être repayée, incluant les intérêts. Mais ce n’est que du gros bonheur sale de devoir se gaver de gelatos, patisseries italiennes et pizzas entre pleins de petits roupillons. Courmayeur est l’endroit idéal pour ça 🙂
Une de mes belles découvertes de cette aventure, pour ne pas dire LA belle découverte, est d’avoir croisé Stéphane Poulin, lors de la 2ième nuit du Tor. Je connaissais Stéphane un peu mais pas tant. On savait que nous étions à peu près du même niveau, et lors d’une discussion quelques jours avant le départ, nous avons parlé de la possibilité de partager quelques sections ensemble. Après notre rencontre au rifugio Benevolo vers 2am, en avalant un bon chocolat chaud à l’italienne, nous avons pris la route ensemble, et on ne s’est jamais lâché après.. On se complétait à merveille. La chimie était excellente, à un point tel qu’après quelques jours, nos envies de pisser et dodos étaient synchro … c’est peu dire 🙂 Vivre une telle aventure requiert une bonne écoute de soi; et faire des compromis au niveau du rythme, de l’alimentation, des périodes de sommeil etc afin de suivre quelqu’un est souvent une mauvaise idée. Mais dans ce cas ci, et de façon réciproque, on n’a jamais eu à s’écarter trop de notre plan de match. Avancer en duo a été une force. J’ai découvert qu’être en équipe dans une telle course donne plusieurs avantages. Au niveau de la navigation (le parcours n’étant pas balisé), 2 têtes fatiguées valent mieux qu’une. Le plaisir d’échanger, de s’encourager, et aussi parfois de se donner l’espace nécéssaire pour avoir des petits moments solo; bref ce ne fût que positif de forger une amitié à coups de D+ en traversant le Val d’Aosta. Encore une fois merci Stéphane pour ce partage
Une autre dimension humaine qui a fait de cette aventure une expérience enrichissante, est la rencontre et le partage avec plusieurs autres humains rencontrés tout au long des sentiers. On s’est retrouvé à être un petit groupe de 10-12 coureurs et leurs crews, à se croiser très fréquemment au fil des jours. On a rigolé ensemble, sué ensemble, bien mangé ensemble et parfois dit de très gros mots ensemble. Ca m’a toujours épaté de voir qu’en assez peu de temps, on peut développer des relations intenses avec des gens qu’on connait peu à la base, mais avec qui on partage des moments forts. La nature et les montagnes ont ce pouvoir magique !! J’ai même pu pratiquer mon art sur un ami dont les cuisses en avaient considérablement besoin. Mon petit côté sadique et son petit côté masochiste ont fait la preuve que des pôles de course, ça peut avoir plusieurs utilités (voir photo ci bas).
J’ai aussi eu la chance d’avoir mon équipe de support à distance. Mes amis, et surtout ma famille avec ma blonde en tête, avec qui j’ai échangé régulièrement par téléphone ou par texto au fil de l’aventure. Sans eux c’est clair que je n’aurais pas la chance de pouvoir vivre ces expériences que j’affectionne tant. Je les ai porté dans mon sac le long du sentier, et comme par magie, ils allègent le poids de mon sac avec leurs sourires, leur amour et leurs mots d’encouragement. Je vous aime XXX Un énorme merci aussi à @salomontrailrunningquébec pour leur indéfectible support depuis longtemps. Mes pieds sont toujours heureux de se balader dans vos chaussures 🙂
Alors sans surprise, je ne peux que vous recommander ce magnifique Tor qui trouvera sûrement sa place dans votre bucketlist … et qui doit ‘obligatoirement’ être précédé du Tor des Géants … quelle tâche ingrate.
Durée | Distance | Dénivelé |
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km | m | |
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