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Se détruire à petit feu avec le RED-S…

Qu’est-ce que que le RED-S ? 

Le RED-S (Relative Energy Deficiency in Sports) correpond à des atteintes sur la santé en lien avec une insuffiance d’apports caloriques lors de la pratique d’un sport.

Je vais vous raconter deux années galère, deux ans de fracture de fatigue/contrainte à répétition…suite à ce problème, qui est présent chez bien plus de sportifs que l’on ne croit.

Commençons par le commencement, à l’hiver 2018 je décide de m’inscrire au Half de Vichy en août l’année suivante, je me prépare doucement mais sûrement. Mars 2019, je décide de participer au Trail du Vulcain mais avant même de partir j’ai une douleur au pied…qui ne part pas. Bon je laisse un peu passer puis radio, etc etc…fracture de fatigue au métatarse. OK…3 mois sans courir seulement de la nat’ et du vélo. Puis vient l’été, les beaux jours, je re essaie de courir, je reprends, mais quelques semaines après ça revient mais cette fois de l’autre côté au même endroit. Et puis l’été passe, je n’ai quasiment pas couru. Je participe tant bien que mal à quelques triathlons M et je remplace donc mes séances de course à pied par plus de vélo. Deux semaines avant Vichy (fin août), je reprends des « footings » (il faut quand même courir pour faire un semi !), oui parce qu’à 6’10 dans le mal je me dis que ce n’est vraiment pas normal là !

Le Half de Vichy se fait, la douleur était bien présente en course à pied mais cette fois pire que le pied, ma hanche et mon dos me tiraient comme jamais. Bref une course faite mais dans la douleur non pas de l’effort mais la douleur physique. Course finie, un peu de repos, je me dis que tout repartira…FAUX !

Je pars en vacances en Italie pendant une semaine début septembre, la douleur toujours présente en course à pied, en vélo ça passait encore donc quelques sorties vélo, quelques randos mais en rentrant un jour je ne pouvais plus rien faire, plus bouger, rien…

Le retour à la maison et la reprise des cours pour ma dernière année de Master à l’IAE se fait, je continue à nager et rouler comme avant, rien ne changeait. C’était supportable mais c’était là. La saison est passée, les vacances aussi, la blessure est là, je bouge, moins ok, j’ai « grossi » BAM dans ta gueule Marine ! LA réflexion qui m’a fait basculer dans une obsession. OK je suis grosse bah je vais nager, rouler encore plus, aller à la salle encore plus longtemps, pousser plus lourd etc etc et manger de moins en moins jusqu’à ce que je m’épuise, totalement…(plus tard)

(NB : ne dite jamais à une fille/femme qu’elle est grosse ou du moins mesurez les conséquences que cela peut avoir derrière ou un homme d’ailleurs)

Début d’année 2020 tout allait très bien, j’ai repris une énième fois la course à pied mais ça semblait « tenir », j’ai donc été m’entrainer en Espagne plusieurs semaines et tout roulait. Bon même s’il y avait pas mal de volume d’entrainement, les conditions étaient parfaites et il y avait le temps pour le repos et les soins. Je sentais les progrès se faire petit à petit, enfin !

Fin mars je commençais à avoir de nouveau des douleurs à la hanche et au dos, toujours pareil…

Le confinement arrive mais je passe rapidement sur cette période. Plus possible de courir donc je me jette sur l’idée d’occuper mes journées entre Home Trainer (HT) et renforcement musculaire. 2 mois plus tard il n’y a toujours aucune amélioration !

Eté 2020 tout pareil, je tente, j’ai mal, j’attends, je re tente, etc… Le vélo devient un exutoire où je me sens bien, trop bien…pour partir faire des sorties de plus en plus longues (4h, 5h, 6h plusieurs fois par semaine) en plus de la natation, du renforcement musculaire, des randos / marches. Rentrer de ces sorties et manger 1 œuf, 1 yaourt, une pomme et quelques noix…

Je commence à me rendre compte que tout ça n’est pas « normal », je fais appel à une diététicienne nutritionniste. Le bilan n’est pas optimal entre les apports et les dépenses. Le déni n’est plus possible, je commence alors tout doucement à mettre en place ce que je savais déjà et ce que la diététicienne m’a rappelé

Entre octobre et décembre j’arrive à un point où je n’en peux plus, ma douleur est constante du matin en me levant, au soir en me couchant…même allongée elle est toujours là, toujours présente. J’en pleure au téléphone tellement cette sensation me hante. L’humeur en prend un coup, l’envie de ne plus voir personne, rejeter tout en bloc, car rien ne me soulage. J’étais plus qu’irritable à cette période. Décembre un mois déjà particulièrement difficile mais cette année encore plus, loin de tout !

Je teste différentes méthodes pour me soigner : ostéopathie, thérapie manuelle, etc… Je remercie chacun d’eux pour leur aide précieuse mais rien ne change, je ressens un soulagement sur le moment mais la douleur revient encore et encore…

Finalement fin décembre, lorsque je rentre à Clermont-Ferrand (ma ville d’origine), je décide d’aller voir un médecin du sport car je ne supporte plus rien (meilleure décision que j’ai pu faire). Consultation le 31 décembre (euh oui les médecins ne sont pas des fainéants !). Je repars avec une ordonnance pour une IRM et des séances de kinésithérapie. Je fais l’IRM la semaine suivante : œdème osseux, ok. Mais on va faire un truc plus précis quand même donc une scintigraphie. Ok, passage la semaine suivante, bon c’est un œdème osseux au niveau du col fémoral d’intensité modérée. Ah ouais !

Question du médecin du sport à la visite suivante : « Mais sinon Marine au niveau hormonal etc ça va ? » « Ben non, ça fait 2 ans que les cycles ne sont pas réapparus. J’ai essayé d’en parler avec les médecins mais « ça reviendra, c’est juste parce que tu fais beaucoup de sport », ils m’ont dit j’ai essayé des traitements etc rien ne fonctionne. »

Ah oui et j’oubliais de préciser que plus je faisais des heures moins je mangeais, ce qu’aucun médecin ne décelait. Oui parce que quand quelque chose est ancré dans votre tête, ça ne part pas comme ça, faut pas rêver ! (cf plus haut !)

Ne pas avoir des cycles réguliers (les femmes/les filles) n’est NORMAL, NON ! C’est cool au début on se dit que c’est « plus pratique », que c’est « ça de moins à gérer » mais c’est notre santé qui est en jeu, bien plus qu’on ne le pense à cet instant. J’avais déjà beaucoup lu sur ce sujet, tout en pensant ou en refusant de penser que j’étais dans ce cas-là. Perte de densité osseuse en premier lieu et tout un tas d’autres conséquences. Je savais ce qu’il fallait faire, entreprendre un changement, déjà au niveau alimentaire mais aussi réduire l’activité physique…chose faite naturellement par la douleur pour l’activité physique. En revanche allez expliquer à une fille de 22 ans qui est « grosse » qu’elle doit manger du gras et qu’elle doit manger plus pour faire fonctionner correctement son organisme ! Le dérèglement hormonal vient souvent un % de masse grasse trop bas ou d’une restriction alimentaire et/ou d’une charge d’entrainement trop importante ou les trois en même temps aussi, aussi appelé « triade de l’athlète ». Pourquoi on n’en parle jamais ? Parce que c’est tabou, faut pas parler de ça gnagnagna… Mais oh réveillez-vous ! C’est la santé des femmes sportives qui est parfois en jeu dans ce type de cas !

Bref. Désillusion complète. Je pensais pouvoir progresser mais finalement je me détruisais…je voyais de plus en plus que j’avais dû mal sur mes séances d’entrainement. Durant toute cette période j’ai eu de gros troubles du sommeil (parfois je dormais seulement 3-4h par nuit, soit quasiment la durée des entrainements la journée), j’avais tout le temps froid, je perdais de plus en plus confiance en moi, je me comparais et je me trouvais de plus en plus grosse. J’étais de plus en plus irritable, de mauvaise humeur et donc difficile à vivre. J’étais dans ce fameux cercle vicieux. Ce sont quelques signes possibles. Petite précision sur le sommeil, il est extremement important dans la pratique sportive (et dans la vie en générale aussi). Il fait parti du premier socle de la pyramide si l’on souhaite être plus performant.

Je tiens à remercier le Dr BRIDON du CHU République à Clermont-Ferrand, Thomas Lorblanchet (kinésithérapeute) et la structure UTSA pour leur accompagnement. J’espère que la reprise sera pour bientôt même si cette saison restera sûrement très tranquille… Bien que l’on guérisse généralement d’une fracture de fatigue en 3 mois environ, le contexte général joue beaucoup. Dans ce cas, l’accompagnement nécessite d’être un peu plus long.

https://www.utsa.fr/

Quand on comprend l’impact de l’entrainement et que m’on se dit entraineur (surtout si on entraine une jeune fille ou femme), il ne faut pas hésiter pas à poser tout un tas de questions, pas seulement sur l’aspect de l’entrainement (car on n’entraine pas une fille/femme de la même manière qu’un homme) mais aussi sur la vie générale et l’hygiène de vie. Tout cela pour ne pas reproduire ce type de situation.

Début février je pars donc sur le protocole de reprise en course à pied transmis par Thomas Lorblanchet. J’avoue que les premières « sorties » ne sont pas très motivantes…voire pas du tout…sortir courir pour 5 minutes au total ? On rajoute une minute, puis une autre…Mouais…Je le suis à la lettre, je me raccroche à l’idée de pouvoir recourir normalement un jour ! Je poursuis aussi vélo et natation. Cette routine se met doucement en place, « une mini contrainte un peu tous les jours ». Je crois que ce protocole m’a aussi permis de voir les semaines passées plus vite. Je me disais « ah j’en suis déjà au milieu de la semaine ! ». Mentalement ça m’a aidé à avancer.

Evidemment, côté santé, « ton corps c’est pas on/off » (dixit Dr Brindon). Mes cycles sont revenus mais c’est très irrégulier, environ une fois sur deux. J’ai aussi remarqué que mon corps fonctionnait seulement lorsque je suis dans un endroit où je me sens bien, relaxé et apaisée. Je me rends alors compte que le corps est une machine incroyablement complexe à gérer, de part ses adaptations mais aussi les émotions. Même si extérieurement je paraissais en « bonne santé », l’intérieur n’était pas beau à voir : fatigue, densité osseuse basse, etc..

Niveau entrainements j’ai énormément perdu…cet hiver a été très difficile. J’ai eu l’impression d’avoir vécu une descente et de n’avoir toujours pas remonté la pente. La descente est beaucoup plus rapide que la remontée. La motivation et le moral en avaient pris un coup. Je perds confiance et puis je ne connais plus aucune de mes allures, puissances… Dans cette période, je pense qu’il faut vraiment être bien entouré. J’ai la chance d’avoir eu un soutien familial important et une équipe médicale à l’écoute que je ne remercierai jamais assez. Très sincèrement l’entourage joue un rôle primordial. Je cite ici aussi mon Papa qui a été un énorme soutien pour moi ces derniers mois. Plusieurs fois j’ai cru tout abandonner, mais il m’a toujours rappelé que « je suis bien plus solide qu’un os ! ». Ma formation au sein du CREPS m’a aussi aidé.  Le soir je me retrouve avec les membres de ma formation pour manger. Je ne suis pas seule face à mon assiette, à me demander « Combien il y a de kcal dedans ? » et si je « mérite » ces apports-là par rapport à la journée que j’ai faite…oui oui j’en étais bien arrivée à ce point-là et je sais que plusieurs personnes se posent sûrement la même question.

En janvier, j’avais pris contact avec la société IRONMAN afin de décrire la situation (en plus de la situation Covid très compliquée) et de demander s’il était possible de reporter ma qualification au Championnat du Monde 70.3 à 2022 (à la base je devais y participer en 2020 suite à une qualification au 70.3 de Vichy en 2019). Je voulais être sûre que la densité osseuse soit revenue à un stade correct pour ne pas refaire la même erreur. Ma proposition a été accepté, je partirai donc en Nouvelle-Zélande à Taupo en décembre 2022.

Suite au protocole de reprise j’étais contente de revenir au cabinet PhysioClermont avec cette idée de pouvoir enfin reprendre normalement. 

Avec Thomas, on discute donc pour construire un cycle de reprise test et d’arrêter de « faire des heures pour faire des heures » (de sport, vélo notamment). Je commence le nouveau cycle mais dès le milieu de la première semaine, des douleurs reviennent…j’en viens à pleurer, cette fois sur le vélo… De quoi exactement ? Je ne sais pas, la douleur est finalement la même qu’avant mais surtout je n’en peux plus ! Le ral-le-bol s’installe, j’en viens à penser que cette blessure ne me laissera jamais tranquille, que j’aurai mal toute ma vie. Encore cet œdème ? Le doute s’installe, les questions reviennent dans ma tête, tout cela tourne beaucoup là-haut. « C’est rien, ça va passer. » vous savez cette phrase qu’on essaye de vous dire pour vous rassurer. Ce que je réponds « Vous avez déjà été blessé pendant 2 ANS ??? ». Non. 

Petit retour en arrière donc mais je fais confiance à l’UTSA et PhysioClermont. Je reprends la course / marche. On suppose un autre petit souci beaucoup moins grave qui nécessite seulement quelques semaines étirements pour se remettre en place. Ouf ! La guérison d’une blessure n’est pas linéaire, on le sait tous, mais on espère tous qu’on ne reviendra pas en arrière.

Aujourd’hui, j’en suis encore au stade de ré apprendre à s’entrainer, de constater que « ah finalement je n’ai pas eu mal durant la séance ! ». Je me laisse encore quelques mois pour solidifier tout cela mais j’aimerai vraiment reprendre un entrainement structuré. Bien que j’aie quelques connaissances en entrainements, je n’arrive pas à me les appliquer à moi-même. J’ai un caractère plutôt perfectionniste et « jusqu’au boutiste ». Mes proches peuvent le confirmer. C’est un trait de caractère compliqué, je le conçois. J’ai donc ce besoin d’être freinée, canalisée, pour éviter d’en « faire trop ». Je sais qu’il faudra repartir simplement sur de bonnes bases pour construire la saison prochaine et apprendre à refaire confiance. Je souhaite aussi diversifier un peu ma pratique, trouver d’autres objectifs dans d’autres disciplines pour, je l’espère, me mettre moins de pression. Le triathlon est un sport que j’adore mais plus on se sent bloqué dans un sport, plus on se met la pression justement : aller plus vite, être plus fort, avoir plus de « watts », etc…

Prendre le temps d’essayer d’autre chose, se voir progresser dans d’autres domaines, cesser de se comparer aux autres, constater et apprécier ses progrès, être bienveillant avec soi, n’est-ce pas ce qu’on devrait faire normalement ?

Mentalement, il est vrai qu’on ne ressort pas « guéri(e) » une fois que la blessure sera partie. Une petite voix intérieure rappellera parfois « t’étais mieux avant ! tu sais quand tu ne mangeais presque rien mais que tu étais capable d’enchainer les kilomètres ou les heures, à pied, à vélo, en nageant ». Encore aujourd’hui, mettre de l’huile dans mon assiette quand cette petite voix est là reste difficile. Je fais parfois semblant d’oublier d’en mettre. Pour le côté sport, je souhaiterai aussi me détacher un peu de mon propre entrainement. C’est une façon pour moi de me sortir de ce cercle vicieux. Trouver d’autres projets, les mettre en œuvre, développer des idées, créer de nouvelles choses, en parler, partager du temps avec les gens qu’on aime et rencontrer de nouvelles personnes, tout cela pour aller vers un cercle vertueux !

Une dernière chose, prenez un instant, et pesez-vous la question suivante : le bonheur est-ce de se voir de plus en plus fin(e), de vouloir être de plus en plus sec, de se voir dans le miroir complètement fatigué(e) ? Ou est-ce de pouvoir finir une bonne séance à la bataille avec les copains, sentir qu’on a pu aller jusqu’au bout, sentir qu’on a tout donné ? Je vous laisse réfléchir là-dessus .