Quand des amis discutent, il arrive que des sujets farfelus sortent et n’aboutissent jamais. De temps à autre, il en est un qui finit par voir le jour. « Et, si un jour, on faisait le Mont-Blanc ?» m’a-t-il dit. Je ne saurai dire ce que j’ai marmonné, mais au fond de moi, je savais que ce projet m’excitait au plus haut point. Il me terrorisait au moins autant.
De temps en temps, le sujet revenait sur le tapis sans qu’une date ne se fixe. Jusqu’au jour où les planètes s’alignèrent. Ce serait donc pour la fin août 2019. Il nous reste huit mois pour nous équiper et nous préparer. Enfin, la préparation et moi, ça fait deux alors je m’équiperai surtout.
Les premiers contacts avec notre guide se nouent. Les sacs se remplissent du matériel nécessaire. Les refuges sont réservés. Les interrogations pleuvent, mais impossible d’avoir toutes les réponses. Nous le saurons le jour J en espérant avoir paré toutes les éventualités. Après un dernier meeting avec mon comparse à Décathlon et l’achat, ô combien précieux, du drap de soie, nous sommes prêts. Sans l’être vraiment.
Premier rendez-vous important. Dimanche soir. Vérification par le guide des sacs et de leur contenu. Ça oui, ça non, ça c’est trop chaud, ça c’est bon, ça c’est pas bon. Après une bonne vingtaine de minutes de passage en revue, on en sait un peu plus, mais il reste toujours quelques inconnus. On en saura sûrement encore un peu plus après la randonnée d’acclimatation à l’Aiguille du Midi, prévue demain matin.
Réveil matinal pour prendre le téléphérique. En haut, nous chaussons tout de suite les crampons, la météo est idéale, le ciel bleu azur. Dès les premiers pas, la magie opère. Être là, c’était impensable il y a quelques années. Nous sommes encordés et, même si l’on sait que c’est essentiel en matière de sécurité, on sait qu’il va falloir être très vigilant et avancer en cohésion. La randonnée glaciaire du jour nous amènera du côté des pointes Lachenal, puis sur une séance d’escalade en chaussures d’alpinisme sur l’arête des Cosmiques. Ce sera également l’occasion de faire découvrir le Géocaching au guide et de loguer la cache du Refuge des Cosmiques. Au bout de cinq heures de marche, l’initiation prend fin. Demain, c’est le grand jour !
Le soir, Micka checke son sac. Je sais pertinemment que même si je le fais le soir, je le referais le lendemain matin. Alors, je choisis de … ne rien faire. Le matin venu, je checke mon sac. Malheureusement, je réussis à l’organiser trop rapidement. L’attente peut débuter. La matinée fut interminable, les silences nombreux, les questions également.
12 h 30. Rendez-vous au pied du téléphérique de Bellevue. L’aventure commence vraiment. Il nous faut ensuite attendre le train pour rejoindre le Nid d’Aigle à 2 372 m. L’objectif du jour est d’arriver au Refuges des têtes rousses à 3 167 m. Nous mettrons deux heures pour faire ces 800 premiers mètres de dénivelés. La forme est là. L’enthousiasme aussi, même s’il est un peu effacé par la concentration. Nous savons que la journée risque d’être compliquée. Il n’y aura pas de fioriture ce soir. Bière, repas, dodo. En langage « refuge », ça veut dire qu’à 20 h 30, on est pieuté. Réveil à 4 h 30 comme excuse.
Le réveil n’est pas dur. Le petit-déjeuner vite avalé et à 5 h, nous voilà déjà avec les frontales à affronter Le Mur. 900 m de denivelé en mode escalade/via-ferrata sans autre sécurité que le fait d’être encordés et de nuit. Le fameux couloir du Goûter n’est qu’une formalité. Ça commence déjà à piquer un peu plus dans les cuisses, mais ce n’est qu’un échauffement pour la suite. Arrivés vers 7 h au Refuge du Goûter à 3 815 m, nous reprenons un petit-déjeuner. De mon côté, je me la joue salé et préfère le fromage tandis que Micka est plutôt sucré. Une petite pause d’une heure puis c’est le moment de s’équiper en ne prenant que le strict nécessaire pour la dernière étape de montée.
La plupart des cordés ont renoncé et tenteront plutôt l’ascension le lendemain. Pour tout dire, nous ne sommes que deux cordés, sur ce créneau à faire l’ascension. Les autres ont estimé que le temps n’était pas assez bon. Peu d’hésitations chez Michel, nous lui emboîtons le pas. Le rythme est assez rapide. Trop pour moi. Mon corps grince, je grimace et commence à râler. Une habitude quand ça devient compliqué. Mais une autre habitude est que je ne lâche jamais. Mon comparse, lui, se sent mieux que moi. Sans qu’il le sache, ça me pousse.
Nous passons le Dôme du Goûter et, donc, le cap des 4 000 m. Nous faisons, ensuite une halte bienvenue au Refuge Vallot. Pas longue mais vu le froid qu’il y fait, c’est sans doute mieux. Le guide hésite à poursuivre en raison de la météo et de mes difficultés actuelles. Après l’avoir rassuré et lui avoir assuré que je ne lâcherai, nous reprenons, donc, la marche en avant. J’ai décidé de me mettre dans les pas de Michel et de ne plus réfléchir ni lever la tête. La poudreuse tombée la nuit précédant notre venue n’aide vraiment pas à bien progresser.
Malgré tout, nous arrivons au sommet après quatre heures de montée depuis le Refuge du Goûter. Il est 13 h ce 28 août 2019, le temps n’est pas radieux. Nous sommes fatigués mais remplis de joie car NOUS SOMMES AU SOMMET !