Mieux vaut tard que jamais!
Hier en faisant le ménage de mon ordi, je suis tombée sur un récit inédit, celui de mon aventure UTHC 2017. Bonne lecture!
22 h 30, je me lève. Ça peut être normal pour quelqu’un qui travaille de nuit, sauf que je ne travaille pas de nuit.
Je m’en vais courir.
Dans le bois.
Pendant 117km.
On est le 9 Septembre 2017 et dans quelques heures je vais prendre part à l’UTHC, l’utra-trail Harricana du Canada : 117km dans les sentiers de Charlevoix.
À 1 h 30, nous sommes 168 à écouter les consignes de la course. Je trouve que tout le monde à l’air en forme : sauf moi. «Je me sens comme une patate», dis-je à mon amie Tania.
2 h du matin; c’est le départ. Ça commence avec un 20 km roulant sur l’asphalte et la terre battue. «Fafa bébé», comme dirait une des clientes que je supervise en entraînement.
C’est à ce moment-là que commence la partie de plaisir :les trails, les vraies. Le bois clos éclairé seulement par la lumière de nos lampes frontales.
Je passe le deuxième ravitaillement (9 en tout) côte à côte avec la deuxième fille. Je me sens bien mais je veux me garder du jus. Voyant qu’elle accélère, je la laisse aller. C’est la première fois que je cours une si longue distance, donc, je préfère être conservatrice.
À 6 h 30, j’éteins ma frontale. La lumière du jour étant suffisante pour éclairer le chemin. Cela fait maintenant 4 h 30 que je suis ‘en route’. Les jambes sont encore en bonne santé. Je vois les pancartes des km affichées en decrescendo. Plus que 86 km, plus que 85 km, plus que 84 km. Good, il ne me reste que l’équivalent de deux marathons à faire!
Mais les jambes commencent tranquillement à s’alourdir. Les montées ne sont plus faites à la course mais bien à pied. Parfois, je marche même sur le plat. Pas le choix quand il reste encore un bon Amos- Val d’Or! Je m’alimente des barres et gels que j’ai dans mon sac d’hydratation.
Vers 9 h 30, j’entre dans le parc des Hautes Gorges de la rivière Malbaie. Sublime. Un drone me filme, je lui fais des coucous. J’arrive au ravitaillement #4, 55km après la ligne de départ. Un beau et gros ravitaillement. Je prends mes usuels 3 quartiers d’orange et je remplis ma gourde de coca-cola (pratique courante, le coke, dans les ultras). Pas le temps de niaiser. Mon dropbag (sac avec du linge de rechange ainsi que de la bouffe supplémentaire) m’attend au ravito #5, 6km plus loin.
Ravito #5. Une mini-tente, 2 dames avec de l’eau et des bananes.
‘Les dropbag sont ou?, je demande, avide de boire mon seven-up.
Oh, ils étaient au ravitaillement précédent!’
Erreur de débutante de ma part. J’ai complètement oublié de vérifier à quel ravito étaient les dropbag. Je me suis fié à ce que j’avais entendu dire au lieu de vérifier par moi-même.
C’est là que mon moral tombe à plat. J’ai encore de la bouffe mais pas assez pour le reste de la course. Je vais devoir m’alimenter plus dans les ravitos restants en espérant que cela soit suffisant. Une brûlure au dos commence aussi à m’incommoder. J’ai fait l’erreur (une autre) de mettre un chandail ouvert en arrière. Avec mon sac d’hydratation qui frotte direct sur la peau, je vous laisse imaginer la suite.
Je commence donc le tronçon de 15,4 k qui m’amènera au prochain ravito, un peu démotivée. Et ça ne va pas en s’améliorant. En effet, deux mots me viennent en tête quand je repense à ce tronçon : roches et bouette. Je n’ai jamais vu autant de bouette dans ma vie. À un moment donné, j’ai même calé dans un trou jusqu’aux hanches. C’est aussi le tronçon où je me suis sentie la plus seule. Je n’ai vu ni croisé personne.
2 h 30 plus tard, j’arrive finalement au ravito #6. J’explique ma mésaventure du dropbag aux bénévoles et je me fais aussitôt donner des gels par deux coureurs qui ont choisi d’abandonner la course. Je mange seulement à nouveau des quartiers d’orange et je refile un coca-cola. Petite note pour dire que, hormis le ravito #5, tous les autres sont super bien garnis en fruits, soupe, fromage, jujubes, gnocchis, chocolat, pretzels et autres.
Donc, mauvaise idée, celle de ne pas manger.
Je peine à avancer dans le tronçon suivant qui a pour phrase clé : « Mais qu’est-ce que je fais ici?» De plus, mon arme secrète, mon ipod avec ma musique ‘boom boom’ qui fait courir plus vite, vient de rendre l’âme.
18,4 km plus tard, j’arrive, saine et sauve mais sans énergie, au ravito #7. Je décide de manger des gnocchis que je boude depuis le début de la course mais qui ont vraiment l’air délicieux rendue au stade ou j’en suis.
Note à moi-même, manger de la vraie bouffe à mon prochain ultra. Les gnocchis m’ont redonné vie! Mais ça n’a pas duré longtemps vu le manque d’énergie que je traîne depuis un bout déjà.
Je passe le cap des 100 km!! Malgré la fatigue, je souris. Je commence à réaliser que je vais me rendre à la fin de cette course, et dans les délais que je voulais en plus.
Avant dernier ravito, je vois finalement des ambulanciers. Je leur demande de faire quelque chose pour mon dos qui me fait souffrir. C’est à ce ravito où je passe le plus de temps. J’en profite pour jaser avec les ultra-bénévoles. Sans eux, pas de course!
Blessure patchée, je m’élance vers le dernier ravito. Je passe la pancarte kilométrique à un seul digit, 9km! Le soleil se pointe le bout du nez et je suis bientôt rendue à la ligne d’arrivée.
Le ravito #9 ne se fait pas attendre. Après lui, ce n’est presque que de la descente. Mais courir en descendant avec les jambes fatiguées c’est presque plus dure que sur du plat.
3 km
2 km
1 km
Moins d’un kilomètre avant la ligne d’arrivée. J’entends la musique et les voix.
400 m
Je ‘vois’ la musique, je vois les gens, et je vois, surtout, la ligne d’arrivée.
Même si je n’ai plus la force pour courir, je cours.
Je suis arrivée.
J’ai terminé l’UTHC!