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Mon retour sur mon QMT50km

Je ne sais pas si je dois dire : DNF (Did not finish) ou TRTLMF (They refused to let me finish)? Pour la première fois de ma vie, je ne me suis pas rendu à la fin d’une course à laquelle j’ai pris le départ. Malgré une certaine déception, il me faut accepter la situation et construire positivement sur cette expérience.

Il est 4 h 00 du matin. Mon réveil-matin sonne. Je ne suis pas le plus rapide le matin.  Dans une heure, je dois quitter la maison pour me rendre au pied du Mont Sainte-Anne où nous attendent des autobus qui nous mèneront au village de Saint-Tite-des-Caps. Départ à 6 h30.  Je monte avec P-O et nous discutons de tout et de rien. Dans l’enclos du départ, tout le monde est d’heureux et fébrile.  Nous avons tous hâte d’affronter ce nouveau parcours.

Sans trop d’artifice, le départ est donné après quelques notes d’une pièce de Rush.  C’était peut-être un préambule à ma journée, mais j’ai toujours détesté ce groupe. C’est donc une montée de 1.4 km de pavage qui nous attendait, question d’allonger un peu le groupe de 300 coureurs. Par la suite, nous avons longé la route 138 sur presque deux km sur un petit « single track ». Nous aurions peut dépasser aisément, mais il semblait y avoir une certaine gêne. C’est donc à la queue leu leu que nous avons avancé d’un pas très saccadé. C’est seulement au moment de quitter la 138 que j’ai pu doubler quelques coureurs et trouver mon élan dans une longue descente large. Ce soulagement fut de courte durée, car moins d’un kilomètre plus loin, nous étions de retour sur un sentier étroit limitant grandement les dépassements. Rajoutez à ça une quantité incroyable de boue et quelques gros arbres morts couchés au travers du sentier.

Nous sommes finalement arrivés au célèbre sentier Mestashibo en passant par une longue descente où le rythme a grandement diminué vu la difficulté technique et la pente abrupte.  Quelques pas plus loin, nous étions de passage sur notre premier pont suspendu. Je n’ai pas vraiment pris le temps d’admirer le paysage. Nous étions encore trop serrés et les choses ne se sont pas améliorées au moment de tomber dans les sections cassantes du sentier. C’est dans l’une de ces montées techniques aux pierres roulantes que plusieurs coureurs sont passés tout droit sans remarquer la signalisation (qui était sans faille, à mon humble avis).  Heureusement pour moi, je n’étais pas de ce nombre. Ce genre de situation doit tellement faire mal au moral.

13e kilomètre. Me voici rendu au 1er ravito. Le moral et l’énergie sont encore au rendez-vous. J’ai réussi à tenir ma place. Je mange un peu, mais très peu, car j’ai peur de choquer mon estomac. Je refais mes réserves d’eau aussi (2 gourdes de 500 ml).  Pas le choix. Il fait très chaud et je suis arrivé tout juste correct à ce ravito. Ça s’annonce peut-être mal pour le reste de la journée, mais il me reste deux petites gourdes de 250 ml dans mon sac. Avec un peu de recul, j’aurais peut-être dû prendre un peu plus de temps à ce ravito, mais voir les  autres coureurs arriver et repartir m’a stressé un peu.  Je ne voulais pas me retrouver avec un trop grand nombre de dépassements à refaire.

La suite du sentier est un peu floue dans ma tête. Je dépasse des coureurs et ceux-ci me repassent plus loin. L’on joue un peu au yo-yo. Tranquillement, j’ai de la misère à tenir la cadence. Le pas devie nt plus lourd. J’ai chaud et… BANG!  Me voilà sur les fesses. Je viens de glisser d’un peu plus qu’un mètre sur la roche mouillée et vaseuse. Tout semble OK, sauf une petite douleur au poignet gauche qui finira par passer.

À partir du kilomètre 17,5, la pente remonte tranquillement. Je marche de plus en plus. Le moral commence à défaillir. Je dois vraiment puiser au fond de moi. Dans le passé, j’ai remarqué que cette distance est vraiment mon mur. C’est aussi à quoi correspond mes longues heures à l’entraînement. Il me faudra ajuster ça dans le futur.  Passage près d’une route, passage dans un énorme ponceau sous cette route et soudainement, me voici sur du pavage. Je connais cette route. Nous sommes qu’à quelques minutes du MSA. Quelle joie malgré que cette dernière section demande un peu de travail. À ma surprise, comme je peux voir un peu devant moi, je ne suis pas seul. Nous devons être une vingtaine de coureurs relativement rapprochés. Je n’avais pas cette impression, il y a quelques minutes dans les sentiers.

Me voici sous la tente du ravito du MSA. J’ai récupéré mon « drop bag ». Tout va vite.  Les coureurs s’activent à se nourrir, s’hydrater et à repartir le plus rapidement possible. De leur côté, ces chers bénévoles s’occupent des demandes de chacun.  Finalement, dans un coin, il y a de jeunes étudiants en podologie qui s’activent pour soigner les pieds de deux coureurs. Finalement, mon regard se pose sur un coureur isolé sur une chaise. Son regard est vitreux et perdu au loin. Facile de voir le combat qui se passe dans sa tête :  « je continue ou je termine ici? ». Après quelques instants, il se lève et retire son dossard avant d’aller voir une des responsables. Je suis affecté… je venais d’arriver avec lui. Rapidement, je chasse les idées qui me passent par la tête.

Je change mes souliers, mes bas et mon chandail. Je sors mes bâtons aussi. Je vérifie qu’il me reste de quoi manger. À ma surprise, je constate que je n’ai pas mangé grand-chose. Pourtant je cours depuis 3 h 45. Il flotte une odeur de hamburger sous la tente, mais je n’ose pas en manger un. Mon estomac me semble plein. Plein d’eau. J’ai tellement chaud et soif. Au mieux, je parviens à manger quelques morceaux de melon et d’orange. Je sais que je ne dois pas suite à mes expériences du passé, mais c’est tout ce que je vois sur la table. J’aurais dû me concentrer sur les petites patates, peut-être?

Après 20 minutes, j’envoie un texto à ma copine pour lui dire que ça va bien et je pars à l’attaque du monstre nommé la Crête. Pendant ces 20 minutes, j’ai souvent pensé arrêter, mais j’ai repensé à mon ami Samuel et je me suis dit que je me devais d’aller affronter ce monstre, comme lui combat sa maladie.

Il fait très chaud et je me lance dans une montée de 2.3 km pour 630 m de D+.   Rien n’est gagné. Tranquillement, je remonte quelques coureurs. Les bâtons m’aident beaucoup. Rendu à la moitié, je prends une minute pour m’assoir. Malheureusement, le brouillard m’empêche de voir l’immensité du paysage qui devrait s’offrir à nous.

La prochaine section se passe relativement bien, mais je vois mes réserves d’eau diminuer plus rapidement que j’avance. Au moment de voir le chalet du sommet, nous sommes au gros soleil. C’est presque l’enfer ici. Je fais quelques pas et je me dois d’arrêter pour respirer. J’aimerais me coucher dans l’herbe quelques minutes, mais j’ai peur de tomber endormi au gros soleil. Devant moi, un autre coureur semble avoir beaucoup de difficulté. Je le dépasse et lui dis que je l’attends en haut à l’ombre du chalet. Au fond de moi, je souhaite trouver un robinet extérieur.

Finalement, après 50 minutes de montée, je parviens à me trouver un coin d’ombre.  Malheureusement pour moi, cette année, l’organisation n’a pas mis de ravito ici. Je dois encore faire près de 6 km pour avoir de l’eau. Je me demande comment je vais faire. Je tente de trouver un  peu de force en mangeant un gel caféiné, juste avant de voir mon collègue de la montée arriver. Il a vomi deux fois pendant celle-ci, mais il me dit qu’il va bien. 15 minutes et plusieurs coureurs passent. Je finis par trouver le courage de me relever en me disant que je me devais d’avancer.

Les prochains mètres de sentier sont très faciles comparés à la montée et je me surprends même à jogger un peu. Quelques minutes plus tard, je passe devant l’arrivée des télécabines en haut de la montagne. Je me dis qu’il serait si facile d’y entrer et redescendre au bas de la montagne tranquillement. Encore une petite pensée pour Samuel et je continue mon chemin en suivant les petits fanions qui me dirigent vers la descente. OUF!!! Normalement, j’aurais tenté d’ouvrir la cadence vu qu’il n’y avait aucune technicalité, mais mes jambes ne voulaient pas collaborer.

Je descends et je descends encore. Je réussis même à dépasser un autre coureur. Au moment de tourner à ma droite sur un chemin de service, je me dis que je pourrais continuer à descendre, mais je ne sais pas trop où je suis dans la montagne.  Tranquillement, je marche/jogge sur le large chemin de service. Je porte une attention particulière à tous les bruits qui m’entourent. Je cherche un ruisseau, je veux me rafraîchir. Heureusement pour moi (et mon compagnon de sentier qui vient de me rejoindre)  l’objet de mes désirs surgit devant moi. Quel bonheur! Après quelques instants, nous repartons ensemble. Nous savons que la 2e montée n’est pas très loin et c’est là, que je mentionne à voix haute que je n’irais pas plus loin que le prochain ravito. Je me dis que la prochaine montée sonnera la fin de ma course. Et j’avais tellement raison.

L’organisation décide de nous faire passer par le Sentier des pionniers.  Heureusement pour nous, celui-ci se trouve sous les arbres, mais il est très technique avec toutes ses pierres et ses racines. Je vois aussi que mon copain de trail commence à souffrir dans cette montée et que ses réserves d’eau diminuent grandement. Il m’est impossible de l’aider, je n’ai plus d’eau aussi. Je lui mentionne aussi le fait que nous allons sûrement avoir un problème avec la barrière horaire (cut-off) une fois au ravito. Voilà une nouvelle qui n’aide pas son moral.

Après plusieurs arrêts, je n’en peux plus et je prends les devants. Il me faut avancer.  Il me faut finir au plus vite malgré le manque d’énergie et la douleur. Je réussis même à revenir sur la coureuse qui est devant moi jusqu’au moment où elle disparaît au-travers d’un détour caché par une série de petits arbres feuillus. C’est à ce moment que j’entends des applaudissements et des cris. Nous sommes enfin arrivés à ce 3e ravito.

Mentalement je me prépare à dire au bénévole que je n’irais pas plus loin aujourd’hui.  À ma grande surprise, je suis accueilli par Jean-Mathieu (de Dans.mes.shoes) et son large sourire. J’ouvre la bouche pour lui annoncer mon DNF et c’est là qu’il m’annonce ce que j’avais imaginé :  je n’ai pas fait la coupure. Je devais être au ravito avant les 6 heures de course. Je suis arrivé 39 minutes trop tard. 20 minutes de pause au ravito MSA et 15 minutes en haut de la Crête, voilà peut-être ce qui m’a tué. Mais au fond de moi, j’ai encore l’idée que je n’aurais pas été plus loin ou du moins, c’est ce que je me dis. Pourtant… quelques jours plus tard, je me demande si je ne serais pas reparti avec mon partenaire de montée. On ne sait jamais…

C’est donc avec un peu de regret que je reviens sur cette course. J’accepte bien le tout, mais je me demande souvent si je vais vouloir y retourner l’an prochain pour terminer ce nouveau parcours. Je ne peux pas dire que j’ai adoré les premières sections où nous étions à la queue leu leu, mais dans l’ensemble, le sentier est vraiment agréable et diversifié. Je vais laisser tomber la poussière, me reposer et me concentrer sur mes prochains objectifs. Dans quelques mois, je prendrai une décision :  y retourner ou non? Sinon m’attaquer au 80 km et éviter ainsi la montreuse Crête.