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Une journée pas comme les autres…

L’année dernière nous avons fait le Défi des 5 Sommets dans la même journée et ça avait été toute une journée. Plus de 50km, 3000m D+, plus de 10h de course. On avait terminé ça dans l’euphorie en descendant le Liguori à la frontale. Cette année, dans le but de conclure ma préparation pour UTHC 125 nous voulions refaire le même défi, mais en version personnalisée cette fois. On changeait les montagnes qu’on avait moins aimées; 2. Le Dôme et Le Menaud. Donc, 3 d’entres elles étaient connues. Le Morios, L’Acropole-des-Draveurs et le Liguori. En fait 4, car une des nouvelles à l’agenda était le Mont du Lac-des-Cygnes, mais en passant par le Piou. Grosso modo on se prépare une journée similaire à celle de l’an dernier. Moins de déplacement en auto, une petite affaire plus de distance de course et une petite affaire plus de D+. Considérant notre expérience acquise, ce plan semblait donc béton…

La journée : À peu près rien ne s’est déroulé comme planifié !!

1- L’arrivée : Cette montagne qu’est le Mont des Morios est quand même assez reculée dans la forêt. On y accède via des chemins forestiers. Sans trop le savoir, on ne prend pas le même chemin pour s’y rendre. Ça fait un méchant bout qu’on roule, et qu’on roule, dans ces chemins rocailleux. Beaucoup plus long, trop ? On commence à douter. Eureka, on croise une famille en VTT, il était environ 21h+. Méchante luck !! Le monsieur confirme qu’on n’a pas pris le bon chemin pour s’y rendre, mais nous confirme aussi qu’on est tout près. Sur site pour la nuit 10-15 minutes plus tard, soit 21h30, mais on avait du temps en raque, alors not a big deal.

2- La nuit : En arrivant au pied du Morios, on s’installe rapidement pour se coucher vers 22h. On ouvre les portes et tout pour faire nos lits dans la vanne. Issshhhhh, 18 août vs 21 septembre, c’est pas la même chose pantoute pour ben des affaires, mais ce qu’on constate après 3 secondes, c’est que c’est encore la période des moustiques et autres objets volants, certains non identifiés. Je vous jure, c’est pas croyable. À 22h30 on est prêt pour la nuit, mais y a environ 200 moustiques, des petites bibittes volantes que je ne saurais nommer, mouches et autres qui s’enlignent pour nous accompagner dans notre dortoir mobile le temps de quelques heures. La nuit fut courte, très courte… oufff. La montre sonne à 3h23 pour un départ vers 4h. La dernière fois que je regarde l’heure il était 00h23. Je dormais pas à 00h30 je peux vous dire. Au mieux, j’ai dormi 2h. Jasmin pas tellement plus. Il faisait chaud et les moustiques, mouches et autres objets volants ont étés des irritants considérables. J’en ai tout de même éliminé quelques-uns en lisant…

3- Le Morios : Malgré la courte nuit, on se réveille et on déjeune. Une fois les lits rangés, la bonne humeur et l’entrain sont là. On est excité de commencer la journée et le Morios s’était super bien passé… l’année dernière. 4h10, lampe frontale allumée, habillé en court, le vent est chaud, on se lance dans la première ascension de la journée. On devrait en avoir pour environ 1h40 en prenant le sentier « Expert » qui est plus court en km, et probablement en temps aussi. On commence à monter, on arrive à une première fourche. Sans le savoir on est sur le point de prendre une première mauvaise décision. On sait que le chemin « Expert » se prend à gauche. On se dit que la pancarte indiquant le sentier « Expert » doit être tombé ou de quoi. On voit des gros points rouges de peinture à terre, on aurait dû comprendre de quoi. On en est pas à nos premiers km de trail… Ben non, faut croire qu’on était pas encore super réveillé; comme 2 imbéciles on se lance dans le sentier à notre gauche, celui qui était clairement indiqué de pas y aller. J’écris ça et j’ai peine à croire qu’on a vraiment fait ça. On voit bien que le sentier est moins utilisé, la nature reprend sa place tranquillement, mais rien d’anormal… qu’on se dit. Après 15-20 minutes de montée : cul-de-sac !! On cherche la suite du sentier, en vain. « N’a pu, c’est fini ». C’est ici que ça se termine le sentier mon homme !! On sort le GPS (smartphone) pour voir que le sommet est proche devant nous. Ouain… proche sur des images satellites !! Comme une mauvaise décision ne vient jamais seul, on en prend une 2e mauvaise, et pas une petite celle-là: on décide d’y aller et d’utiliser le raisonnement que le chemin le plus court entre 2 points c’est la ligne droite. Sur papier c’est vrai, pas de doute. Dans le bois par contre… !! Pas sur !? On se lance en plein cœur de la forêt, sans chemin, mais « esti » vraiment pas; ça aucun sens; après 30 secondes on aurait dû revenir sur nos pas !! Anyway, trop tard nous avons continué. On est dans les sapins, les arbres dans tous les angles, des buissons de forêt géants… pas des petits buissons de ville là; ceux-là de la forêt ils ne cassent pas. Ils plient un peu et ensuite ils t’arrachent la peau. À chaque pas, on sert les dents et on se grafigne les jambes. On n’a pas l’habitude de voir la forêt sous cet angle car normalement on est dans les sentiers. Là on est.. dedans la forêt !! Il n’y avait pas un seul être humain qui est passé dans les environs depuis… 1 siècle ou 2 certain !! On continue de tout de même de foncer et d’aller vers le sommet. On craint les nids de guêpes, on ne voit pas où on dépose les pieds tellement c’est dense. On est trop enfoncé pour rebrousser chemin. Notre seule option est de se rendre en haut.  

Bref, on fini par arriver au sommet, tout de même soulagé d’y être parvenu. On aurait pu facilement arriver face à un cap de roche et devoir le contourner sans savoir où ça se termine. Mettre le pied sur un nid de guêpes sans pouvoir partir à la course et se sauver. On en revient pas. C’était vraiment innocent ce qu’on a fait !! Mais pendant tout ce temps, ni un ni l’autre avons bougonné, chialé, sacré, etc. Tous les deux, avons gardé l’attitude qui nous permettait de continuer d’avancer dans le calme et la zénitude. De part et d’autre on tentait de trouver des éclaircis inexistantes. C’était loin d’être un moment facile, comme ça, à 5h du matin, après 2h de sommeil, on avait chaud, le début d’une longue journée. Encore une fois, notre complicité a eu le dessus. Par contre, avec tout ça, nous avons perdu un temps fou. Plus de 45 minutes.

4- L’Acropole-des-Draveurs : Ça c’était le plan. Question de bien conclure Le Morios de la plus mauvaise façon qui soit, on s’est trompé sur le chemin de la sortie et pris un ou deux mauvais virages sur les chemins forestiers. Ce qui aurait dû nous prendre 10, voir 15 minutes tout au plus s’est plutôt fait en 1h30… On fini par rejoindre une route et on se trouve près du Mont du Lac-des-Cygnes. On est maintenant pas mal en retard sur l’horaire, sur le plan qu’on croyait béton. On décide de skipper L’Acropole, pas le choix. C’est trop loin. On se dit que pour garder les 5 sommets on pourra faire 2x le Lac-des-Cygnes. Pas le plus le fun de faire 2 fois la même chose, mais pas une mauvaise idée en soit dans les circonstances.

5- Le Piou et le Mont du Lac-des-Cygnes : Tout se déroule pas mal comme on pensait ici. Enfin !! Finalement !! Une montée sur un chemin de gravier tout le long, un vrai boulevard, en mesure de courir tout ça jusqu’en haut. On se rend au sommet, admire la vue époustouflante, faut-il l’avouer. On revient à la fourche et on se dirige vers le Piou. Ça, ça été notre gros coup de cœur de la journée. Simplement spectaculaire car une fois au sommet du Piou on court sur la crête pendant 10 grosses minutes certain. C’est tout simplement majestueux de courir sur un sommet et de voir toutes ces montagnes et ces vallées, etc. C’est de toute beauté !! À faire et à voir au moins une fois, probablement 2 même. On continue la boucle de Piou pour revenir à l’accueil. La descente est un sentier très technique, difficile de prendre de la vitesse. Je n’ose pas imaginer de quoi à l’air la montée en sens inverse. Doit être éprouvante !! Aujourd’hui, elle me tenterait pas pantoute…

6- Le Mont du Lac-des-Cygnes : On décide de le refaire une 2e fois afin de continuer vers notre objectif des 5 sommets. Bien qu’il soit encore relativement tôt, on doit rester conscient du temps qui continue de tout de même d’avancer, cet immuable adversaire, intraitable. En se rendant au sommet, on évalue le reste, la suite. On tient à faire le Liguori, le 5e et dernier de la journée. Si on refait la même boucle, on pourrait se retrouver coincer avec les heures qui filent. De plus, la fatigue commence de plus en plus à se faire sentir. La chaleur et l’humidité sont omni présentes, voir écrasantes par moment !! On décide donc de se rendre au sommet et de revenir, sans passer par le Piou, un aller-retour rapide qui nous prendra environ une petite heure. Ça nous laissera le temps d’aller faire Le Mont du Lac-à-l’Empêche et du Four. C’est un long sentier celui-là, et qu’on connaît pas de surcroît, alors vaut mieux avoir une mini marge de manœuvre.

7- Le Mont du Lac-à-l’Empêche et du Four : On se dirige vers l’accueil et le gars nous dit qu’il est un peu tard pour débuter le sentier, qu’il faut prévoir environ 4 à 5h. En tout humilité je lui dis candidement qu’on a fait Le Piou et le Mont du Lac-des-Cygnes en 2h et qu’on fait L’Acropole-des-Draveurs en 2h15 (basé sur nos stats de l’année dernière). Il acquiesce avec le sourire et nous montre sa carte. On jase un peu et en terminant je lui demande quel genre de sentier. Il me dit que c’est à tout fin pratique un copier-coller du Piou !! Ouffff, pas une bonne réponse ça aujourd’hui mon ami. J’aime moins les sentiers trop techniques, où il est difficile d’avoir un rythme et une cadence qui fait en sorte que les bornes défilent à un bon rythme. On se consulte Jasmin et moi. On est tous les 2 fatigués. Les pilules de caféines ne font pas le travail, mais alors pas du tout. Je ne me vois pas courir-marcher dans un tel sentier pendant 3h ou proche. Arrivée tard et épuisé au Liguori qui est quand même exigeant. Après une rapide concertation, on décide de laisser tomber celui-là. Conscient de la chaleur et du manque de sommeil, il est temps de prendre une bonne décision cette fois : au diable les 5 sommets. Allons faire notre préféré, Le Liguori.

8- Mont à Liguori : La chaleur est suffocante !! Fait entre 35 et 40 degrés avec l’humidité. Y a pas d’air. Mais on est motivé, c’est le dernier de la journée, cette journée où à peu près ne s’est déroulé comme on le croyait. Finissons ça en beauté. On devrait en avoir pour un peu plus de 2h. Pas tant que ça. On le connait presque par cœur. KM 2 et 3, très difficiles, ensuite on rejoint la pancarte des 5 sommets un peu plus loin à quelque part entre le km 6 et 7. Après avoir fait la partie roulante des km 4 et 5, on monte et on monte encore. Le connaissais pas tant par coeur que ça finalement. Je pulse en innocent. Je dois faire 170-180. Je supporte ça pendant 15, voir 20 minutes. J’arrive pu à récupérer. Ça fait 6km qu’on est parti. Et soudainement, mon corps me dit que c’est assez !! Les 2 mollets, crispés, comme jamais (des mollets crispés je connais), je peine à tenir debout. Je souffre comme pas possible à tenter d’arrêter cette crampe mais j’y arrive pas. Je vois mon muscle, on dirait une brique. Après 30-40 secondes, qui m’ont parues 3 minutes, la douleur s’estompe et je reprends mes esprits. Batinsse que j’ai eu mal !! J’arrive à m’asseoir sur une roche. Je comprends que je suis exténué et que c’est la fin pour moi. La décision se prend facilement. Je ne peux plus aller par en haut, je dois aller vers le bas. Fallait équilibrer les bonnes vs les mauvaises (décisions). Pas le temps de jouer aux orgueilleux. Si je continue, je nous mets dans le trouble. Jasmin le sait. Il le voit bien. C’est pas comme si on ne se connaissait pas. Après ces décennies et tous ces moments, il vient un temps qu’on a pu besoin de parler. Tout ça en étant à environ 500m de l’objectif, 800, tout au plus. Ça l’air de rien 5-600m, vous avez raison. Mais 500m qui monte quand on est épuisé, ça peut devenir long… J’ai même pas hésité. Je peine à croire que ce même sentier (au complet) l’an dernier nous avait pris 2h30. On aura mis 3h sans pour autant arriver au bout. De retour à l’auto et c’est la fin pour cette folle journée. On relax, prend une bière bien froide et en route vers Québec.

Au final on aura fait seulement 41km pour 2400m D+ en 8h30 de course. Loin du compte planifié (60km, 3500m D+, 10h30) !! Mais ce jour là, c’est ce que la vie nous réservait. Tout de même honoré d’avoir les capacités et la santé de faire une telle journée, faut quand même pas l’oublier. 

9- Retour : Petite anecdote. Ça fait 1h30 heure environ qu’on a terminé, on vient de quitter le village de Petite Rivière St-François. On est en auto. Soudainement, ma montre bip et je vois que c’est écrit : « Est-ce que vous vous entraînez bientôt » ? Esti, elle me niaise là !!! Ben je l’ai envoyé chier solidement !! J’étais quasiment insulté. Et j’ai pas pu résister au Big Mac + frites à Ste-Anne-de-Beaupré…

10- Mon partner de toujours, Jasmin: Il a été solide comme le rock mon ami. C’est pas croyable comment il peut encaisser. Il est pas autre chose qu’une force de la nature. Respect !!! Merci d’avoir été là pour moi à la fin. J’ai jamais senti une pointe d’amertume de pas se rendre au bout du Liguori !! Ça été toute une aventure cette journée. J’ai des souvenirs mémorables, et je pense que nous allons en rire le restant de nos jours de ces mauvaises décisions au Morios pour se retrouver, là, comme 2 innocents, en pleine forêt sans chemin devant à faire notre possible pour avancer !!! Merci mon chum !!

Conclusion : Suis-je prêt pour UTHC 125 ? Bien que le parcours m’est accessible, comportant plus de 60km catégorisés « facile », je dirais que je suis tout de même divisé à savoir si je franchirai le fil d’arrivée. J’ai travaillé extrêmement fort pour être au niveau que je suis présentement. Je suis clairement en meilleur forme que mon premier Ironman en 2015 bouclé sous les 12h. Je suis clairement en meilleur forme que je ne l’étais en 2016 quand j’ai fait UTHC 80 en un peu plus de 12h. Mais je suis en revanche 5 ans plus vieux. De plus, on dirait que je régressais dans les dernières semaines, incluant cette journée hors de l’ordinaire. Alors ça me fait douter !! Il y a une partie de moi qui y croit, que je peux réussir. J’ai fait souvent mes entraînements dans des conditions et sentiers beaucoup plus difficiles que je vais avoir le jour J. J’ai fait toutes mes sorties importantes avec un ratio kilométrage D+ très élevé par rapport à ma course. Mais, serai-je en mesure d’avancer pendant toutes ces heures, tous ces kilomètres ?? En ai-je assez fait ? Bref, j’ai besoin d’avoir des conditions gagnantes pour réussir je pense : sommeil, température, être dans une bonne journée, faire une bonne gestion de l’effort et évidemment, bien gérer ce que je mange et bois. Si tout ça est réuni, j’y crois. Si un de ceux là ne se passent pas comme je veux, ça pourrait devenir difficile. Mais peu importe, je voulais l’essayer, j’ai tout donné. Considérant ma vie, mes priorités et mes choix, je pouvais difficilement en faire plus que ça. Depuis le 1er janvier, je compte sur les doigts d’une seule main le nombre d’entraînement que je n’ai pas fait pour cause d’indiscipline ou de lâcheté. Je pourrai tourner la page en toute sérénité le 11 septembre en après-midi.

Merci

Seb