Normalement, je suis très volubile après une course; mon 125k d’Harricana, ma course de 2020 fait exception… ça m’aura pris un recul, beaucoup de temps à ruminer et à laisser ces écrits prendre de la maturation.
Au Québec, on compte de merveilleuses organisations de courses trail, des athlètes qui brillent au-delà des frontières et plusieurs amateurs qui ont adopté la discipline qu’est la course en sentier, le trail. Je suis toujours enchantée quand j’ai l’occasion d’y faire un peu de bénévolat, c’est même devenu un incontournable en famille!
N’empêche que la déception est totale de mon côté. Habituellement, si une course se déroule moins bien, j’ai l’espoir que la suivante soit meilleure! Sauf que dans le contexte actuel, c’était ma seule course de l’année… Bien comprendre que je ne cible personne si ce n’est que moi-même ici, bien que j’aimerais voir certaines modifications dans les événements comme je l’ai vu ailleurs.
Revenons avant la course, sur les réseaux sociaux, on lançait la question pourquoi si peu de femmes se risquaient sur l’épreuve reine, le 125k de Harricana.
Des pistes de solution?
À Ottawa, il y a quelques années, j’avais assisté au départ de l’élite pour le 10 000 mètres, des commentateurs expliquaient le déroulement de l’épreuve avec les favoris, les temps espérés, etc. Ce qui avait le plus capté mon attention : les femmes partaient 2-3 minutes devant les hommes; il y avait une prime pour la première personne à franchir l’arrivée dans ces conditions, homme ou femme… On parle de l’élite ici uniquement, la course amateur débutant après ces départs élites.
D’autres exemples me viennent abondamment en tête : les courses à étapes qui au bout de quelques jours font des départs distincts, les plus lents partants les premiers (ce qui permet à tous d’arriver au camp de base à peu près en même temps); le marathon de Rimouski au pace du bonheur avec un départ hâtif avant le marathon général; au golf, le départ des femmes qui est toujours devant celui des hommes…
Pourtant, en trail, la règle d’or dit que les plus rapides partent toujours les premiers! Je peux concevoir qu’un dépassement peut parfois être ardu dans un sentier technique étroit. Par contre, je réalise que les coureurs plus lents sont souvent les plus enclins à se ranger sur le côté lorsqu’ils se sentent pousser dans le dos… De plus, les parcours offrent souvent des sections où les dépassements sont possibles. Ne serait-il pas possible qu’il y ait un départ 4-5 heures devant le départ compétitif; le 125k Harricana prévoit le gagnant en 13-14 heures alors que les derniers franchissent le fil d’arrivée en 24-25 heures : les gagnants seraient toujours devant!
Des enjeux de sécurité sont l’argument que j’ai le plus fréquemment entendu. Je pourrais le concevoir si une personne arrive mal préparée ou blessée, mais si ce n’était pas le cas. Par expérience, j’ai vu du personnel médical à certains ravitaillements pour évaluer la capacité d’une personne à continuer ou non; non pas en fonction de leur vitesse, mais de leur santé et leurs capacités. Et si les coureurs lents se limitaient à des plus courtes distances? Et si ces mêmes coureurs étaient motivés par de plus longues distances… Sinon, qu’une qualification soit exigée au coureur avant même de pouvoir s’inscrire pour éviter cette déception?
D’un autre côté, personnellement, je pourrais, et je vais, tenter d’améliorer ma vitesse, accélérer. Mon corps a tout de même ses limites et je cours amateur; j’ai une vie personnelle et professionnelle à côté de ma passion pour la course…
Mon expérience personnelle
Je ne suis ni la plus rapide, ni la plus lente. J’ai même eu la chance de faire quelques podiums, je spécifie « chance » puisque le nombre de participants et les circonstances m’ont probablement été favorables.
Pour Harricana 2020, j’étais prête, malgré quelques mois plus occupée, j’avais réussi à intégrer un entraînement de rêves dans les Rocheuses quelques semaines avant le jour J. J’étais confiante, j’avais confiance de franchir l’arche d’arrivée, possiblement parmi les dernières, mais d’avoir franchi le parcours dans sa totalité. Je me sentais prête, reposée et d’attaque et pourtant… Pourtant, j’ai été coupée, comme bien des coureurs sur cette distance. Je voulais partir tranquillement, j’avais quand même 125 kilomètres à franchir, distance que je n’avais jamais couru de façon continue auparavant. Mes expériences longues distances se résument à des courses à étapes de 150 kilomètres sur trois jours en 2018 et 330 kilomètres sur six jours en 2019. J’avais tout de même réussi plusieurs 65-90 kilomètres auparavant. J’ai aussi consulté les cotes ITRA pour m’assurer d’avoir des chances de succès.
Le 12 septembre dernier, dès le lever du jour, l’épine Damoclès des temps de coupure s’est faite sentir, les fameux cutoff auront eu raison de mon plaisir à prendre part à un événement organisé. J’en garde un goût amer, je m’implique depuis quelques années dans cet événement, j’ai fermé de nombreux tronçons, j’ai vu le terrain. Oui le terrain était particulièrement difficile cet année, l’élite a aussi été plus lente qu’à l’habitude. N’empêche que ces conditions difficiles, moi qui suis loin des temps de l’élite, m’ont empêchée de voir le fil d’arrivée. Je sens qu’on m’a volé ma course.
Aucune blessure, pas même une courbature au lendemain des 62 kilomètres/2400 mètres parcourus, comme quoi j’étais prête, mais pas assez rapide…