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Ne m’enlevez pas mon poumon!

mélissa couture coureuse
Photo : courtoisie

Hier, j’ai pogné quelque chose. Non, pas le coronavirus, soyez tranquilles. Quand j’ai appris que tous les événements sportifs étaient annulés jusqu’au 31 août, j’ai compris que mon premier ultra-trail n’aurait pas lieu cette année. Depuis le début de la pandémie, je gère, mais là, cette annonce a eu un effet coup de poing.

Toute l’année durant, je me suis entraînée rigoureusement, allant rejoindre la plus belle des gangs au Club de trail de Bromont, deux fois par semaine, donnant tout ce que j’avais. Des intervalles de montées à -25 degrés un mercredi soir, « why not? » Une longue sortie, tôt un samedi matin, dans les sentiers glacés, bien sûr, si  c’est en bonne compagnie. Souvent, durant des entraînements laborieux, qui se présentaient régulièrement, disons-le, je gardais en tête mon ultra : ma première course de 50 km en août prochain. Je poussais, en me disant que pendant cette journée, je serais bien contente de m’être dépassée pendant l’entraînement, que ça me rendait plus forte, plus endurante.

Alors, hier, ça été comme un deuil. Ce qui est important de comprendre, c’est que ce n’est pas qu’une compétition. Il ne s’agit pas seulement d’une journée à courir dans les magnifiques sentiers de la Mauricie : il s’agit de centaines d’heures et de kilomètres à faire le plein et le vide en entraînement, de merveilleux moments passés avec ma gang de coureurs qui me sont chers, et qui me poussent à devenir une meilleure version de moi-même. Ça sonne cliché comme ça ne se peut pas, mais c’est totalement ça.

En fait, il ne s’agit pas de l’annulation de mon principal événement de course, ni des autres, qui sont secondaires : il s’agit du retrait de l’accès aux sentiers. J’ai réalisé que le deuil, il est là. Depuis des semaines, je suis privée de ce qui correspond à mon troisième poumon et que je n’ai aucune idée du moment qu’aura lieu la greffe. La montagne, c’est tout autant un lieu de dépassement, de plaisir, d’adrénaline, de zénitude, de contemplation que de rencontres sociales. Elle m’est inaccessible et elle me manque. Hier, j’ai eu l’impression qu’on tirait le tapis sous mes pieds, d’être privée de mon oxygène.

Il y a aussi la FSA, Fondation des sports adaptés, qui brille par son absence en ce moment. Bien sûr, les sentiers ne sont pas praticables durant le dégel, mais je me réjouissais d’être de retour derrière le dahü. L’an dernier, je me suis impliquée avec cette fondation en fournissant mes jambes à ceux qui ne pouvaient se hisser aux sommets par leur propre moyen, et j’avais adoré ces expériences enrichissantes. Mais ce n’est que partie remise.

Ceci étant dit, bien que je me sois temporairement apitoyée sur mon sort, je n’ai pas l’intention d’agir en victime. Je voyais, dans ma planche à pagaie, une planche de salut. Par contre, je ne suis pas certaine qu’il me sera possible de m’y perdre, ou plutôt de m’y centrer aussi rapidement que le fait de fouler les sentiers.

Curieusement, ou pas, je suis en pleine lecture du livre de Deena Kastor, « Let your mind run », et j’ai débuté l’écoute d’une conférence de Mylène Paquette. Il y est question d’attitude et de perspective. Définitivement, c’est ce dont j’ai besoin en ce moment.

Alors, je vais devoir revoir les saisons qui s’offrent à moi avec un regard différent.  C’est sur le bitume que je me retrouve et, les pieds bien enracinés sur mon tapis de yoga, je conserverai mon équilibre.