L’automne, c’est là que se joue la magie du trail running pour moi en 2019. Cette partie de l’année où la luminosité a un petit je ne sais quoi. Je vais terminer mon année de coureur hybride (route et trail avec 2600 km au compteur et j’en suis fier.
Mon défi de cette année, à cette période, fut clairement le 66 km de l’ultra trail du Grand Duc dans la SEPAQ de la Vallée-de-la-Jacques-Cartier près de Québec. J’ai demeuré cinq ans à Québec mais je n’ai jamais mis les pieds dans ce parc, à mon grand regret. J’y ai remédié en faisant le grand tour du Parc.
Tout d’abord, je me suis réveillé dans une auberge de jeunesse à 3 h., pour déjeuner bien sûr, tout en catimini. J’avais mal dormi (évidemment). Et comme je ne connaissais pas les lieux, je suis parti plus tôt que tard. Il faisait autour de -6 sur place. Après un briefing de course vers 5 h 30, nous sommes partis, valeureux guerriers, lampe au front.
Le départ fut donné, et tout de suite nous entamons l’ascension d’un premier sommet. La vue était fabuleuse, le soleil nous réchauffait à peine et ces vues valent amplement la raison de courir en nature. La descente fut plus technique. Le sol était gorgé d’eau et il aurait été facile de glisser. Le deuxième point de vue fut aussi magnifique, après une ascension assez rapide. Par la suite, on continue à monter. Je peux apercevoir un champ d’herbes dorées couronnées d’un magnifique frimas. J’ai encore cette image en tête.
Je continue l’ascension, je croise deux personnes qui me disent qu’elles sont fermeurs et qu’elles entament leur marche (fausse information avérée). Le stress de ne pas pouvoir être au ravito avant les fermeurs embarque. J’accélère la cadence, je discute un peu avec d’autres coureurs, ce qui me motive à continuer. Tout d’un coup, le sentier devient plat, mais avec beaucoup de bouette et de profondes roulières. Plus technique.
J’entends jaser… S’ouvre à moi la rivière Jacques-Cartier. Les gens sont de l’autre côté. J’aperçois un sauveteur. Merde, faut traverser! J’ai de bonnes habiletés à sauter de roche en roche mais avec 35 km dans les jambes, je jure que c’est différent. Je traverse tant bien que mal. Il reste 30 km à faire. Premier ravito avec des choses chaudes. Miam!
Rapidement, je repars, en pensant au cut-off. J’ai toujours fini mes courses, mais c’est la première fois que j’atteins le cap des 66 km. Je continue ma route, J’ai pu discuter avec plusieurs personnes et on jouait à se dépasser. Elles ont fini par partir, me laissant à ma vitesse, trop lente pour eux. Je prends ma motivation avec mes deux bras et je la brasse un peu. Hop hop!
Le sentier s’ouvre un peu, je vois la route en bas. Je dois être à 300 m de hauteur à ce moment. Je croise deux personnes, l’une dit :« Est-ce que c’est au prochain ravito qu’y a du bacon? » L’autre confirme…S’ouvre un ravito…. Là où nos sacs ont été transportés. C’est ici que j’enfile de nouveaux bas et des souliers secs. Pas de bacon. lol! Enfin. La boue n’aura pas eu raison de ma détermination.
Maintenant, la montagne. Il reste 12 km à franchir dont six dans la montagne. J’aime les montagnes, j’adore celle qui est derrière chez moi. Je me suis dit, avec mes nouveaux souliers, « piece of cake ». Je ratrappe quelques personnes du 66 et dépasse d’autres qui étaient sur d’autres courses; ça va, le moral revient. La descente se fait bien, un beau sentier tout clean.
Pour les derniers six km, je m’attendais à un sentier plus classique, c’est la surprise. Les sentiers proposés étaient des sentiers fermés au grand public et il y avait du dénivelé. J’ai dû utiliser mes mains à plusieurs reprises pour éviter les obstacles. Que de plaisir! J’ai terminé le trail avec satisfaction. Premier 66 km de réalisé.
La raison pour laquelle je suis resté prudent est que la semaine suivante, j’attaquais le 40 km du Trail du Parc du Bic, près de Rimouski et je ne voulais pas me blesser. Je n’ai pu courir dans la semaine que jeudi, le temps de récup devait être optimisé.
C’est donc avec entrain que je suis sur la ligne de départ au Bic. Avec une petite douleur sur le côté d’une cuisse, on disparaît dans les sentiers. Je ressors avec une vue magnifique sur la mer, vers Rimouski. Une nouvelle section technique nous mène sur une plage avec de gros monticules rocheux. Je m’y suis même frotté… et tranché légèrement.
S’ensuit un nouveau sentier qui nous mène à la ligne de départ où l’on dévie légèrement pour monter vers le camping. C’est dur avec le 66 de la semaine dernière, je l’ ai dans les jambes. Je ne vais pas vite mais je maintiens le cap. Je fais le tour du camping que j’ai visité avec mes parents à l’âge de 5 ans et me demande sur quel emplacement je suis venu il y a de ça 40 ans.
Le retour vers le point de départ. Et là je connais cette dernière section pour l’avoir faite avec un autre trailer quelques semaines auparavant : le Pic Champlain et les Murailles. C’est dans cette partie que je commence à croiser des gens de mon entourage qui étaient sur d’autres distances. Les « Allo, Eille, je ne savais pas que tu venais ici. » et autres salutations fusent.
En redescendant vers le ravito accoté sur St-Fabien-sur-Mer, il y a des sections où les bras sont nécessaires. Mais comme tout ce qui descend remonte, j’appréhende le moment où je devrai les remonter dans quelques kilomètres. Au ravito, tout se passe bien, j’ai toujours ma douleur du départ, ce qui est complètement normal. Je suis régulier sur le rythme. J’entame ma descente du Pic Champlain. Je me fais dépasser. J’assume pleinement. Près de la fin du Pic, une dame tombe et se casse un doigt. Discussion avec elle et elle repart, elle était plus fraîche que moi.
Je traverse la route et entre dans le sentier qui relie la montagne à l’arrivée. Je croise un autre coureuse que je connais, Elle me dit « Enwaille, embarque ». Je me suis mis à la suivre en accélérant mon rythme. La magie opère. Il restait 2 km à faire et j’accélérais avec elle. On entend des voix au micro. On se regarde. « On finit ça en sprint? » « Oh yeah! ». Juste voir la tête du directeur de course à l’arrivée valait tout l’or du monde. Trop estomaqué! On était au fond. Merci mon amie, tu as changé ma fin de course.
Et la vie continue parmi le circuit local de trailrunning de mon coin de pays.
Pourquoi je cours? Parce que c’est la vie!