Je suis nutritionniste du sport et je travaille avec des athlètes d’élites – équipes nationales et provinciales – qui s’entraînent à Whistler et à Vancouver, en Colombie-Britannique. Travailler en haute performance est valorisant, motivant et je dirais même, exaltant.
J’ai d’ailleurs la chance de pouvoir partager certaines de mes connaissances en nutrition sportive sur le site de Distances+ puisque j’ai les qualifications et l’expérience nécessaires pour le faire.
Toutefois, c’est en tant que novice de la course en sentier que je me suis présentée jeudi le 20 juin dernier à une clinique sur la course en sentier donnée par le célèbre Gary Robbins en collaboration avec Salomon à Whistler. J’espérais en apprendre sur différentes techniques de course afin de courir plus tard cette saison le 25 km du Whistler Alpine Meadows, mais j’en ai retenu beaucoup plus!
La conférence de Gary
La séance commence par quelques présentations d’usage, des explications sur les différents produits Salomon – j’ai même pu essayer une veste d’hydratation et des souliers de sentiers Salomon – ainsi que certains conseils techniques. J’en retiens que Gary fait régulièrement des entraînements par intervalles en descente, question de pratiquer ces descentes techniques et d’entraîner ses muscles de façon excentrique.
Nous sommes ensuite allés courir une petite boucle de 6 km dans des sentiers tout près du village de Whistler. Mi-parcours, alors que nous faisions une petite pause, une des participantes demande à Gary quelle est sa stratégie nutritionnelle. Et voilà qu’il nous dévoile ses habitudes nutritionnelles : du bonbon pour une nutritionniste comme moi! Je vous transmets à mon tour ce savoir-faire de sentiers.
Se pratiquer à avaler des gels
En compétition, tout comme lors d’entraînements de plus de 90 minutes, il recommande de consommer 200-250 calories/heure, en commençant à s’alimenter dans les 20 premières minutes après de l’épreuve. J’effectue alors un petit calcul mental et en vient à la conclusion que ceci représente 50-63 gr de glucides. C’est exactement en ligne avec les plus récentes recommandations conjointes de l’American College of Sport Medecine, des Diététistes de Canada et de l’Academy of Nutrition and Dietetics : 30-60gr/heure si l’effort dure de 60 à 150 minutes et jusqu’à 90gr/ heure pour les efforts qui durent plus de 150 minutes.
Mais le plus surprenant survient lorsqu’il raconte sa stratégie nutritionnelle lors de la Western States (100 miles) en 2010, alors qu’il avait terminé 6ème dans une chaleur accablante.
Il raconte y avoir consommé 57 gels pendant la course, ce qui représente un peu plus que trois gels par heure. Je peux vous confirmer que nombres de participants de la clinique avaient alors une expression de dégoût bien imprégnée sur leurs visages.
Mais comment en est-il arrivé à pouvoir ingurgiter autant de gels énergétiques sans se rendre malade ? À force d’entraînement. Et oui, c’est en se forçant à prendre autant de gels pendant ses séances de course et en n’arrêtant pas sa montre avant que tous les gels planifiés soient consommés et ce, pendant des mois.
Ceci fait d’ailleurs référence au concept de « training the gut » qui a été mentionné dans un article scientifique pour la première fois en 2009, selon mes sources. Ce concept a été par la suite mieux expliqué dans une conférence en 2011 et un article de revue en 2017 par le chercheur bien connu en nutrition sportive, Asker Jeukendrup.
Et pourquoi avoir choisi des gels plutôt que d’autres sources d’énergie lors de cette course particulièrement chaude? Gary explique cette décision par le fait que le sang est redirigé vers les extrémités lors de températures chaudes afin d’évacuer la chaleur, ce qui réduit l’apport en sang au système digestif. Des aliments à base de sucres simples, comme des gels énergétiques, facilitent la vie au système digestif.
S’adapter à la chaleur est également une stratégie adoptée par Gary avant sa performance au Western States. Il y a d’ailleurs énormément d’intérêt pour les méthodes d’entraînement pour s’adapter à la chaleur chez les équipes nationales en préparation pour les Jeux Olympiques de Tokyo 2020. Les prévisions pointent pour des conditions extrêmement chaudes et humides pour ces jeux d’été.
Une fois de plus, j’ai eu la preuve que les athlètes d’élite sont souvent en avant-première des évidences scientifiques en nutrition sportive et ça, en tant que nutritionniste du sport c’est très satisfaisant.
Pour accéder aux plus récentes recommendations de l’American College of Sport Medecine, des Diététistes de Canada et de l’Academy of Nutrition and Dietetics, on peut visiter ce site web.
Pour en apprendre plus sur le concept « training the gut » : Jeukendrup A. E. (2017). Training the Gut for Athletes. Sports medicine (Auckland, N.Z.), 47(Suppl 1), 101–110.