Je suis une Gaspésienne d’adoption. Avant que j’habite ici, je n’étais pas une aventureuse. La forêt c’était correct en randonnée une fois par année, sur le plat et par beau temps. Avec ma venue en ces terres où la mer et la montagne ne font qu’un, l’envie d’explorer m’est venue. Ma passion pour le trail m’est officiellement apparue il y a quatre ans.
L’an dernier, je me suis inscrite en équipe de deux pour réaliser mon premier ultra-marathon sur le Gaspésia 100. Ma partenaire et moi faisions à relais le 106 km. J’ai réalisé cet ultra en ayant le sourire au visage tout le long. J’ai adoré le fait de partager ce défi avec une amie. Par contre, cette année je désirais me lancer seule dans cette grande aventure. Récit de mon premier ultra en continu et en solo.
Tout commence samedi le 15 juin à 7 h 00. Le directeur de course, Jean-François Tapp, est vêtu de sa salopette de pêcheur (un classique). Il nous fait son discours d’avant course à bord d’un bateau de pêche aux homards. Le mot d’ordre : prudence. Les sentiers sont boueux à l’extrême et déjà une coureuse du 100 miles est mise à l’arrêt : épaule disloquée par une chute banale, mais brutale sur une racine glissante.
7 h 10, le départ est donné! Nous sommes plus de 70 à nous élancer sur la plage de galets. Je sais que je ne suis pas une tête de peloton, alors je reste à l’arrière et cela me plaît grandement. La section de plage n’est pas ma favorite, mais elle se déroule bien. Dans ma planification de course, j’avais prévu être efficace dans les premiers 30 km qui m’amèneraient à l’Anse-à-Beaufils. Malheureusement, les sentiers étaient TRÈS vaseux. J’ai eu les pieds mouillés et noirs dès le premier 10 km. Malgré ma lenteur, ma progression se fait bien. Mon moral est à 100% lorsque j’arrive à l’Anse. Mon conjoint et mes enfants sont présents pour mon arrivée et cela me fait un bien énorme. En tout, je reste à ce «ravito» 15 minutes, le temps d’essayer de manger et de changer mes chaussures. Je repars gonflée à bloc vers la forêt.
Je sais que les prochains 24 km seront ardus. Par contre, j’ai trouvé sur mon chemin deux coureurs de Québec : Karine Laberge et Sylvain Lacasse. Grâce à eux cette section s’est réalisée dans les éclats de rire. Au fur et à la mesure que nous progressons, nous apprenons à nous connaître et nous comprenons rapidement que notre rythme se synchronise parfaitement et cela sans la pression de finir ensemble à tout prix.
Nous ne sommes pas les premiers, loin de là, mais nous continuons d’avancer en blaguant. Cette section nous fait accumuler le dénivelé positif, mais les pistes sont plus belles que dans l’avant-midi, alors c’est encourageant. Nous nous approchons de Percé, notre compteur nous indique 50 km. L’euphorie s’empare de nous alors que nous descendons à la course (notre technique ici s’apparente à la démarche d’un bonhomme Lego), le Mont-Ste-Anne.
Nous voyons les maisons du village de Percé…enfin! Par contre, notre énervement s’envole d’un coup : nous voyons que le balisage des pistes nous indique que nous devons remonter, pendant 3 km, ce que nous venons de descendre!!! Pas le temps de se décourager, il faut continuer d’avancer.
Rendus au sommet de la montagne, le soulagement est intense! Nous savons que nous n’aurons plus de mauvaise surprise et que le reste de la course se fera surtout en descente. Les trois derniers km se feront avec un bon moral. C’est à ce moment que l’émotion entre en ligne de compte et que je prends la peine de remercier mes nouveaux amis de trail. Je sais que s’ils n’avaient pas été là pour cette partie, ça aurait été plus difficile de continuer. La force de la course en trail se situe exactement dans ce dernier point.
La fin de mon périple de 56 km se fait avec l’accueil de ma famille. Ce moment est un peu flou dans ma mémoire. Je me rappelle à quel point les bras de mon homme étaient confortables…je me rappelle de ma fille de 6 ans qui m’a dit : « EURK maman! Tu es tout gluante!!!» Finalement, je me rappelle à quel point mon sentiment de fierté était grand. Je suis un peu sous le choc car ce que je viens de réaliser n’est pas du tout banal : un ultra-marathon dans le bonheur. Je flotterai sur mon nuage longtemps!