**Attention, texte long, comme première expérience sur 80, je l’ai vécue complètement et malheureusement écrit … complètement **
3 h 00, l’heure à laquelle je n’ai encore jamais ajouté d’alarme sur mon cellulaire. Tout est déjà placé sur la table, j’avale mon bagel nature avec mon gatorade et hop dans l’auto (routine classique). Je suis déjà beaucoup trop énergique pour ma conjointe qui me reconduit avec son sourire habituel d’encouragement.
Mon ami Guillaume vient s’asseoir avec moi dans l’autobus. On s’est rencontré 9 mois auparavant au Marathon de Qc. Je rencontre aussi son ami Christian et nous parlons de course, sujet étonnamment d’occasion pour la fds.
Arrivé à 4h45 au site de départ le long du fleuve, une fine pluie tombe sur mes lunettes de soleil (Je me suis dit à la blague que j’allais sûrement attirer le soleil ainsi, mais je ne savais pas encore que j’avais raison). L’ambiance est calme, l’air est frais et la vue sur le fleuve est tout simplement magnifique. Je prends place avec les quelques centaines de participants du 110 et 80 km au site de départ avec ma fidèle photo souvenir.
J’adore la fébrilité de ces moments, l’attente, l’excitation, le stress; quel beau mélange! Après des mois de préparation, enfin le moment tant attendu. Le départ résonne et tout le monde commence son bout de chemin. Quelques kilomètres d’asphalte, mes anciennes amours, nous séparent de l’entrée des sentiers. J’accélère un peu présumant que je suis trop loin dans le peloton (faut croire qu’en 1 km j’avais déjà décidé de ma vitesse sur 80 haha).
Les premiers km se font plutôt bien, parfois arrêté dernière une longue file. On apprécie le moment pour respirer la nature et dire quelques folies avec d’autres traileurs encore frais comme des roses. La vue des premières montées vaut le levé matinal! C’est tout simplement époustouflant! Je n’arrête pas de me retourner pour prendre des photos. J’en profite pour envoyer une vidéo à mes enfants qui sont restés à la maison.
Je rencontre deux personnes fort sympathiques : Sylvain qui organise un autre évènement de trail au Québec ainsi que Marc ou Marc marc lorsqu’il se présente. On se suit sur plusieurs km et Sylvain encourage la majorité des participants avec ses cris de « J’aime tout le monde, tout le monde égal, personne plus ou moins » (mais comme il parle aussi souvent des conseils de sa blonde, je présume qu’il l’aime probablement plus que moi. Ça me fait bien rire, ça tranche un peu du bruit de mes pas dans la terre surtout quand c’est lancé au milieu de nulle part.
1er ravito, tout est sous contrôle, je me fais une réserve de patates dans mon ziploc et de fromages, mange quelques fruits (je ne savais pas à ce moment que le melon d’eau deviendrait mon nouveau meilleur ami), bois un peu d’électrolyte, remplis ma gourde et reviens sur mes pas manger un morceau de pain aux bananes. J’entends les gens dire qu’Elizabeth Cauchon est juste devant, une Élite Québécoise sur le 110 km aujourd’hui. Je décide de la rattraper pour la suivre comme je me situais au travers ou tout juste devant l’élite féminine à mon dernier 50 km.
Je la suivrai ainsi jusqu’au ravito 4 comme pacer, à son insu. J’ai découvert la même personne sympathique que lors de ses entrevues. D’ici là, les vues se multiplient, j’arrête à plusieurs reprises prendre des photos et tente de rattraper mes nombreux arrêts. Les km s’enchaînent mieux que j’avais espéré. Alternance de sentiers techniques, roches, bouette, racines; c’est tout ce qu’on demande. Je commence à remarquer les pancartes des km, 21, 22, 23, 24 … mon dieu, il en a de ses pancartes avant la fin! Je me dis qu’une fois rendu à 30 km, il me suffira seulement de faire la plus longue distance que j’avais faite en trail auparavant soit 50 km (Je ne savais pas trop si c’était une bonne idée, mais c’était ma réflexion du moment).
Ravito 2 et 3, la routine est prise. Je me débarrasse de mon premier sac avec patates/fromages… combien de temps je peux garder un vieux fromage chaud sur moi ? Il fait vraiment de plus en plus chaud, l’air est lourd, on dirait qu’on n’évacue pas la chaleur. La pluie, tant crainte, est maintenant un souhait. Mais elle ne viendra jamais, ce qui me fait revoir mon hydratation.
La section entre le 2e et 3e ravito est plus éprouvanteque prévu, je ralentis le rythme pour m’adapter toujours derrière Elizabeth. J’envoie régulièrement des textos à mes amis et ma conjointe pour leur donner des nouvelles (moi qui m’étais dit de décrocher complètement).
J’alterne l’utilisation de mes bâtons, je suis tellement concentré à ranger mes bâtons dans ma ceinture que je manque un virage et continue tout droit dans les herbes et une souche, ça me mérite un beau vol plané, dommage que personne me filmait. Pancarte du 50! Déjà ! Wow! quelle perte de notion du temps, je tombe maintenant dans l’inconnu pour la suite des km.
Arrivé à la sortie des sentiers, quelques km nous séparent du ravito 4 où ma conjointe m’attend avec mon drop bag. On rejoint une route en gravier qui me permet d’accélérer énormément. Je retrouve presque mon rythme sur route, mais je sens que mes genoux vont exploser. Mini doute, comment ne pas les exploser avec les 23 km restants ? Juste avant le ravito 4, le chemin bifurque dans une rivière, quelle idée merveilleuse! L’eau glacée sur mes jambes est salvatrice! J’hésite à y passer le reste de l’après-midi, mais je me rappelle qu’on m’attend quelques centaines de mètres plus loin.
Je l’aperçois, tout sourire, à la gauche de la table du ravito. J’en profite pour l’embrasser (humm je dois être à mon meilleur, aaa l’amour). Je retourne à la table, bois énormément, nouilles avec bouillon, fruits et une part de grilled cheese que j’avais rêvée lors de ma préparation somme toute décevante en comparaison avec mon meilleur ami le melon d’eau. Je retourne m’asseoir avec ma conjointe, tout mon stock est disposé sur la table et chaque question que je devais me poser est exécutée par ma conjointe (on avait prévu qu’elle serait mon cerveau à ce moment comme l’état du mien était encore inconnu dans les prévisions). Finalement j’opte pour un simple changement de bas, quelques gorgées de ginger Ale, quelques spray d’un mélange d’herbes mystérieux que j’utilise à l’occasion sur mes genoux, bandelettes et chevilles, on ramasse la frontale… dernier bisou et puis une seconde je me dis, bahh aussi bien rester ici et je repars.
Je monte la première cote seul, je suis émotif, pourquoi? Je ne sais pas, le départ d’avec ma conjointe (mon supporteur numéro un), mes pensées pour mes enfants qui m’ont accompagné depuis le début à 5 h 00, le fait que je doive courir sur l’asphalte rejoindre les sentiers ? Ça m’arrive à l’occasion dans mes longues distances, mais c’est toujours agréable comme sensation malgré l’envie de pleurer qui se mélange.
Je rejoins Élizabeth qui doit marcher quelques pas à cause de certains points, je passe devant et ne la reverrai plus, mais j’ai su au final qu’elle a fait toute une course comme toujours ! La prochaine section est roulante, mais tout le monde m’a répété de me garder des jambes pour la terrible Mestachibo (Je pense que ça m’a pris 50 km le dire correctement.) Tant pis, je me laisse un peu aller, les jambes sont bonnes et revenues! Chaque mini pause aux ravitaillements (mais 10 min au ravito 4) me fait renaître. Je dépasse plusieurs personnes, je retrouve Marc Marc (Toutes les fois que je l’ai vu, je me suis demandé pourquoi marc marc? Mystère encore à ce jour irrésolu). Les sentiers sont maganés, le passage des 300 participants du 50 km dans cette section a fait du sentier généralement roulant, un terrain de vase terriblement glissant. Je m’étends à quelques occasions sur le sentier, question de gouter à la boue, le prix à payer pour me laisser aller.
J’aperçois une descente suicidaire en zig zag m’obligeant à marcher. J’en conclurai plus tard qu’il s’agissait du début du sentier Mestachibo. Moi qui pensais qu’il débutait au prochain ravito, erreur! Depuis le ravito 4, je cours seul, l’estomac tient bon étonnamment. Cette section du sentier se fait au ralenti, alternance d’accumulation de roches énormes et de mini sections roulantes, on monte on descente on monte on descend, il y aura pas de chemin un peu plus rapide ?
J’arrive à mon dernier rivato, les gens sont supers, un service privé. Je remplis pour une dernière fois mes provisions, ramasse quatre tranches de melon d’eau pour la route, donne les dernières nouvelles à ma conjointe et repars.
Les jambes chauffent dans les montées, mais le moral et l’estomac sont bons. Quelques km encore d’alternance course/marche pour ce sentier, j’ai étonnamment envie de pouvoir courir plus vite malgré le feu dans mes muscles.
Sept derniers km, je parle par texto avec ma conjointe dans les montées interminables, quand elle me dit :« Eill arrête de texter, il y a juste le premier d’arrivé! Avance) Je ne pense pas arriver pour un podium, mais mon objectif de top 10 est toujours à porter. Enfin les sentiers s’aplatissent et je peux accélérer, j’aperçois les dernières pancartes du trajet, le mont Ste-Anne gagne mes yeux et la musique résonne à mes oreilles. Je dépasse quelques coureurs du 80, je me sens étonnamment bien. J’ai une bonne fatigue générale et je sens bien chaque muscle, mais je sens que tout va, j’accélère, je place mon chandail et mes lunettes solaires pour la photo d’arrivée (je vais peut-être enfin avoir une belle photo finish!) Dernière ligne droite. Je suis simplement bien à l’intérieur, je vois ma conjointe sur le bord de l’arrivée tout sourire, je sens la fierté dans son regard. Voilà, levée des bras pour l’arrivée, sourire! Mon verre récompense et mes melons d’eau! Un finish parfait!
Quelle journée satisfaisante! Je ne sais pas si ma gestion est à améliorer, je m’analyse toujours en terminant, mais je suis heureux, fier de moi. Souvent on voit le négatif des situations dans la vie, mais en montagne, on est bien, on est chez nous.
En y repensant, le tout est déjà un peu flou, la notion du temps, les souffrances, disparues. Le parcours et les bénévoles étaient parfaits. Il me reste mes souvenirs probablement réarrangés dans mon cerveau selon son envie ainsi que mes 41 photos et quelques vidéos pour éclairer ceux-ci.
Merci à ma conjointe de m’accompagner dans l’ensemble de l’œuvre avec nos enfants. La routine est parfois un peu difficile avec mes envies. Merci à ma famille et mes amis de m’encourager et de m’accompagner dans mes folies. Ma conjointe m’a bien dit que ça l’a pratiqué le drop bag pour la prochaine fois, il faut croire que je devrai recourir de longues distances.