Christophe et moi sur la ligne d’arrivée après près de 50h
Un petit tour dans les montagnes grenobloises…
L’Ut4M est un événement pour tout traileur de la région de Grenoble. Ce sont des courses autour de la ville, de 40 km à 168 km, autour des 4 massifs à proximité. Il y a 2 ans, lors de l’édition 2015, on avait réalisé l’Ut4M Vercors, un 40 km avec 2500m D+ avec Kévin et Fabien. L’an passé ils avaient fait la version master ; un 90 km sur Belledonne et Chartreuse. Cette année 2017, il était écrit qu’on devait tous les 3 s’aligner sur la version reine, le 168 km qui parcourt les massifs Vercors, Oisans, Belledonne et Chartreuse. Il y est prévu un D+ de 11000 m et un temps limite de 51 h.
La prépa
La préparation a été assez classique de mon coté; pas de programme d’entraînement très précis mais des séances variées depuis le début de l’hiver : un club de trail à Montréal avec une séance tous les mardis, quelques sorties le midi sur le Mont-Royal, pas mal de «daily commute» pour aller au travail… Assez peu de longues sorties, une en avril et trois grosses sorties début août avec Kévin en Maurienne. Au final, environ 1600 km, et 30 000 m de D+. Je peux pas faire bien plus depuis la belle province.
Le matos
La course
Jeudi 18h : après check du matériel et retrait des dossards c’est l’heure de partir pour notre petite aventure ! Fabien reste assez vite en retrait (on le perd pendant les premières centaines de mètres). Sa stratégie c’est de mettre le super frein à main pour pas se cramer. Bref il a du courir avec les serres-files ! Avec Kévin on décide de rester ensemble. Avec la nuit qui arrive, on se dit que c’est mieux de courir à deux.
Vercors
On enchaîne la première montée, le premier ravito, le premier sommet (le Moucherotte)… On reste en tee-shirt manches courtes, sauf au pic Saint Michel, tellement la nuit est tempérée. On arrive à la base de vie de Vif à 3 h 17 le vendredi matin. Ce premier massif était connu, donc on a bien dosé. Pas de surchauffe, il en reste trois derrière. Le courir de nuit est assez particulier, j’ai bien aimé les sensations différentes, le faire avec Kévin, la chaleur de la nuit… Gros kif dans les descentes, les montées pas mal !
Oisans
Je sors de la base vie à 4 h 17 ; grosse pause, mais finalement je n’ai pas fait grand chose. Le temps passe vite quand on s’arrête. J’ai pas pris de douche juste pris le temps de manger et vérifier les pieds. Tout va bien pour le moment. Je décide de repartir avant Kévin, car il veut rester un peu plus pour soigner ses pieds.
Tout d’abord on a pas mal de chemin sur petites routes, chemins assez larges pour attendre le col de la Chal avant de redescendre sur Laffrey, le premier ravito du massif. Pause assez rapide car il fait frais ! (c’est 7 h du matin) Je repars avec un compagnon de route en direction de la Morte. On monte un chemin qui passe en dessous du sommet «le Grand Serre» avant de repiquer sur la Morte. Section réalisée exclusivement en marchant sur les conseils de mon compagnon d’étape.
A la Morte, je fais une grosse pause (45 min) je sais pas trop pourquoi. Je pense pour attendre Kévin mais j’aurais du repartir au plus vite et perdre moins de temps. Je croise Kévin 5 min avant de repartir. J’apprends que Fabien s’est fait arrêté par les barrières horaires à Vif.
Je repars encore seul en direction du col de la Vache, le premier KM (kilomètre vertical) de la course. Une vrai «vacherie» cette montée! Je monte avec une équipe de bretons (3 frères dont un en assistance et 2 en course). Arrivés en haut, on mange le paysage. C’est magnifique. On a une vue presque 360 sur le Vercors, Grenoble, la Chartreuse, les Ecrins… La montée a été rude, en pleines heures chaudes. Elle a été longue mais c’est passé.
Ensuite on trempe les pieds dans le lac de Brouffier puis une longggggue descente pour aller jusqu’au lac de Poursollet. Je pensais arriver avant, mais cette section est bien longue (plus de 4h). J’ai perdu un peu de temps mais j’ai toujours 2 h d’avance sur les barrières. Tout va bien.
Maintenant direction les chalets de la Barrière puis Rioupéroux. C’est une belle section sur un plateau plein de lac (dont le lac Fourchu) avant de tomber sur le pas de l’Envious. La longue descente sur Rioupéroux se passe sous les arbres, et c’est plutôt bien car on se prend la saucée. Je double Kévin que je pensais derrière. Il a en fait bénéficié d’un itinéraire de repli. J’arrive à Rioupéroux, seconde base vie vers 18 h 30, j’ai encore un bon 2 h d’avance sur la BH.
Belledonne
Rioupéroux est pas la meilleure base vie. C’est petit, bruyant, plein de monde pour résumer. Je prends ma première douche de la course, je m’occupe de mes échauffements aux cuisses, je mange… Kévin arrive et abandonne dans la foulée sans que j’aie le temps de lui parler. Trop mal aux cannes.
Je retrouve les amis (Fabien et Gé la copine de Kévin). Ça fait du bien de voir du monde! Le problème c’est que j’ai pas une folle envie de repartir seul. L’Oisans je l’ai fait seul mais j’avais Kévin que je croisais de temps en temps. Bref, c’est le premier moment où je pense à abandonner. Par flemme de s’engager seul sur les 80 kms restants. Flemme de partir alors que la nuit va arriver, la seconde nuit. Flemme de partir alors que des orages sont annoncés.
Mais à Rioupéroux, Fabien retrouve le mari d’une copine du judo, qui s’apprête justement à repartir. Mes potes veulent nous marier pour le reste de l’épreuve pour le meilleur et pour le pire. Banco 5 min plus tard, on décolle ensemble affronter le terrible KV de l’Arselle. Bonjour Christophe, on se quittera plus.
Belle introduction au massif ! Après 1300 m de D- pour arriver, on prend direct 1100 m de D+ dans le KV de l’Ut4M. Montée en douceur, pas trop violent. 2 h 15 pour la montée, pas pire. Arrivés sur le plateau, on a un ravito eau à l’Arcelle. En plus Christophe a des amis qui vont le suivre sur le plateau jusqu’à Chamrousse. Une chance pour nous, car le brouillard est tombé et l’orientation est devenue difficile. On est fatigué, on veut dormir.
Pas facile au ravito d’Arcelle. On voit la salle hors sac de ski de fond qui est ouverte : on rentre, on place les 2 tables en longueur pour pouvoir dormir dessus, on s’allonge et on y reste 30 min. Un repos qui fait du bien mais qui me donne bien froid. Je ressors de la salle avec toutes les couches (dont le surpantalon , la goretex et le bonnet.) On est en plein mode marche maintenant difficile de nous faire changer. Ravito au Recoin, puis 17 km de piste forestière pour rallier Freydière (repli à la place de la croix de Chamrousse + grand colon).
Cette piste forestière, elle est interminable. On est parti sur «on la marche» mais 17 km en marchant, de nuit, fatigué, c’est très long. Je commence à expérimenter quelques hallucinations nocturnes. Christophe est pas plus lucide que moi. Bref on est content d’être deux. Il m’arrive de me poser sur le bord du chemin pour une micro sieste de 60 secondes.
On commence à calculer notre temps d’arrivée à Freydière, et c’est pas génial. L’envie de dormir est là, elle englobe tout. Je rêve d’une sieste a Freydières. Je sais que si je dors 30 minutes je vais être hors barrières. Bref j’ai décidé d’abandonner à Freydières. J’en parle avec Christophe qui est aussi dans une mauvaise phase. Je le sens motivé également pour abandonner.
On arrive à Freydières 10 minutes avant la barrière horaire. Les bénévoles nous félicitent. Moi je veux abandonner pour dormir. Je leur dis. Et là, globalement, on se prend des torrents de félicitations. Dans les bénévoles, Jérémy Lavy vainqueur de l’Ut4M 2016… Christophe appelle sa femme, elle l’engueule pour qu’il continue… Christophe décide de repartir. Il se fait remplir ses bidons par Jérémy. Je le vois faire… Et du coup j’ai envie de l’accompagner de repartir avec lui. Est-ce pour ne pas le laisser seul ? Ou pour ne pas rester seul à Freydières ? Je sais pas trop, sans doute un mélange des deux…
Malgré l’envie de dormir, la fatigue physique on est reparti pour au moins une nouvelle étape jusqu’à la base vie de St Nazaire les Eymes. Et du coup le changement mental est incroyable! On est arrivé à Freydières le moral dans les chaussettes, en marchant et on repart avec la banane et la ferme intention de courir pour aller au point suivant !
On se lâche un peu avec Christophe dans la descente, j’ai envie de courir pour gagner du temps et avoir le temps de profiter de la base vie. Finalement, lui aussi va courir et on va arriver grosse maille dans les mêmes temps. A 8 h 35, je rentre à la base vie. Juste 2 h 30 pour faire ce segment contre plus de 4 h pour celui avant… C’est officiel on est reparti! En sortant de Freydières, on a marché un peu avec les serres-files, on était officiellement les derniers de l’Ut4M à ce moment-là.
Chartreuse
L’arrêt à la base vie de St Nazaire est minuté. On a 1 h 30 avant la barrière horaire. Je prends le temps de faire une douche, un mini dodo de 15 min, et ensuite de bien m’alimenter. Des pâtes, de la soupe, du pain. J’ai eu aucun problème d’alimentation pendant toute la course ! On repart à 9 h36 ensemble avec Christophe.
Il nous reste le dernier gros dénivelé de la course, le col de la Faïta qui nous amène vers le habert de Chamchaude. 1200 m de D+ à avaler avant la BH de 13 h 30 au habert. C’est clairement le dernier bout difficile pour tenir les délais. La montée toute en sous bois est agréable en cette dernière matinée. 2 h pour atteindre le col. On carbure encore à 600 m/h après 40 h. Petit chemin après vers l’Eimendra puis bon coup de cul pour rallier le habert de Chamchaude (j’avais oublié ces 300 m de D+ !) On s’effondre au habert à 13 h 06, on a bien grimpé. Et on est ok avec la BH ! On bénéficie encore d’un itinéraire un peu plus rapide pour descendre au Sappey, mon genou est plutôt d’accord pour limiter la casse désormais. Il commence à moyennement apprécier cet enchainement de montées descentes depuis jeudi soir.
Pause rapide au Sappey, et on repart avec deux collègues de Christophe en plus qui vont nous accompagner jusqu’à la ligne d’arrivée. Depuis le habert on sait que c’est dans la poche. Les barrières sont larges jusqu’à Grenoble. On est passé par toutes les émotions dans cette course! Cette fin de course est surtout contemplative, chargé de discussions avec les uns et les autres, On suit gentiment le tracé classique qui passe par le fort St Eynard, le col de Vence, le Rachais que je connais bien… Pour le coup, on le fait intégralement en marchant, sauf en dessous de la Bastille, et quand on arrive sur la ligne. Pour le fun c’est tout!
Je retrouve Fabien et Kévin qui m’attendent au col de Vence; ça fait plaisir de les croiser…Je crois qu’ils vont s’inscrire sur la version 2018 dès que c’est en ligne, ils ont la rage. Puis la classique descente, on arrive au Palais des Sports juste avant 20 h. Bel accomplissement… Christophe semble également satisfait du travail accompli. Je suis pas complètement lucide pour me diriger correctement dans le PDS.
Fabien, Kévin et Caroline, une copine de mon frère sont là pour m’accompagner… J’ai des étoiles pleins les yeux, et je suis sur mon nuage, il me faudra quelques jours pour redescendre. Maintenant j’ai envie d’accompagner mes potes Kévin et Fabien pour leur revanche l’an prochain.