Dimanche 23 août, la sonnerie du portable retentit à 6h45. Je ne l’avais pas entendue durant ces vacances d’été et c’est un peu dans le vague encore que je réalise ce qu’il se passe.
Dimanche 23 août, c’est mon anniversaire. Journée spéciale. 54 berges, ça commence à compter ! Le poids des ans sur les épaules est parfois lourd à porter, voire à supporter.
Dimanche 23 août, c’est aujourd’hui que je cours le trail des Mont de Dames. 18 km, 600 mètres de D+ On a attendu jusqu’à il y a 10 jours pour être sûr qu’il aura lieu.Le seul trail de l’année vu la situation sanitaire spéciale. D’ailleurs, pour pouvoir avoir lieu, les organisateurs et bénévoles ont fait preuve de courage pour toutes les démarches administratives auprès de la préfecture.
Ainsi, il ne faut pas traîner, je n’aime pas arriver à la bourre sur le lieu du départ, surtout que 1 je ne sais pas vraiment où il se situe et que 2, il faut encore aller retirer mon dossard. Je speede toujours mais quand je vois Lydia qui hésite, dans la salle de bains, face au miroir, entre une queue de cheval et les cheveux lâchés, ça me met un peu plus la pression. Pas de café, pas de thé. Evidemment, rien de solide au risque d’avoir le ventre en vrac. Les pipis du stress sont déjà bien suffisants!J’emporte une banane, deux barres de céréales dans mon camelbag rempli d’eau et les ravitos compléteront.Hop ! on est prêt ! Le chauffeur s’avance et c’est parti, direction Baume les Dames. Sauf qu’au bout du village, la voiture prend déjà une mauvaise direction. Tous les chemins menant à Rome, on ne mettra guère plus de temps pour arriver à destination.
Sur place, enfin, “Vous avez pris vot’ masque?” Je refile à père Boubou un vieux FFP2 qui fait ressembler toute personne le portant à un ornithorynque. La bande grisâtre à l’intérieur, bordant la barre métallique, devenant un peu miteuse se transforme alors en poussière sous l’effet de la transpiration, je retrouve mon Boubou le visage tout mâchuré. Je regarde, ah non, dommage ! Je n’ai pas de photos… Oups !
252, c’est mon dossard. Le départ se fait de façon échelonnée entre 9 h et 10 h. Je papote avec quelques coureurs, voisins et amis. Je prends ma banane et m’aperçoit qu’elle a pris un énorme coup, la moitié est talée, berk ! La barre de céréales me fait de l’oeil, pour un peu je sens la bonne odeur de cacahuètes grillées et chocolat à travers l’emballage… Je la garde pour plus tard, soyons raisonnable.Comme ça caille un max, je ne tarde pas à rejoindre la ligne vers l’arche.Top ! C’est parti.
Je me sens bien. Chatard m’attend dans 5.5 km et quelques 250 mètres de dénivelé aussi mais j’aime cet endroit. On y a déjà pris de belles rigolades avec les copains du geocaching ! Je prends vite mes marques, ai une pensée pour Eric qui devait m’accompagner et nous voilà déjà dans la montée.Je profite du moment présent.Tut, tut, c’est Boubou qui va se garer pour m’attendre et m’encourager plus loin, là-bas, dans la descente. Coucou coucou c’est ma voisine venue encourager son homme mais du coup, par la même, moi aussi. Il fait bon, pas trop chaud. Le départ échelonné fait qu’on ne se bouscule pas dans les singles. Je vais bien, 4 kilomètres sont avalés, presque le 1/4 de la course, les crêtes sont là. En bas, Baume. En bas, le Doubs. C’est beau. On ne verra sûrement pas de chamois, les deux pattes bariolées et fluo les feront se mettre à l’abri…Et puis là, je m’écroule, tout s’écroule. Sur les pierriers, mes genoux tapent et sur le côté, je roule. On s’arrête, on m’aide, on cherche des straps. Mes yeux embués par les larmes ne distinguent même pas le beau MÔsieur qui me verse de l’eau sur mon genou qui n’en peut plus d’enfler et saigner. (Je sais qu’il est beau puisqu’il est venu prendre de mes nouvelles au village, à l’arrivée).“Faut appeler quelqu’un?”“Non, ça va aller, continue ta course.”“Put… mais j’ai pas de strap’, d’habitude j’en ai toujours et j’ai pas pris le même sac!”On me remet sur pattes, je tiens debout et je n’ai plus aussi mal qu’au moment du choc. Têtue, volontaire, je continue. On verra plus tard.La croix de Châtard est là !
Ravito N°1 au 6ème kilomètre. Pain d’épices et chocolat noir me redonnent le moral.Un peu plus loin, Boubou est là pour m’encourager. Étonné, je l’apprendrai plus tard, du temps que j’ai mis pour arriver jusque là. Juste le temps de lui dire que je suis blessée, qu’un bénévole annonce une descente dangereuse, un flanc de coteau très rude. Un mur ! Tout bonnement, je lui explique que ça ne va pas être possible… Je sens ses mains fermes qui m’agrippent et hop 1, 2, 3 me voilà en bas. Ils sont forts, ils sont beaux les bénévoles, tout comme les runners !!Je profiterai des superbes passages dans les cuves de Silley Bléfond, tout en remerciant la météo estivale, trop caniculaire certes mais qui aura eu le bénéfice d’assécher ces marmites de géants. Je ne sais pas si j’aurais réussi à les traverser en temps ordinaire, remplies d’eau. Vu le single escarpé, encore bien humide, j’aurais eu du mal à accrocher. Prudence, ne va pas te rétamer une seconde fois !Ne serait-il pas temps de manger mon en-cas? Je ne sais plus si un deuxième ravito est prévu. Hummm !! a very delicious barre de céréales qui te met les papilles en éveil… Les endorphines et les cacahuètes, je te jure, ça te donne un coup de punch au cerveau comme dans les guibolles. Je suis bien crinquée, comme disent nos cousins québécois.Tant qu’il n’y a pas de descentes, ça va, je clopine. J’y arriverai. Je le sais. Je grimace mais je ne raterai pas ce trail. Je me retrouve à courir avec Catherine qui m’a aidée aussi là-haut, lors de ma chute. On papote, ça fait du bien. Merci !Le deuxième ravito est là. Pas très faim du coup mais bon, un fruit sec et du pain d’épices seront bien agréables. Faut jamais zapper les ravitos !Les kilomètres s’enchaînent, pas vite mais me rapprochent de la ligne d’arrivée. D’autant plus que là, ça y est je sais où nous sommes, je reconnais le belvédère et le point de vue de Mont Dommage. Pour un peu, tout en bas, dans la vallée, on pourrait apercevoir le village de la course…
On y est presque et j’ai toujours le moral, mon genou me rappelle sans cesse à l’ordre et une pointe au niveau de la poitrine se fait néanmoins sentir. Pas très cool mais ce n’est pas ça qui va m’arrêter à 4 kilomètres de l’arche. Le passage par Château Simon en laisse plus d’un à la traîne. Il était prévu ce détour par cet endroit??2h30 pour faire 18 kilomètres !! C’est pas glorieux mais je l’ai fait, j’ai réussi. Je suis finisher.
Coucou à mes cousines et cousins qui font partie des bénévoles en savourant les tucs (THE aliment essentiel lors d’une course) et quelques tranches de saucisses made in Morteau.Une plante fleurie en souvenir et un écocup qui viendra compléter ma collection.
On casse une croûte, un plateau repas que l’on partage avec Nathalie, une bière (ben oui, c’est obligé et surtout mérité). On papote. On prévoit même de courir le 19 km sur le trail des Forts en Octobre. On revoit mon sauveur (c’est vrai qu’il est plutôt mignon), on échange encore un moment, me préconisant de surveiller ce genou.“On y va, on rentre?” Sauf que là, à froid, maintenant, j’ai un mal fou à me remettre sur pieds.
Et ça ne fera qu’empirer dans les heures qui suivront.Tout au long de la nuit, mes douleurs augmentent et je dois me rendre à l’évidence qu’une visite aux urgences est nécessaire.Des radios et une consultation plus tard, le verdict tombe : fracture de la rotule et 1 côte fêlée… Ah oui quand même…“Quand on dit que le sport c’est la santé!” Il est gentil cet infirmier…1 mois d’immobilisation avec interdiction de poser le pied au sol.1 mois d’arrêt, ce qui signifie aussi que je ne peux pas faire la rentrée scolaire…
Elles sont où mes endorphines pour me remonter le moral?
Dimanche 23 août 2020, 54 ans. Je me souviendrai du cadeau !Dimanche 23 août, je serai tombée mais n’aurai pas abandonné !
Il y a pire, ça guérira. J’espère juste que je pourrai le plus tôt possible rechausser mes baskets. I’m running addict…