« Si ça nous arrivait à nous, on aimerait ça aussi que quelqu’un nous aide. » Je lance des petits bouts de phrases philosophiques pour rassurer la jeune coureuse que nous sommes en train de sortir du bois, et qui se sent un peu coupable de tant d’attention.
C’est la deuxième fois en un mois et demi que je dois interrompre ma course pour venir en aide à un coureur. Début juin, un homme s’est évanoui dans les sentiers du Trail de la Clinique du Coureur. Cette fois, la coureuse devant moi a chuté, et sa cheville gauche a fait un « crac » bien sonore.
J’aperçois Marline Côté, directrice générale de l’Ultra-Trail Harricana, et Marie-Ève Pelland, entraîneure au Club de trail Nord Boréale, elles aussi embarquées sur le 25 km de l’Ultra-Trail Académie. Elles rebroussent chemin en entendant l’appel à l’aide douloureux de la coureuse.
Quelques instants plus tard, le grand manitou du Québec Méga Trail, Jean Fortier, aussi directeur de course et de la sécurité sur d’autres événements, arrive et prend la situation en main. Il n’est pas à sa première intervention au milieu du bois. Il nous met en confiance et dirige l’opération avec calme.
D’autres coureurs interviennent : Nicolas, Mathieu, Valérie, Simon. Je bloque le passage aux coureurs qui arrivent derrière à toute vitesse, et les fais bifurquer dans le bois. Notre course à nous est terminée : désormais nous avons une autre mission.
Il faut sortir la blessée du bois, mais les sentiers sont très boueux, très étroits, très techniques. Il nous faudra presque une heure pour parcourir un kilomètre, jusqu’à un chemin forestier où nous attend un camion, en portant la coureuse et en se relayant. Des coureurs que l’on rencontre nous disent qu’il ne reste que 50 m… à plusieurs reprises. On sera donc le « Team 50 mètres », même si c’était bien plus que cela.
Finir la course, ça ne compte plus. C’est l’heure de la solidarité, parce que l’une des nôtres est tombée au combat. Je suis toujours aussi estomaqué par la générosité des membres de la communauté de trail. Ça pourrait vraiment arriver à n’importe qui.
Ce sont ces histoires qui rendent fiers. Les médailles, le classement, c’est de l’accessoire, et tant mieux si ça fonctionne. Mais la richesse de l’expérience humaine, j’y ai encore touché de plein coeur ce week-end.
Il y aura d’autres compétitions.
Photo : une partie du « Team 50 mètres ». Il manque Jean Fortier et Marline Côté.
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