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Coureur
Nom | Catherine Bujold |
Mon résumé de course et expérience |
L’idée m’est venue sur la plage du coin du banc à l’été 2018. Je courais ma première section d’un 106 km que j’ai réalisé en équipe de 2. La Gaspésia 100 de Percé. Dans un tournant de sentier, j’ai croisé une jeune coureuse pétillante et pas du tout fatiguée de la bonne humeur et du positivisme. Kelsey Hogan. Elle me demande mon nom, elle s’extasie de mon entrain alors qu’elle fait la même épreuve que moi mais solo et deux minutes plus tard nous échangeons quelques mots le souffle un peu coupé sur un bout de chemin de terre cette fois. J’ai terminé ma course numéro 1 de ce jour à ses côtés avec un mélange de bruits de vagues et d’exclamations venant de ma nouvelle amie coureuse qui m’encourage à la suivre et me contamine de bonheur. J’étais contente de donner le relais à mon partner en quittant cette plage magnifique mais en la voyant repartir elle tout juste un bref moment après notre arrivée, j’ai eu envie de connaitre un défi plus grand moi aussi. J’ai décidé de me préparer à réaliser ce rêve fou à l’automne 2018. Je demande l’aide d’une coureuse d’expérience pour l’entrainement et je fais une place immense à la course dans ma vie. Mon automne se passe dans l’arrière-pays de la Gaspésie à explorer les trails où j’essaie de ne pas me perdre… À être heureuse dans le bois souvent très tôt et souvent toute seule. Ensuite tout l’hiver j’ai quitté mon petit portique d’appartement prête pour l’entraînement en me disant que le froid et la météo n’allait pas freiner ma préparation à ce projet. Il est venu ce grand jour. Mes pieds sont pas mal abimés par les derniers mois, 106 km c’est un défi qui m’impressionne grandement mais c’est un défi que je veux vivre! Ce matin-là je suis fébrile. À l’hôtel, je fais des blagues avec ma sœur en disant que mon corps ne se doute pas du tout de ce qui l’attend. J’avale difficilement mon déjeuner et je file vers le quai de Percé pour être à mon départ juste une petite demi-heure avant le temps. À mon arrivée, je me présente à certains coureurs et je réalise que nous partageons tous un peu la même idée. Vivement d’avoir une vingtaine de km dans les jambes et de laisser disparaître le stress des premiers pas de cette course! Mon départ est comme je l’imaginais. Un peu irréel et flou. Je me sens bien par contre. Je salue ma famille derrière moi et j’adopte un rythme que je pourrai suive jusqu’à ma première pause à Gargantua. Mes compagnons de course sont silencieux et j’ai comme l’impression que tout le monde est concentré. Ma première partie se passe bien. Je comprends très vite que les ravito me plaisent. Les gens qui m’attendent là me gonflent de courage. Chaque fois je savoure et chaque fois je repars avec une énergie nouvelle. Ma deuxième portion est plus technique. J’essaie d’être vigilante et je ne veux surtout pas tomber parce que le terrain est glissant et boueux. J’accepte de traverser une rivière avec une coureuse qui m’avoue avoir une peur bleu de l’eau et qui agrippe presque mon dossard. J’ai une amie qui m’attend au km 45 et son bouillon salé me fait un effet simplement magique. Coin du banc est là après ce beau moment avec mes copines bénévoles. Je sais que ma moitié de course est terminée. Tellement belle et avec un parfum de grande marée bien différent des forêts qui défilent autour de moi depuis 8h le matin même. La plage est comme dans mes souvenirs de l’an passé. Mais cette fois, je suis seule sur cette piste de gravier. En tout petit, je vois ma mère et ma sœur qui agitent les bras au loin et je cours un peu croche jusqu’à elles et les autres. Après ça, j’ai décidé de décortiquer ma course en portion de 25 km. Un jusqu’à mon retour à l’Anse-à-Beaufils et un autre qui allait me mener à la toute fin jusqu’à Percé. Le soleil se couche entre la rivière aux émeraudes et Val d’Espoir. Mes mains deviennent soudainement complètement malhabiles à cause du froid ou parce que la fatigue me gagne je ne sais pas trop. J’arrive à allumer ma frontale en appuyant dessus avec une roche! Et j’arrive aussi à réenfiler mon manteau mais avec plein de gestes étranges qui me font rire. Je sais que je dois traverser cette même rivière avant mon avant dernier 25 km et j’ai hâte de l’entendre. J’ai un peu peur d’être perdue parce que le cours d’eau ne se pointe pas. Les drapeaux roses m’accompagnent et me rassurent mais jamais comme la vraie rivière qui se dresse finalement devant moi. Je suis soulagée de devoir me mouiller les pieds à nouveau parce que ça me confirme que je ne suis pas à l’écart de mon trajet. Ma toute dernière portion est quand même éprouvante, mais mon moral est bon et je me dis que d’être dehors la nuit c’est agréable. Bien étrangement, je ne réalise aucunement que je suis partie depuis plusieurs heures et je ne m’endors pas. J’arrive à la commune et le mini chapiteau du ravito est désert. Je pige des trucs à manger sur la table presque vide et je continue ma run vers Gargantua, mon dernier vrai passage à 93 km. Une partie de ma fidèle équipe est là! Ça me touche beaucoup parce qu’il est comme 4h du matin je pense… Ma tante et ma cousine me rappellent que la prochaine fois qu’elles me verront mon aventure sera terminée et réussie. Je décide de m’arrêter juste 2-3 minutes et de conclure avec ce qu’il me reste à donner. Le mont St-Anne ne tient pas compte de ma fatigue et j’alerte toutes sortes d’oiseaux joyeux en courant avec ce soleil qui se lève maintenant bien timidement. Pour vrai, je ne sais pas trop à quoi j’ai pensé tout ce temps. Toute cette longue journée-nuit-aube… J’ai eu hâte à tellement de petites choses précieuses et confortables de mon quotidien mais en même temps j’ai profité à fond de l’instant présent. J’ai pensé à ce que je vivais là, et c’est tout. La finale était très semblable à mon sentiment du départ. Irréelle et floue. J’ai quand même pris plaisir à me souvenir de ma nervosité du matin de la veille et j’ai savouré ce nouveau sentiment d’accomplissement.
Merci à ceux qui croient en moi. Catherine Bujold, 17 juin 2019
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