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Récit d’une aventure au Québec Méga Trail 110 km

J’en peux plus… je vais éteindre ma frontale, m’asseoir sur cette roche 5 minutes… juste 5 minutes….

Clic.

Le silence, le noir total… je suis en plein dans une des dernières grosses montées… le ravitaillement du sommet n’est pas très loin…. Mais j’en peux plus, fallait que je m’arrête 5 minutes…

On rembobine…!
29 Juin 2019, 3h… le réveil n’a pas encore sonné mais je suis réveillé. Les sacs sont prêts. Douché, changé, et me voilà parti pour déposer mon drop bag et prendre le bus, sous une petite pluie il me semble? Pas certain… J’essaie de dormir encore un peu pendant le trajet, finalement pas bien réveillé. Le jour se lève, et on a déjà un aperçu de ce qui nous attend et des paysages magnifiques, avec un superbe lever de soleil derrière les montagnes. Tiens, mon voisin sort un sandwich… bonne idée ça, moi j’ai oublié. Bon, une barre protéinée aux peanuts et un peu d’eau pétillante feront l’affaire – je le regretterai plus tard.

On arrive au départ vers 4 h 40, le temps de déposer l’autre drop bag, mieux lacer mes chaussures, et direction l’arche de départ. Pas le temps de niaiser ou de faire connaissance, et d’ailleurs je crois que je n’étais pas en mode « discussion ». Plutôt concentré, de la peur certainement aussi. Est-ce que je vais aller au bout? Est-ce que je suis assez entraîné? C’est mon premier 110 km, avec autant de dénivelé. L’an passé j’ai fait le 80 km de l’Harricana. Finalement celui-ci n’en a « que » 30 de plus, mais avec deux fois plus de D+…

Bref c’est parti, la corne sonne, la musique, je pense juste à démarrer ma montre et une petite vidéo pour immortaliser l’instant…

1er kilomètre – 4 min 50, ben trop rapide… 2ème, pareil, bon tant pis on continue. Finalement je préfère être un peu devant au cas où il y aurait des bouchons.

Après un peu de bitume, on rentre dans la forêt, et on attaque vite la première montée. C’est parti pour environ 900 m de D+. Arrivé à la moitié, je commence déjà à avoir des nausées, ça ne va pas très bien. Je ralentis et puis ça passe… chanceux mais faut pas que je pousse trop fort au début…

7 h 05, premier ravitaillement. Je suis dans le temps le plus optimiste que je m’étais fixé. Je ne traîne pas, ça va bien. Les sentiers sont beaux, les premières montées sont relativement bien passées, pas trop de boue pour l’instant…

Je sors ensuite du ravito Cap du Salut vers 9 h, encore dans mes temps. Ensuite ça commence à se corser. Déjà une trentaine de km dans les jambes, serais-je parti un peu trop vite? L’avantage est que je ne suis pas trop attaqué par les mouches et moustiques.

Je continue à un rythme de course sur le plat et descentes, et marche rapide dans les montées, pour l’instant pas trop compliquées.

Je saute au ravito 4 – Ste Tite des Caps. La mi-course. Je sors du fameux tunnel déjà vu sur différente photos de l’épreuve. C’est chouette, Françoise est là. Je vais changer de chaussettes, manger, changer quelques trucs. Il est environ 15 h 30. 10 h 30 de course… je calcule rapidement que ça va me faire arriver vers 2 h de matin… merde j’avais l’objectif de terminer dans la même journée, mais ça va être compliqué. On change d’objectif ? Je pense à l’abandon aussi… est-ce que ça me tente de terminer sur les rotules, faire attendre Françoise tout ce temps, prendre une semaine ou plus pour m’en remettre?

Mais si je termine dans les temps, il y a le passe-droit pour le Grand Raid c’est vrai… mais est-ce que je veux vraiment le faire finalement ?

Allez, assez cogiter, on repart. J’en ai profité pour me faire faire un strap au genou gauche qui commençait à faire mal… Merci à la Physio dont j’ai oublié le nom.

Direction le Mont St Anne, en passant par le sentier Mestachibo, qui parait-il est « brutal. »

Il commence à pleuvoir sérieusement, je me retrouve vraiment tout seul. Heureusement, on finit par rentrer dans la forêt, ce qui atténue un peu la pluie. La partie technique commence, mais j’aime ça. Je rattrape même quelques concurrents dans les endroits les plus compliqués, mais dès que ça devient moins technique et que la pente s’accentue, ils repassent devant!

Bref, après plusieurs passages de rivières, ponts, pieds dans la boue, marches, rochers, escaliers… j’arrive au pied du Mont St Anne… 80 km… Il est juste avant 21h… Combien de temps vais-je mettre pour faire les 30 derniers km ? Va-t-il y avoir miracle, vais-je retrouver des jambes?

Bon, en attendant, je profite de l’aide de Françoise qui me donne à manger, m’aide à me changer, nouvelles chaussures, frontale, motivation.

Prochain split, 8 km et environ 1000 m de dénivelé… Quelle drôle d’idée de nous faire monter une piste de ski!  C’est fait pour descendre en ski, et monter sur un télésiège, non? Pas pour aller à pied… Ça c’est vraiment brutal… Je n’ai plus rien dans les jambes, pas de bâtons (grosse erreur), et la pente est raide comme jamais… Je scrute les petites lumières bleues… les unes après les autres… jusqu’en haut… J’ai l’impression que ça me prend des heures… précieuses, à ce moment-ci… Je peste… Arrivé en haut, pas de ravito, mais il faut redescendre un peu (toujours sur une piste de ski, mais sans ski), pour remonter, à travers les bois…

J’en peux plus… je vais éteindre ma frontale, m’asseoir sur cette roche 5 minutes… juste 5 minutes….

Clic.

Le silence, le noir total… je suis en plein dans une des dernières grosses montées… le ravitaillement du sommet n’est pas très loin…. Mais j’en peux plus, fallait que je m’arrête 5 minutes…

Je suis fatigué, les jambes sont finies, le temps passe… Est-ce que j’attends quelqu’un derrière pour faire un peu de compagnie? Mais est-ce qu’il y a encore quelqu’un derrière moi?

Je repars… le ravito du Sommet ne doit vraiment pas être très loin… j’espère…

Effectivement, j’y arrive, un peu démoralisé, mais les bénévoles sont vraiment au top, me disent que j’ai fait le plus dur, il ne reste que 20 km jusqu’au bout, et ça descend.

Je suis reparti. Pas vite, mais en courant. Sauf que dans les parties de sous-bois, je n’y vois plus rien. Je vérifie ma frontale, nettoie mes lunettes… mais non la brume commence à se lever et brouille tout… j’ai du mal à voir les lumières bleues du parcours et l’état du sol pour poser mes pieds… Je tombe, me tord les chevilles… Bon allez, je vais marcher finalement… et courir quand le terrain et la vision le permettent…

En plus j’ai oublié de remplir mes bouteilles d’eau au sommet…

Heureusement des bons samaritains de bénévoles sont là pour m’encourager, et ils ont de l’eau.

J’arrive au dernier ravito. Françoise est là. Je ne sais pas quelle heure il est, ma montre m’a lâché. Mais je sais que si je m’arrête ou si je traîne trop, je vais être hors délai. Il reste 9 km et j’allonge le pas…

9 km ça se fait en moins d’une heure quand même, non? Est-ce que j’avais déjà dit que je n’y voyais plus rien dans la forêt ?

Ah! une rivière à traverser. Pas de pont cette fois, mais une main courante pour se tenir, et une bénévole pour vérifier que je ne coule pas. Après la rivière, un peu d’escalade, et de retour dans le bois… Au moins, les jambes ont été rafraichies.

Les panneaux kilométriques défilent… 105, 106, 107…J’arrive sur une route. Cette fois-ci je peux courir un peu. Panneau Finish! Je vois Françoise qui m’attend Elle court avec moi les derniers mètres, je vois la ligne, c’est fini!

J’aurai mis plus de 7 h pour faire ces derniers 30 km…

4 h 30 du matin, 23 h 30 de course/marche, 110 km et 4800 m de dénivelé positif.

On me remet mon bock de bière, magnifique et bonne idée. Le directeur de course est là lui aussi pour m’accueillir. À 4 h 30 du matin! Mille mercis à lui, merci à tous les bénévoles, merci à la pluie qui s’est arrêtée, à la pente qui m’a laissé monter, à la mouffette qui ne m’a pas aspergé, et surtout merci à ma famille, mes amis, pour tous les encouragements. Et merci à ma femme qui m’a supporté, suivi, et encouragé dans cette aventure.

Je ne sais pas si je referais cette distance de sitôt… ce n’est peut-être pas fait pour moi? Est-ce que ça va le devenir? On verra bien comment je récupère…

En tous cas j’aime ces aventures, même si on souffre. J’aime les sentiers, les paysages, les rencontres, la difficulté, et les sensations lorsqu’on arrive, même au bout du bout.

Je suis engagé sur l’UTHC 125 km au mois de septembre, et il y a quelques années, j’avais pris le pari (Fou) de faire la Diagonale en 2020… Peut-être je devrais changer le 125 km en 65 km…

On verra pour la suite des aventures. Bravo aux vainqueurs : je n’arrive même pas à imaginer la vitesse à laquelle ils doivent aller pour terminer en 11h… Bravo à toutes et tous les participants!

A bientôt!

Durée Distance Dénivelé
km m
Lien vers l'activité Strava