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La fois où j’ai sous-estimé une course

J’ouvrais ma saison 2019 le 20 mai dernier avec le 34  km de la Trail du Coureur des Bois, organisé par JeCoursQc à la Station touristique Duchesnay.

J’avais couru mon premier ultra en janvier de la même année dans le désert de l’Arizona. J’avais maintenu un bon niveau d’entraînement à mon retour dans l’hiver québécois et je m’étais programmé un gros début de saison.

La Trail Coureur des Bois était l’occasion de faire une longue sortie et de me remettre dans un mood compétitif avant d’enchaîner trois ultras en six semaines : la Trail de Clinique du Coureur (50 km), le Québec Méga Trail (52 km) et l’Ultra Trail Académie (47 km). Si mon début de saison était un repas quatre services, la Trail du Coureur des Bois était l’entrée. La mise en bouche. L’amuse-gueule avant les pièces de résistance.

Aujourd’hui, quatre mois plus tard, je peux vous affirmer que cette mise en bouche aura été mon plus gros défi de l’année. Le QMT et l’UTHC ont été mes deux plus grosses courses de la saison, sans l’ombre d’un doute. Mais, c’est pendant le parcours de 34 km à Duchesnay que j’ai le plus souffert.

J’étais constamment à bout de souffle, comme si je courais pour la première fois de ma vie. J’avais des crampes à des endroits où je n’en avais jamais eues. Je digérais mal les gels à l’érable que j’utilisais depuis des années. Ah, et au 3e kilomètre, une douleur intense s’est développée dans mon genou et ne m’a jamais quitté. Bref, j’en ai bavé.

Ce constat m’amuse. Cet hiver, quand je regardais mon calendrier de courses, je ne me serais jamais imaginé cela. Et c’est probablement pour cette raison que j’ai tant souffert. Parce qu’inconsciemment, je sous-estimais cette course. J’avais les yeux rivés sur la Clinique du Coureur. Sur le QMT.

Attention! Jamais dans les jours ou les semaines précédentes, je me suis dit que ce serait facile. Non! Je n’ai pas consciemment sous-estimé cette course. Mais, avec du recul, en repensant à ma préparation, je peux aujourd’hui affirmer que j’ai sous-estimé cette course. Et j’ai trois raisons pour prouver mon point.

Raison 1

Parce que la fin de semaine précédente, je me suis fait une fin de semaine choc dans les White Mountains. Qui se tape un week-end choc neuf jours avant une course? Moi. 50 kilomètres et plus de 4 000 mètres de dénivelé positif en moins de 36 heures. Un aller-retour au sommet du mont Jefferson le matin. Un aller-retour au sommet du mont Washington l’après-midi. Et un demi-marathon sur l’Appalachian Trail le lendemain matin.

Un super plan, considérant que c’était quatre semaines avant mon premier ultra de la saison. Un mauvais plan, considérant que c’était une semaine avant la Trail du Coureur des bois. Ah! et la petite douleur au genou qui est apparue sur l’Appalachian Trail et qui s’est ravivée au 3e kilomètre de la course à Duchesnay était un syndrôme fémoro-patellaire. J’ai couru après. Littéralement.

Raison 2

Parce que je ne m’étais pas reposé dans les jours qui ont précédé la course. Au contraire! Je mène une double vie : je suis autant passionné par la course à pied que par le théâtre. Et au cours des 72 heures qui ont précédé la course, j’avais fait cinq représentations dans un spectacle (d’où la moustache). Je dépannais des amis qui ont une troupe de comédie musicale dans laquelle l’un des acteurs avait dû se désister à la dernière minute. Un beau mix de stress, de plaisir et de bières-d’après-show-qui-terminent-trop-tard. Je ne regrette pas du tout d’avoir plongé dans cette aventure théâtrale. Mais, on va se le dire, ce n’était pas la préparation optimale pour une course.

Raison 3

Parce que je n’ai pas pris le temps de faire ma routine habituelle. Depuis que je participe à des compétitions sportives d’endurance, j’ai mis au point un menu d’avant-course béton. Pendant les 24 heures qui précèdent une course, je mange toujours la même chose. Au-delà de la bouffe, j’ai l’habitude d’analyser le parcours. Identifier les montées abruptes, analyser la distance entre les ravitos et me faire un plan de match pour diviser mon effort à travers le parcours. Là, je n’ai rien fait de cela.

Comme je voyais la Trail du Coureur des Bois comme une occasion de faire une longue sortie, plutôt que comme une compétition, j’ai dérogé de mon plan de préparation. J’ai attaqué cette course comme j’attaque mes longues sorties en entraînement : freestyle! La veille d’un gros entraînement, ça m’arrive d’avoir un souper arrosé avec des amis. Et l’entraînement se passe bien. Alors je suis arrivé avec cette philosophie pour la course. J’avais un souper pour souligner la dernière représentation du spectacle (raison 2). J’ai troqué mon habituel plat de pâtes et de poulet pour un burger et une bière. Rien d’extravagant. Mais j’ai dérogé de mon plan. Et je n’ai pas analysé le parcours. Bref, le gars habituellement over-préparé que je suis est arrivé solidement under-préparé.

Prenez ces trois raisons, mélangez-les dans un grand bol et vous obtiendrez 34 kilomètres de souffrances.

Mais pourquoi suis-je en train d’exposer mon insouciance et ma mauvaise préparation à une course? Parce que j’ai appris là-dedans. Beaucoup plus que lors des courses suivantes. Je n’ai pas appris sur moi pendant mon QMT où j’ai eu de bonnes sensations pendant les 52 kilomètres du parcours. Ni pendant mon UTHC qui s’est déroulé comme prévu. C’est pendant la Trail du Coureur des Bois. Quand j’ai souffert. Et j’ai eu ma leçon. Et ç’a été bénéfique pour tout ce qui a suivi.

C’est ça qui est beau en trail. Peu importe la distance, peu importe l’évènement, peu importe le niveau de difficulté du parcours : si tu ne respectes pas la montagne, elle va te le faire payer.

Et tu vas en baver.

Et c’est exactement ce qui s’est produit le 20 mai dernier.

J’en ai bavé.

Et je suis content. Et j’ai appris. À la dure.