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Ignorer les faits ne change pas la réalité.

J’étais motivée et bien décidée à faire une saison d’ultra cette année. Je pensais faire le 50 km du 5 Peaks à Orford et le 100 km du QMT. Je m’entraînais. J’augmentais le volume graduellement sous la supervision de mon entraîneur et je faisais du renforcement musculaire. Tout allait bien. Mes heures d’entraînement pour les mois de février et mars battaient tous mes records personnels.Tout allait bien jusqu’à ce que je commence à sentir une légère douleur sur le côté du genou. Mais ça va passer. Tout va bien! Je continue à m’entraîner. La douleur part et revient…Je me dis que ce n’est rien de sérieux. Je continue.

J’essaie de trouver la cause de la douleur; un faux mouvement ou pas assez d’étirements, trop d’étirements ou un déséquilibre alimentaire? Je deviens limite hypocondriaque et parano. Mais je ne change rien à mon entraînement. Je veux faire des Ultras. J’ai besoin de courir. Courir est pour moi une façon de décompresser. Je suis quelqu’un de stressé en général dans la vie, et ce, pour aucune raison valable. Je suis faite comme ça, je suis comme toujours en état d’alerte pour rien. La seule façon que j’ai trouvée pour gérer mon stress c’est de courir. Après une sortie de trail, mon niveau de stress passe d’un écureuil caféiné à un hibou perché sur son arbre.

J’ai besoin de courir pour gérer ma vie. Me rendre à l’évidence que je dois arrêter ne me plaît pas. Mais courir blessée me stresse parce que je ne veux pas aggraver ma situation. Je ne peux plus ignorer la douleur; je la ressens quand je marche. Je stresse aussi parce que je ne veux pas décevoir tous les gens à qui j’ai dit que j’étais trop contente de faire des Ultra. Mon moyen de gérer mon stress devient un facteur de stress. Rien ne va plus! Mais je veux encore atteindre mes objectifs. Je ralentis un peu mes efforts, diminue les durées de sorties et fais un peu de vélo. Ce n’est pas mon premier Ultra, je veux repousser mes limites.  Me prouver que je peux le faire. Je veux voir si je peux aller plus loin encore. Plus loin dans la douleur? Non ce n’est pas une bonne idée…

Je commence à réaliser en mai que ça n’a plus d’allure. Certaines personnes de mon entourage me poussent à la réflexion et je les en remercie. J’ai moins de plaisir à courir; les longues sorties sont devenues trop douloureuses.  Je me demande alors ce que je dirais à une amie dans ma situation. Je lui dirais clairement de ralentir, d’aller voir un professionnel et de prendre soin d’elle. Mais pourquoi j’ai autant de difficulté à le faire pour moi? Parce que mes objectifs m’aveuglent? Par orgueil? Non, je pense que c’est seulement que j’aime courir longtemps. J’aime courir dans les trails où je perds la notion du temps. Où le terrain change tout le temps, où ce n’est jamais comme la dernière fois. L’averse de la veille a changé les sillons de ma trail préférée, les feuilles ont poussé davantage, il y a plus de fougère; bref, c’est toujours du nouveau. Mais les conditions que j’aime n’y sont plus parce que je suis trop concentrée sur la douleur.

Je vois un physiothérapeute depuis quelques semaines et je suis sur la bonne voie pour guérir de mon vilain syndrome fémoro-patellaire. Je fais de plus petites sorties et écoute mon corps. Je cours sans douleur et pour le plaisir de nouveau. Il m’aura fallu du temps pour que j’admette que ça n’a plus de bon sens, que je prenne la décision de renoncer aux longues distances pour un moment. Que mon vélo à une vitesse devienne ma monture de choix. Que les exercices de renforcements et les étirements fassent partie de ma vie pour de bon. Et que j’arrête de me soucier de l’avis des autres, que mon corps, je dois en prendre soin si je veux atteindre mon objectif ultime qui est de courir jusqu’à 80 ans.

J’ai d’ailleurs réduit les distances des deux courses auquelles j’étais inscrite. Je ferai un 25 km à Orford, ce qui est quand même beaucoup, vu les circonstances, je le sais. Mais je me suis mise des barèmes à respecter. Si la douleur persiste durant la course, j’arrête. Je ferai aussi la combinaison de la course verticale suivie du 10 km au Québec Méga Trail. Comme lors d’un Ultra, j’ai passé par toutes sortes d’émotions pour en arriver à la conclusion que le but principal est d’avoir du plaisir à courir.