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Courir « seulement » 98 % de l’UTHC 42

Le 98% est approximatif, mais disons que j’ai eu un ennui assez classique à la course en sentier. Sauf qu’au lieu d’en faire plus comme les participants qui s’égarent momentanément, j’en ai fait moins.

Depuis qu’on a quitté la ZEC du Lac-au-Sable ce matin-là à 9 h, je n’ai pas manqué une seule pancarte annonçant les kilomètres restants et je compare le tout avec ce qui s’affiche sur ma montre. Je sais donc en tout temps quand la prochaine doit apparaître, approximativement.

RAVITO DE LA MONTAGNE NOIRE

Je viens de parcourir la difficile et décourageante section entre le Split et la Montagne Noire. Après une lente montée sur plusieurs kilomètres avec très peu d’énergie dans les jambes, je sais que dès que je quitte ce dernier ravito, c’est de la descente pratiquement jusqu’à la fin. J’ai un regain d’énergie, je suis partie pour la gloire. Je m’élance donc à toute vitesse en pensant à l’arrivée.

LES 7 DERNIERS KILOMÈTRES

Je devrais normalement apercevoir la pancarte du 7 kilomètres restant bientôt. Elle n’arrive jamais. Je me dis que j’ai dû la manquer et que ce n’est pas dramatique. J’attends donc avec impatience celle du 6 kilomètres. Je croise finalement une affiche indiquant 5 kilomètres restants. Je suis surprise, mais je me dis qu’elle annonce peut-être le kilométrage de la course de 10 km.

Je tiens à mentionner que je cours depuis plus de 5 heures. C’est ma plus longue course à vie. J’ai le cerveau ramolli. Jamais il ne me vient à l’esprit que j’ai commis une quelconque erreur. Je continue à courir.

Quelques minutes plus tard, j’entends quelqu’un derrière moi. C’est un ami du 65 km qui m’avait dépassée dix kilomètres plus tôt.

Moi: Qu’est-ce que tu fais là? (Lire ici: Ben voyons donc, comment ça se fait que tu es derrière moi?)

Ami: Toi, qu’est-ce que tu fais là? (Lire ici: coudonc, t’es-tu téléportée?)

Moi: Est-ce que tu t’es perdu? (Lire ici: j’essaie de trouver une explication, et la seule que je vois, c’est que tu t’es perdu)

Ami: Non non, tout est en ordre. Quand est-ce que tu m’as dépassé? Je ne t’ai jamais vu…

On ne se pose pas plus de questions. On continue à courir. Il me (re)dépasse. Je le perds de vue.

LES 4 DERNIERS KILOMÈTRES

Il doit rester 4 kilomètres avant la fin. Et c’est là que mon cerveau commence à travailler fort fort. Quelque chose ne fonctionne pas. Je ne sais pas quoi, mais ces deux derniers évènements sont louches, trop louches.

Je vois enfin la ligne d’arrivée. Ma famille est là. J’ai réussi. Mais je ne suis pas capable d’apprécier. Je ne verse même pas une larme, tsé!

Les messages de félicitations entrent sur mon téléphone de partout. Mais je me sens comme un imposteur. Je sais que quelque chose cloche.

L’APRÈS-COURSE

Arrivée chez moi, je regarde le tracé Ondago et je le compare au mien. Plus aucun doute. J’ai manqué une toute petite boucle après le dernier Ravito. J’étais trop heureuse de m’élancer pour les derniers kilomètres. Je n’ai jamais vu que je devais tourner à droite.

J’écris à l’organisation, j’explique mon erreur à mes proches. Et c’est seulement à partir de ce moment-là que je peux enfin me permettre d’apprécier ce que j’ai réalisé. J’ai couru 42 kilomètres avec 1200 mètres de dénivelé positif en 5h50. J’ai couru 98 % de l’UTHC 42.

L’année prochaine, je vais essayer de courir 100 % de l’UTHC 80.