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À quand la prochaine ligne d’arrivée?

Septembre 2014 : mon amie Isabelle m’embarque dans cette folie, nous allons faire notre premier Ultra au Vermont 50, 50 miles, soit 80 km. Ce fut une magnifique expérience, on se dit : «Wow » 10 j 01 et 10 h 45. Alors le vent dans les voiles, on se lance pour 2015. Faut se grouiller, à 45 ans, ça presse!

À partir de maintenant, nous formons une équipe, ni l’une ni l’autre n’a envie de s’aventurer dans le bois seule, la nuit et c’est un pacte d’amitié et une aventure à deux. Let’s go! Juillet 2015, Vermont 100 (100 km), encore une fois, ce fut magnifique; beaucoup de route de gravier, un peu de sentier, monte-descend tout le temps, des chevaux etc. 14 h 25 plus tard nous terminons. Ok, on est parties! À partir de maintenant, on se voit amasser des points pour faire l’UTMB ensemble pour nos 50 ans. Fantastique! Quel projet magnifique!

Septembre 2016, Chute du Diable, 80 km, une année de préparation, notre souvenir du Vermont en mémoire, on arrive au site de départ (qui est magique, en passant). Trois femmes seulement au départ, dont nous… hmmm… on se pose des questions.

Ça part vite! C’est étroit, il fait tellement noir. Ouch! ok, c’est ça de la trail. On est complètement dans un autre monde. Pourtant, on a 14 heures pour faire 80 km. C’est 20 de moins qu’au Vermont il y a 1 an. 48 km, fatiguées, mais pas épuisées, mais vraiment trop lentes pour ce genre de sentiers. Déçues, on termine la course en voiture pour la première fois, frustrées. Le lendemain, on accepte la tape sur la gueule et on se dit :« On recommence l’an prochain. Maintenant qu’on sait ce qui nous attend »

Un an de préparation, plus de volume, plus de trail… gonflées à bloc, septembre 2017, Chute du Diable, 80 km, prise 2 …  On s’encourage, on est meilleures. Passe le 48e km avec pas mal d’avance. On est dedans!  La technicité du parcours nous rattrape après un peu plus de 55 km. On a un creux… comme dans tous les ultras, le manque d’expérience nous fait paniquer un peu. On s’encourage, let’s go. Finalement, on manque le temps de passage, encore… au 72e km cette fois. Encore plus de frustrations. Seulement 10 à faire. Un autre retour en auto.

Après réflexions, on passe l’éponge et on se dit : « Ok, on change le mal de place, on se remet au travail et en route pour Charlevoix.» Septembre 2018, nous prenons le départ du 125 km. Après la virée en autobus, un bon départ, le sentier technique mais avec des passages plus roulants qu’à la Chute du diable, nous avons confiance. Dans la 2e nuit, après le 101e km… ça se corse un peu… pas beaucoup de femmes devant nous, on est encouragées… mais pas longtemps. La fatigue, la panique du ˝cut-off˝ nous reprend de plus belle, on a les jambes molles… on perd aussi la notion du temps et de notre vitesse… Split BMR, 108e km, mon homme nous attend… Nooooonn! On arrive 12 minutes trop tard. Pas vrai! Un retour en camion cette fois-ci… On avale de travers… on accepte, pas le choix… C’est notre 3e défaite…

Au retour, après quelques jours de repos, on se relance. On a passé si proche. On replonge. Septembre 2019, nous serons pour la 2e fois du départ du Harricana 125 km.

Le départ est bizarre : toutes les deux, sans se le dire, nous avons la peur au ventre, il y a quelque chose qui cloche… la nuit est longue et difficile. D’habitude on rit, on jase un peu, on s’encourage… mais là rien… juste un poids sur nos épaules, va-t-on y arriver cette fois?

Nos pas sont de plus en plus lourds. Pas de hauts, juste une longue descente vers le découragement. Malgré notre montée fulgurante du Mont Morios, un léger regain d’espoir, nous ne sentons que le stress de ces fameux cut-offs qui hantent chacune de nous en secret.

Malgré une avance considérable aux Hautes-Gorges, nous arrivons complètement épuisées, les émotions à fleur de peau. Mon homme nous attend avec le sourire et ses encouragements, mais il voit bien que notre état est lamentable. Il essaie du mieux possible de nous encourager, car nous sommes en avance de 45 minutes sur l’an passé. Sans en avoir envie, nous repartons, en silence où chaque pas est un calvaire…

66e km… On se regarde et on se demande, pourquoi on continue. Nous voyons notre 2e nuit arriver, pour l’instant, la ligne d’arrivée semble impossible… Nous avons arrêté sec… et avons ri pour la première fois de cette difficile journée… le poids sur nos épaules est tombé…

Pourquoi avancer s’il n’y a aucun plaisir, juste de la douleur, de la frustration et de la tristesse ? Ce fut notre 4e défaite de suite… sans voir le fil d’arrivée.

La prise de conscience du lendemain matin fut difficile, toutes les deux maintenant à l’aube de la cinquantaine, notre rêve de l’UTMB ensemble est derrière nous. Faudra en trouver un autre… On accroche nos souliers de trail, c’est la retraite.

Mais après quelques jours de réflexion, nous avons décidé qu’avec tout le travail fait nous méritons bien une ligne d’arrivée… L’an prochain, nous prendrons le départ du 50 km au QMT et au 80 km de Charlevoix.

Cette fois-ci nous nous sommes promis de courir léger, de s’amuser et d’arrêter d’angoisser sur des temps de passage… En plus, mon homme, notre fidèle supporteur fera les 18 derniers km avec nous. Cette fois-ci notre photo d’arrivée sera certainement une des meilleures.